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Fondations reconnues d’utilité publique : le CAC doit-il respecter les procédures d’alerte et des conventions réglementées ?

Selon la commission juridique de la CNCC, les commissaires aux comptes des fondations RUP n’ont à mettre en œuvre ni la procédure d’alerte ni la procédure des conventions réglementées. Une position que ne partage pas Patrice Macqueron, coauteur du Mémento Associations.


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1. Dans un avis rendu le 2 février 2018, la commission des études juridiques de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes énonce que le commissaire aux comptes d’une fondation reconnue d’utilité publique n’a pas à appliquer la procédure d’alerte, ni celle des conventions réglementées (CNCC 2-2-2018 EJ 2013-98).

Une opinion de la CNCC fondée sur une analyse des textes… alambiquée

2. La commission rappelle que les fondations reconnues d’utilité publique sont régies par la loi 87-571 du 23 mars 1987 sur le développement du mécénat. Au départ, cette loi prévoyait que les établissements publics autorisés à recevoir des versements pour le compte d’œuvres ou d’organismes mentionnés au I de l’article 238 bis du CGI, ainsi que les œuvres et organismes qui reçoivent des versements par l’intermédiaire de ces établissements, « sont tenus de nommer au moins un commissaire aux comptes et un suppléant, choisis sur la liste mentionnée à l’article 219 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966…, qui exercent leurs fonctions dans les conditions prévues par ladite loi sous réserve des règles qui sont propres à ces établissements » (Loi 87-571 art. 5, II, al. 3). Ces dispositions ont été étendues à toutes les fondations reconnues d’utilité publique par l’alinéa 5 de l’article 18 de la loi 87-571, introduit par la loi 90-559 du 4 juillet 1990.

Après la recodification de la partie législative du Code de commerce réalisée par l’ordonnance 2000-912 du 18 septembre 2000, les articles 18, alinéa 5 et 5, II, alinéa 3 de la loi 87-571 disposent, aujourd’hui, que toutes les fondations reconnues d’utilité publique sont tenues de nommer au moins un commissaire aux comptes et un suppléant choisis sur la liste mentionnée à l’article L 225-219 du Code de commerce précité qui exercent leurs fonctions dans les conditions prévues par ladite loi sous réserve des règles qui sont propres à ces établissements. Depuis, la loi 2003-706 du 1er août 2003 a substitué l’article L 822-1 du Code de commerce à l’article L 225-219 (Loi 2003-706 art. 103 et 112).

3. La commission des études juridiques de la CNCC relève que l’article 5 de la loi 87-571 précise toujours que « les commissaires aux comptes exercent leurs fonctions dans les conditions prévues par ladite loi ». A l’origine, ce renvoi concernait la loi 66-537 ; cette dernière ayant disparu, la commission considère ce renvoi comme obsolète.

En outre, à la suite de la recodification du Code de commerce, les conditions relatives à l’exercice de la mission du commissaire aux comptes figurent désormais sous le titre II du livre VIII du Code de commerce. La commission observe que les dispositions relatives aux conventions réglementées et à la procédure d’alerte ne figurent pas sous ce titre. Il en résulte, selon elle, qu’aucune disposition légale ou réglementaire n’impose aux commissaires aux comptes des fondations reconnues d’utilité publique de mettre en œuvre les procédures d’alerte et de conventions réglementées.

4. Bien plus encore, la commission précise que puisque les fondations reconnues d’utilité publique sont régies par les textes spécifiques issus de la loi de 1987, les articles L 612-1 et suivants du Code de commercerelatifs aux personnes morales de droit privé non commerçantes ayant une activité économique ne leur sont pas applicables en vertu de l’adage « specialia generalibus derogant » (qui se traduit par : « les lois spéciales dérogent aux lois qui ont une portée générale »).

Une opinion de la CNCC que nous ne partageons pas !

