Des actionnaires d'une société holding « cotée », suspendue de la cote et mise en liquidation judiciaire, recherchent la responsabilité du dirigeant, lui reprochant d’avoir diffusé de fausses informations sur des programmes de construction et de commercialisation d’avions développés par des filiales.
Il est fait droit à leur demande.
En annonçant des commandes fermes, sans que celles-ci ne correspondent à une quelconque réalité, le dirigeant, parfaitement informé de l'état du carnet de commandes de la société et de l'activité de construction de celle-ci, avait diffusé des informations qu'il savait fausses et de nature à tromper la perception par les actionnaires et les investisseurs de la situation réelle, présente et à venir, de la société.
La diffusion de fausses informations sur le carnet de commandes avait directement influé sur le cours de l'action de la société, en laissant croire au marché boursier que la société était en pleine croissance commerciale et développait son outil de production. Ces fausses informations avaient faussé la perception par les actionnaires de la situation de la société et les avaient conduits à conserver des titres dont ils se seraient défaits s’ils avaient eu connaissance de la situation réelle de la société au titre des commandes effectuées.
Le préjudice qui en était résulté est une perte de chance pour les actionnaires d'avoir pu céder leurs actions lorsque la société faisait encore l'objet d'une cotation. Il n’était pas égal à 100 % de leur perte dans la mesure où, si une information sincère avait été diffusée, le cours de l'action aurait baissé au regard du développement moins prometteur qu'aurait présenté la société.
A noter :
Les actionnaires de SA peuvent agir en responsabilité contre les dirigeants de la société en réparation du préjudice qu'ils ont subi personnellement (C. com. art. L 225-252). Cette action individuelle, ouverte même si la société fait l’objet d’une procédure collective, pour des faits antérieurs au jugement ayant ouvert cette procédure, n'est recevable que si le préjudice subi par l'associé ou l'actionnaire est distinct de celui éventuellement subi par la société (Cass. com. 9-3-2010 n° 08-21.547 : RJDA 6/10 n° 637). Tel est le cas lorsque des actionnaires de la société ont été incités à investir dans les titres émis par celle-ci et à les conserver en raison de fausses informations diffusées par les dirigeants, d'une rétention d'informations et d'une présentation aux actionnaires de comptes inexacts (Cass. com. 9-3-2010 n° 08-21.547 précité ; CA Limoges 17-1-2013 n° 11/01356 : RJDA 8-9/13 n° 727). L’arrêt commenté se situe dans le droit-fil de cette jurisprudence sans pour autant jamais expressément qualifier le préjudice des actionnaires de personnel et distinct de celui de la société.
Le préjudice des actionnaires s’analyse alors en la perte d’une chance d'effectuer des arbitrages éclairés, d'investir leurs capitaux dans un autre placement ou de renoncer à celui qui est réalisé (Cass. com. 9-3-2010 n° 08-21.547 précité ; CA Paris 31-10-2008 n° 06/9036 : RJDA 1/09 n° 35). En l’espèce, les juges ont évalué le préjudice à 40 % de la dernière cotation des actions.