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Mémo sur la publication au fichier immobilier des demandes en justice

Nullité, révocation, résolution et autres causes d'anéantissement d'un acte. Autant d'évènements qui intéressent la publicité foncière à bien considérer. Évitez cet écueil chronique à l'aide de cet extrait de la 3e édition du Dossier pratique Publicité foncière qui vient de paraître.


Par Muriel SUQUET-COZIC, Auteure du Dossier pratique Publicité foncière
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©iStock

Doivent être publiés, lorsqu'ils viennent remettre en cause des droits soumis à publication obligatoire :

  • les demandes en justice tendant à obtenir la résolution, la révocation, l'annulation ou la rescision d'une convention ou d'une disposition à cause de mort ;

  • les décisions de justice constatant les mêmes événements ;

  • les actes constatant les mêmes événements.

Demandes en justice

Ces demandes doivent être publiées sous peine d'irrecevabilité par le tribunal (Décret 55-22 du 4-1-1955 art. 30, 5). Il est en effet important que les tiers soient informés de la menace d'anéantissement rétroactif qui pèse à court terme sur le droit publié. Cet objectif justifie pleinement l'obligation de publication des demandes en justice en anéantissement d'un acte. Cette disposition, qui contribue à la sécurité juridique des mutations immobilières, ne porte pas atteinte au droit d'accès à la justice garanti par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme (Cass. 3e civ. 22-6-2017 no 16-13.651 FS-PBI : BPIM 5/17 inf. 348). Pourtant, le contentieux demeure nourri sur cette question et s'explique probablement par la sévérité de la sanction (l'irrecevabilité) conjuguée à la difficulté pour les plaideurs de respecter cette obligation du fait des délais de publication constatés dans la plupart des services de la publicité foncière (SPF). Pour cette raison, la jurisprudence a tendance à limiter le domaine des demandes concernées.

Cette obligation de publication ne concerne que les conventions et dispositions à cause de mort soumises à publicité obligatoire et effectivement publiées (Cass. 1e civ. 14-11-1967 no 65-13.374 : Bull. civ. I no 330). En effet, les tiers auxquels la mutation est inopposable pour défaut de publication n'ont rien à craindre d'un anéantissement de cette mutation qu'ils sont en droit d'ignorer.

Pour la même raison, cette obligation ne s'applique pas aux demandes :

  • en résolution d'un compromis de vente qui n'a fait l'objet que de la publication facultative d'une demande en réitération forcée (Cass. 3e civ. 28-5-1979 no 77-15.857 : Bull. civ. III no 115 ; Cass. 3e civ. 16-1-2013 no 11-25.262 : Sol. Not. 3/13 inf. 73), car ce type de publicité n'équivaut pas à la publication de l'opération elle-même et ne confère pas d'opposabilité à l'égard des tiers ;

  • en revendication (notamment émanant du possesseur qui se prévaut d'une usucapion), en déclaration de simulation ou en complément de part, car celles-ci ne visent pas directement à remettre en cause une opération publiée (Cass. 3e civ. 21-12-1987 no 86-14.143 ; Cass. 3e civ. 2-10-2013 no 11-21.833 : Sol. Not. 12/13 inf. 283 ; Cass. 3e civ. 6-11-2013 no 12-15.393 : Sol. Not. 1/14 inf. 15 ; Cass. 3e civ. 20-1-2015 no 13-26.132 F-D). La solution, bien que justifiée juridiquement, n'est pas nécessairement opportune car ces actions (à l'exception de l'action en déclaration de simulation, qui n'a d'effet que pour le demandeur) ont indirectement le même effet qu'un anéantissement de l'opération publiée ;

  • en nullité d'une renonciation à succession accompagnée d'une demande en partage (Cass. 3e civ. 15-2-2006 no 04-20.521) ;

  • en nullité du cahier des charges faisant suite au jugement ordonnant la licitation d'un immeuble successoral car ni la demande de licitation ni le jugement ordonnant cette licitation ne sont soumis à publicité au titre de l'article 28 du décret 55-22 du 4 janvier 1955 (Cass. 2e civ. 23-2-2017 no 15-27.330 F-D). Seul le jugement d'adjudication est publié en tant qu'acte emportant mutation ;

  • en annulation d'une ordonnance d'expropriation, en conséquence de l'annulation de l'ensemble de la procédure, car elle ne tend qu'à tirer les conséquences de l'annulation par la juridiction administrative des actes administratifs qui en étaient le soutien nécessaire, en la privant d'effet (Avis Cass. 3e civ. 23-5-2017 no 17-70.007) ;

  • pour faire constater le caractère parfait d'une vente (CA Aix-en-Provence 4-7-2017 no 15/13561) ;

  • pour faire reconnaître la prescription acquisitive réalisée (CA Douai 14-12-2017 no 17/01552) ;

  • en reconnaissance d'une servitude légale de passage pour enclave (CA Aix-en-Provence 30-1-2020 no 18/04035) ;

  • pour faire constater l'exercice de la faculté de réméré (CA Paris 19-6-2020 no 18/20600).

