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Pas de parasitisme sans volonté de se placer dans le sillage d'autrui

L’entreprise qui commercialise un bijou, qui, bien que présentant certaines caractéristiques de celui d’un concurrent, n’est que la déclinaison d’un de ses propres motifs iconiques, n’a pas la volonté de se placer dans son sillage et ne commet pas un acte de parasitisme.

Cass. com. 5-3-2025 n° 23-21.157 FS-B, Sté Richemont International c/ Sté Louis Vuitton Malletier


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@Getty images

Le parasitisme économique est une forme de déloyauté, constitutive d'une faute au sens de l'article 1240 du Code civil, qui consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d'un autre afin de tirer indûment profit de ses efforts, de son savoir-faire, de la notoriété acquise ou des investissements consentis (notamment : Cass. com. 16-2-2022 n° 20-13.542 FS-B : RJDA 6/22 n° 375 ; Cass. com. 26-6-2024 n° 23-13.535 FS-BR: RJDA 11/24 n° 627).

Une société commercialise depuis 1968 une gamme de bijoux de luxe, ayant pour motif un trèfle quadrilobé en pierre dure semi-précieuse entouré d'un contour en métal précieux perlé ou lisse, devenue une gamme iconique du joaillier Van Cleef & Arpels. La société concurrente Louis Vuitton commercialise quant à elle depuis 2006 une gamme de bijoux caractérisée par un motif de trèfle quadrilobé comportant un élément central et entouré d'un cercle. Ce motif est notamment décliné depuis 2015 dans une collection dans laquelle le trèfle est en pierre dure semi-précieuse entourée d'un contour en métal précieux. La première société reprochant à la seconde des actes de concurrence parasitaire à raison du lancement de la collection en question, elle demande la réparation de son préjudice.

La Cour de cassation rejette cette demande, jugeant qu'il peut être déduit des éléments suivants que la société Vuitton n'a pas eu la volonté de se placer dans le sillage de sa concurrente : la société Vuitton s’est inspirée de la fleur quadrilobée de sa propre toile monogrammée iconique, et non du modèle de sa concurrente, et c'est pour s'inscrire dans la tendance du moment, ce qui n’est pas prohibé, qu'elle a utilisé pour sa collection les mêmes matériaux, à savoir des pierres semi-précieuses cerclées par un contour en métal précieux.

A noter :

La Cour de cassation continue de tracer les contours de l'action en parasitisme. Dans deux arrêts récents (Cass. com. 26-6-2024 n° 23-13.535 précité et Cass. com. 26-6-2024 n° 22-17.647 FS-BR : RJDA 11/24 n° 627), elle avait précisé qu'il appartient à celui qui se prétend victime d'actes de parasitisme d'identifier la valeur économique individualisée qu'il invoque (Cass. com. 20-9-2016 n° 14-25.131 : Bull. 2016, IV, n° 116 ; Cass. com. 26-6-2024 n° 23-13.535 précité), ainsi que la volonté d'un tiers de se placer dans son sillage (Cass. com. 3-7-2001 n° 98-23.236 : RJDA 12/01 n° 1276 ; Cass. com. 26-6-2024 n° 23-13.535 précité). C'est sur cette deuxième condition que se penche l'arrêt commenté, rappelant l'importance du caractère intentionnel de la faute de parasitisme.

En l'espèce, pour écarter une telle intention, la cour d'appel avait notamment relevé que :

  • la société Vuitton avait décliné, sous la forme d’une gamme de bijoux, le trèfle quadrilobé figurant sur la toile monogrammée dans laquelle sont confectionnés les bagages que cette société commercialise depuis 1896 (soit avant la création de la gamme de bijoux Van Cleef & Arpels en question) ; 

  • les bijoux litigieux se distinguaient de ceux de la maison Van Cleef & Arpels en ce que le cerclage métallique entourant le trèfle quadrilobé était lisse et non détouré et qu'ils ne comportaient ni élément central, ni double face ;

  • l’utilisation de pierres précieuses de couleur ou semi-précieuses par la société Vuitton pour ses bijoux révélait seulement la nécessité pour elle de suivre la tendance du moment, adoptée par les autres entreprises de ce secteur ; 

  • la gamme de produits (colliers, bracelets, bagues et boucles d'oreilles) composant les deux collections est usuelle dans le domaine de la joaillerie, et la société Vuitton n'a pas modifié sa gamme de produits par rapport à ses collections précédentes ;

  • la pratique consistant à décliner en deux ou trois tailles un même bijou n'est pas propre à la société commercialisant les produits Van Cleef & Arpels ;

  • les écarts de prix entre les deux collections sont hétérogènes et aucune rupture dans la stratégie de communication commerciale de la société poursuivie n'est établie.

Documents et liens associés : 

Cass. com. 5-3-2025 n° 23-21.157 FS-B

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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