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GPA : refus de reconnaissance du jugement étranger non motivé

La décision étrangère non motivée, qui ne permet pas d'identifier la qualité des personnes et de s'assurer du consentement des parties à la convention de gestation pour autrui, dont en premier lieu la mère porteuse, est contraire à l'ordre public international de procédure.

Cass. 1e civ 2-10-2024 n° 22-20.883 FS-BR


Par David LAMBERT, Avocat à Paris
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©Getty Images

Une décision canadienne déclare que deux hommes sont reconnus légalement comme étant les pères de deux enfants nés au Canada, qu’une femme n’est pas la mère des enfants, qu’un homme n'en est pas le père et qu’une autre femme n'est pas non plus la mère des enfants, et ordonne l'enregistrement de la naissance de ceux-ci de manière à faire figurer les deux pères comme leurs parents. Les deux pères, qui résident en France, assignent le procureur de la République pour voir prononcer l'exequatur de cette décision. Celui-ci est refusé en appel au motif que la décision n’est pas motivée. Pourvoi des parents.

Rejet. La Haute Juridiction rappelle que les jugements étrangers relatifs à l’état des personnes sont reconnus de plein droit, sauf s’ils doivent donner lieu à une mesure d’exécution sur les biens ou de coercition sur les personnes. Cette reconnaissance de plein droit n’empêche pas le contrôle de leur régularité internationale lorsque celle-ci est contestée ou qu’il lui est demandé de la constater.

Pour accorder l'exequatur, le juge français doit, en l'absence de convention internationale, s'assurer que trois conditions sont remplies, à savoir la compétence indirecte du juge étranger, fondée sur le rattachement du litige au juge saisi, la conformité à l'ordre public international de fond et de procédure, ainsi que l'absence de fraude.

Est contraire à la conception française de l'ordre public international de procédure la reconnaissance d'une décision étrangère non motivée lorsque ne sont pas produits des documents de nature à servir d'équivalent à la motivation défaillante. Il incombe au demandeur de produire ces documents. 

La Cour ajoute, que s’agissant d'une décision établissant la filiation d'un enfant né d'une gestation pour autrui réalisée à l'étranger, l'existence d'une motivation s'apprécie au regard :

  • d'une part, des risques de vulnérabilité des parties à la convention de gestation pour autrui et des dangers inhérents à ces pratiques ;

  • et d'autre part, du droit de l'enfant et de l'ensemble des personnes impliquées au respect de leur vie privée, l'intérêt supérieur de l'enfant constituant une considération primordiale (Conv. EDH art. 8 et Conv. New York du 20-11-1989 relative aux droits de l'enfant, art. 3 § 1).

En conséquence, le juge de l'exequatur doit être en mesure de vérifier, à travers la motivation de la décision ou les documents de nature à servir d'équivalent qui lui sont fournis :

  • la qualité des personnes mentionnées qui ont participé au projet parental d'autrui ;

  • qu'il a été constaté que les parties à la convention de gestation pour autrui, en premier lieu la mère porteuse, ont consenti à cette convention, dans ses modalités comme dans ses effets sur leurs droits parentaux.

Ayant relevé que le jugement étranger ne précisait pas les qualités des différentes personnes qui y étaient mentionnées ni, le cas échéant, leur consentement à une renonciation à leurs éventuels droits parentaux, la cour d'appel a justement retenu que la motivation de cette décision était défaillante. Après avoir constaté que les parents n'avaient produit aucun élément de nature à servir d'équivalent à une telle motivation, la cour d'appel n'a pu qu'en déduire que le jugement heurtait l'ordre public international français. Les intéressés ne fournissent en outre aucun élément permettant d'apprécier, in concreto, la réalité de l'atteinte invoquée aux droits garantis par les articles 8 et 14 de la convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et par l'article 3 de la Convention internationale des droits de l'enfant.

A noter :

David Lambert, avocat, souligne que dans cet arrêt, pendant de celui rendu le même jour et témoignant d’un certain libéralisme à l’égard des décisions étrangères consacrant un lien de filiation entre les parents d’intention et enfant issu d’une convention de gestation pour autrui (Cass. 1e civ. 2-10-2024 n° 23-50.002 FS-BR), la Cour de cassation pose néanmoins certaines limites, à travers les mécanismes classiques du droit international privé relatif à la réception des jugements étrangers en matière d’état des personnes (dont les règles sont rappelés de façon très claires et pédagogiques dans cet arrêt).

Pour être reconnu, le jugement étranger doit être motivé ou, à défaut, les parties demandant l’exequatur doivent suppléer cette absence de motivation en produisant des documents de nature à servir d'équivalent à la motivation défaillante. La Haute Juridiction assigne à cette exigence de motivation un rôle particulier en matière de GPA : elle doit permettre d’identifier la qualité des personnes mentionnées qui ont participé au projet parental d'autrui et de s'assurer qu'il a été constaté que les parties à la convention de gestation pour autrui, en premier lieu la mère porteuse, ont consenti à cette convention, dans ses modalités comme dans ses effets sur leurs droits parentaux.

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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