En revanche, sont soumises à l'obligation de publication les demandes :

  • en nullité d'une rétrocession par une Safer. La publication de la demande en nullité de la préemption elle-même, bien qu'elle ait été régulièrement effectuée, est insuffisante (Cass. 3e civ. 14-10-2014 no 13-19.897) ;

  • en nullité d'un modificatif à un état descriptif de division-règlement de copropriété créant de nouveaux lots par subdivision d'un lot, bien qu'il ne s'agisse pas à proprement parler d'une convention constitutive ou translative de droit réel mais d'un acte unilatéral (Cass. 3e civ. 17-12-2014 no 13-23.350 : Sol. Not. 2/15 inf. 31) ;

  • en nullité d'un partage, quand bien même les héritiers évincés demandeurs ignorent la composition du patrimoine du défunt et l'existence de l'immeuble (Cass. 1e civ. 13-5-2015 no 14-14.733) ;

  • en constatation du caractère parfait d'une vente au profit d'un acquéreur B car celle-ci implique nécessairement la résolution, la révocation ou l'annulation de la vente réalisée par le même vendeur au profit d'un acquéreur A par un acte authentique régulièrement publié et il ne peut être délivré à B un titre contredisant le titre de A sans le résoudre, le révoquer ou l'annuler (Cass. 3e civ. 12-4-2018 no 17-14.181 F-D).

L'obligation de publication s'applique même lorsque la demande ne vise à remettre l'acte en cause que partiellement, par exemple s'il s'agit de demander la levée d'une interdiction d'aliéner stipulée dans une donation. En revanche, le fait que la demande n'entraîne disparition de l'acte que pour l'avenir, telle une demande en résiliation, la fait échapper à la publicité car, en n'emportant pas anéantissement rétroactif du contrat, elle est jugée moins préjudiciable pour les tiers (pour une demande en résiliation d'un bail rural de 18 ans : Cass. 3e civ. 10-5-1989 no 87-18.487) ; pour une demande en résiliation d'un crédit-bail immobilier d'une durée initiale de 15 ans : Cass. 3e civ. 21-2-1996 no 94-13.836 : RJDA 5/96 no 659).

Le fait que le demandeur ait fait une confusion terminologique dans la demande qu'il a publiée (par exemple en parlant de demande en nullité au lieu de demande en résolution) ne rend pas la publicité effectuée inefficace. Le but de la loi étant de rendre opposable aux tiers un contentieux susceptible d'interférer sur leurs droits, la demande en justice publiée sous une dénomination erronée est néanmoins recevable (Cass. 3e civ. 17-9-2014 no 13-16.651 : Sol. Not. 11/14 inf. 228, rendu en droit alsacien-mosellan mais applicable en droit général). Elle remplit en effet la même fonction informative pour les tiers, quelle que soit la cause d'anéantissement.

En principe, c'est l'assignation contenant la demande qui doit être publiée. Avant l'article 710-1 du Code civil (issu de la loi 2011-331 du 28-3-2011), il était considéré que, s'il s'agissait d'une demande formulée en cours d'instance dans un acte autre que l'assignation (cas, par exemple, des demandes reconventionnelles ou formulées par des conclusions additionnelles ou récapitulatives), c'est cet autre acte qui devait, à peine d'irrecevabilité, faire l'objet de la publicité foncière (pour des conclusions additionnelles : Cass. 3e civ. 18-3-1998 no 96-17.072 : RJDA 5/98 no 660, D. 1998 somm. p. 382 obs. S. Piedelièvre ; pour des conclusions récapitulatives : Cass. 3e civ. 20-10-2010 no 09-16.640 : RJDA 2/11 no 192). Le fait que la demande principale n'ait pas elle-même été publiée n'était pas un obstacle (Bull. AMC 2000 art. 1818) ; cette solution était logique dans la mesure où cette demande principale ne contenait pas nécessairement de disposition sujette à publicité. Sur la forme, seule la publication des assignations est admise (C. civ. art. 710-1, al. 3). Cela pose un problème pratique évident pour les demandes d'anéantissement contenues dans les autres formes de demandes. Le Code de procédure civile n'est d'aucun secours : il limite ses exigences à la mention, dans la demande initiale, de la désignation de l'immeuble telle qu'exigée pour la publication au fichier immobilier (CPC art. 54, 4°) ; quant à la forme de la demande qui serait soumise à publication, l'authenticité n'est requise que pour les demandes formulées devant le tribunal paritaire des baux ruraux (CPC art. 885, al. 3). Aucune solution ne figurant dans les textes, il faut compter sur la tolérance des services de la publicité foncière pour éviter l'impasse.