5. Tout d’abord, l’ordonnance 2000-912 du 18 septembre 2000 relative à la partie législative du Code de commerce qui a abrogé les dispositions de la loi 66-537 du 24 juillet 1966 a expressément prévu, dans son article 3, que « les références contenues dans les dispositions de nature législative à des dispositions abrogées par l’article 4 [de l’ordonnance, dont la loi 66-537 du 24 juillet 1966] sont remplacées par les références aux dispositions correspondantes du Code de commerce.»

En conséquence, à notre avis, les dispositions de l’article 5, II, al. 3 de la loi 87-571 prévoyant que les commissaires aux comptes « exercent leurs fonctions dans les conditions prévues par ladite loi » doivent être lues comme « dans les conditions prévues par ledit Code de commerce ». Faut-il rappeler que ce code est une loi et qu’il n’était donc pas nécessaire de modifier ce texte ? En outre, si le législateur avait voulu restreindre ces « conditions » à celles qui figurent dans le titre II du livre III du Code de commerce, il l’aurait expressément indiqué.

Force est donc, pour nous, d’admettre que « les conditions prévues par ladite loi » visent toutes les dispositions du Code de commerce concernées et notamment les articles L 612-3 et L 612-5 qui prévoient, le cas échéant, l’application des procédures d’alerte et de conventions réglementées par les commissaires aux comptes.

6. En outre, l’application de l’adage « specialia generalibus derogant » faite par la commission des études juridiques de la CNCC nous paraît, pour le moins, douteuse.

Les fondations reconnues d’utilité publique sont effectivement régies par les textes spécifiques issus de la loi 87-571 mais on ne saurait en déduire que « les articles L 612-1 et suivants du Code de commerce relatifs aux personnes morales de droit privé non commerçantes ayant une activité économique ne leur sont pas applicables en vertu de l’adage specialia generalibus derogant ».

En effet, pour que cet adage soit applicable, il faut qu’il y ait des dispositions spéciales et des dispositions générales ; l’absence de réglementation dans une loi spéciale ne peut être considérée comme la volonté de déroger aux règles générales existantes. La loi 87-571 ne contient aucune disposition concernant les fondations reconnues d’utilité publique ayant une activité économique. Or, ces établissements sont incontestablement des personnes morales de droit privé non commerçantes : si le législateur avait voulu qu’elles ne soient pas soumises aux dispositions générales des articles L 612-1 et suivants du Code de commerce, il l’aurait expressément précisé, ce qu’il n’a pas fait. Est-il nécessaire d’insister sur le fait qu’une loi qui ne prévoit rien, n’interdit ou n’autorise rien mais, seulement, ne régit pas la situation concernée… et laisse juste à une autre le soin de le faire ?

Plus globalement, toutes les personnes morales de droit privé non commerçantes sont soumises à des règles spécifiques ; par exemple les associations sont assujetties aux dispositions de la loi du 1er juillet 1901 et les sociétés civiles à celles des articles 1840 à 1870-1 du Code civil. Suivre l’argumentation de la commission juridique conduirait à considérer que dès lors que les associations et les sociétés civiles sont régies par des textes spécifiques ne renvoyant pas aux articles L 611-1 et suivants du Code de commerce, ces derniers ne leurs seraient pas applicables en vertu de l’adage « specialia generalibus derogant » : une vraie boîte de Pandore, donc !

7. En conclusion, il faut revenir aux dispositions de l’alinéa 3 du II de l’article 5 de la loi 87-571 qui prévoient que les commissaires aux comptes « exercent leurs fonctions dans les conditions prévues par ladite loi (Code de commerce) sous réserve des règles qui sont propres » aux fondations reconnues d’utilité publique. En l’absence de telles règles et de renvoi exprès aux seules dispositions du titre II du livre VIII du Code de commerce, on doit, à notre avis, admettre que les commissaires aux comptes des fondations reconnues d’utilité publique (qui sont des personnes morales de droit privé non commerçantes) sont, dès lors que celles-ci ont une activité économique et dépassent les seuils visés, soumis aux dispositions des articles L 612-1 et suivants du Code de commerce. Ils doivent donc, le cas échéant, mettre en œuvre les procédures d’alerte et de conventions réglementées.

Par Patrice MACQUERON, professeur de droit privé et coauteur du Mémento Associations

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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