Le cas échéant, la publication des conclusions contenant la demande peut résulter de la publication du jugement de première instance lui-même (Cass. 3e civ. 14-12-2017 no 16-20.032 F-D).

Le défaut de publication de la demande constitue une fin de non-recevoir et non un vice de forme (Cass. 1e civ. 7-11-2012 n11-22.275). Par suite, si la demande en justice a été acceptée en première instance bien que n'ayant pas été publiée au préalable, la situation peut encore être régularisée en appel ; ainsi, la demande du contractant qui justifie que la publication a eu lieu depuis le jugement est recevable en appel (Cass. 3e civ. 18-11-2009 no 08-11.893 : RJDA 4/10 no 444). S'agissant d'une fin de non-recevoir, les parties ont seules qualité pour l'invoquer ; le juge ne peut la relever d'office (Cass. 3e civ. 7-11-2001 no 97-22.231 ; Cass. 2e civ. 19-10-2017 no 16-50.031). En l'absence de publication, seule la demande elle-même est irrecevable, et non l'appel en totalité (Cass. 3e civ. 15-10-2015 no 14-23.810 FS-D).

En revanche, la jurisprudence applique rigoureusement le texte en exigeant que la publication de la demande soit rapportée par un certificat du service de la publicité foncière ou par la production d'une copie de la demande revêtue de la mention de publicité (Décret 22-55 du 4-1-1955 art. 30, 5). Tout autre mode de preuve est exclu, une facture du service de la publicité foncière notamment étant insuffisante (Cass. 3e civ. 10-2-2010 no 07-19.228 : RJDA 7/10 no 790 ; CA Paris 5-7-2012 no 11/12240 ; CA Paris 16-6-2017 no 16/02431).

Décisions de justice prononçant l'anéantissement d'un acte

Cette fois, il s'agit de publier la décision qui emporte résolution, révocation, annulation ou rescision (Décret 55-22 du 4-1-1955 art. 28, 4o-c).

Si en droit civil il n'y a pas là un nouveau transfert de propriété, mais anéantissement du transfert de propriété précédent, cette publication constitue au sens de la publicité foncière une nouvelle mutation qui réalise le retour à la situation antérieure.

Pour pouvoir être publiée, la décision de justice doit être devenue définitive (Décret 55-22 du 4-1-1955 art. 33, B).

Actes constatant l'anéantissement d'un acte

En principe, l'acte affecté d'une cause de nullité, de résolution ou de rescision continue à produire effet tant qu'un juge n'a pas prononcé celle-ci. Toutefois, les parties peuvent reconnaître spontanément l'existence de ce vice sans passer par la voie contentieuse ; un acte est alors dressé par lequel les parties font produire effet d'un commun accord à la nullité, résolution ou rescision encourue. Cet acte génère une nouvelle mutation qui doit elle-même être publiée (Décret 55-22 du 4-1-1955 art. 28, 4o-c).

Cette hypothèse correspond notamment à toutes les causes de nullité ou de résolution « de plein droit », qu'elles soient conventionnelles ou légales, parmi lesquelles les clauses résolutoires.

À l'instar des demandes en justice (n°s 2 s.), les actes constatant la résiliation d'un bail publié n'ont pas eux-mêmes à être publiés, car ils ne produisent effet que pour l'avenir.

L'exercice de la faculté de rachat dans la vente du même nom (anciennement « vente à réméré ») est traité de cette manière puisque celle-ci est considérée comme une condition résolutoire (Cass. civ. 24-10-1950 : JCP 1950 II 5835). Les droits perçus sont en principe ceux d'une mutation mais un tarif réduit peut s'appliquer le cas échéant si certaines conditions sont remplies.

Pour en savoir plus sur cette question : voir notre Dossier pratique Publicité foncière

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne