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Rémunération des gérants de SEL : la doctrine administrative est partiellement annulée

Est notamment annulée la doctrine administrative qui admet que les gérants majoritaires de Selarl retiennent un forfait de 5 % de leurs rémunérations d’ensemble perçues au titre de leurs activités libérale et de gérance en tant que revenus afférents à la gérance.

CE 8-4-2025 n° 492154


Par Philippe MILLAN
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@Getty images

Il résulte des dispositions de l’article 62 du CGI que les rémunérations perçues par le gérant majoritaire d'une SARL assujettie à l'impôt sur les sociétés ou par le gérant d'une société en commandite par actions (SCA) et qui, se rapportant à l'exercice personnel par ceux-ci, au sein de la société, d'une activité professionnelle libérale, ne peuvent être regardées comme se rattachant à leurs fonctions, à caractère transversal, de gérance ne relèvent pas de la catégorie de revenus que ces dispositions instituent mais, selon que les conditions dans lesquelles cette activité est exercée traduisent ou non l'existence d'un lien de subordination à l'égard de la société, de celle des traitements et salaires ou de celle des bénéfices non commerciaux.

Les rémunérations des gérants majoritaires de SELARL et des gérants de SELCA dont l'objet est l'exercice d'une profession juridique ou judiciaire et les rémunérations des gérants majoritaires de SARL et des gérants de SCA dont l'objet est l'exercice d'une profession libérale d'une autre nature sont identiquement soumises aux règles d'imposition mentionnées ci-dessus. Les personnes qui exercent une profession libérale juridique ou judiciaire ne sont pas placées, au regard des règles d'imposition auxquelles est soumise leur rémunération, dans la même situation que les personnes qui exercent une profession commerciale, industrielle, artisanale ou agricole, de sorte qu'une différence de traitement à cet égard n'est pas de nature à méconnaître le principe d'égalité devant la loi.

En énonçant que les rémunérations perçues au titre de la fonction de gérant sont celles allouées à raison des tâches qui ne sont pas réalisées dans le cadre de l'activité libérale et qu'en sont exclues les tâches de nature administrative qui sont inhérentes à la pratique de l'activité libérale, le second alinéa du paragraphe n° 530 des commentaires administratifs publiés sous la référence BOI-RSA-GER-10-30 se borne à rappeler la règle énoncée ci-dessus en premier lieu. Si le second alinéa du paragraphe n° 530 énonce sans ajouter à la loi que la rédaction de documents tels que des ordonnances de prescription par un médecin est inhérente à la pratique de l'activité libérale, il ne saurait toutefois légalement prévoir, de manière générale et en toutes circonstances, que des tâches telles que « la facturation du client ou du patient, l'encaissement, les prises de rendez-vous, les approvisionnements de fournitures, la gestion des équipes » sont inhérentes à la pratique d'une telle activité. Ces mots figurant au second alinéa du paragraphe n° 530 doivent donc être annulés.

Sont également annulés les commentaires, figurant au paragraphe n° 550 des mêmes commentaires administratifs, selon lesquels l’administration admet, à titre de règle pratique, de considérer qu'une part de 5 % de la rémunération d'ensemble perçue par les gérants majoritaires de SELARL et les gérants de SELCA au titre de leurs activités libérale et de gérance correspond aux revenus afférents à leurs fonctions de gérant, imposables sur le fondement de l'article 62 du CGI, qu'il soit possible ou non de les distinguer de la rémunération dite « technique ». En effet, ces énonciations, qui ajoutent à la loi, sont entachées d'illégalité.

A noter :

1. On sait que, par deux mises à jour successives de la base Bofip des 15 décembre 2022 et 5 janvier 2023, l'administration a rapporté sa doctrine selon laquelle les rémunérations perçues par les associés de société d'exercice libéral (SEL) au titre de l'exercice d'une activité libérale dans cette société relèvent des traitements et salaires, s'alignant ainsi sur la jurisprudence du Conseil d'État (BOI-BNC-DECLA-10-10 n° 110 ; BOI-RSA-GER-10-30 n° 520). Dans le cadre d'une mise à jour de la base Bofip en date du 27 décembre 2023, l'administration a publié un rescrit et a aménagé ses commentaires (voir La Quotidienne du 5 février 2024). Elle a complété ce rescrit par une mise à jour de sa base Bofip en date du 24 avril 2024 (voir La Quotidienne du 29 mai 2024). Il était demandé au Conseil d’État d’annuler pour excès de pouvoir les nouveaux commentaires administratifs comportant des énonciations relatives au régime d’imposition des rémunérations versées aux associés des sociétés d’exercice libéral. A l’exception des points annulés la Haute Juridiction confirme la légalité de la nouvelle interprétation doctrinale.

2. A l’appui du recours pour excès de pouvoir, il était également demandé au Conseil d’État de transmettre au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des articles 62, 92 et 93 du CGI ainsi que de l'article 132 de l'ordonnance du 8 février 2023 relative à l'exercice en société des professions libérales réglementées. Le Conseil d’État refuse de transmettre cette question fondée essentiellement sur la violation du principe d’égalité devant la loi.

3. Les professionnels ont pu, en pratique, invoquer pour l’imposition des revenus de 2024, la doctrine administrative annulée par la présente décision. En effet, l'annulation pour excès de pouvoir d'une doctrine administrative par le Conseil d'État ne prive pas le contribuable, eu égard aux exigences découlant du principe de sécurité juridique poursuivi par l'article L 80 A du LPF, du droit de se prévaloir de cette doctrine pour les impositions dont le fait générateur (c'est-à-dire le 31 décembre de l’année d’imposition en matière d'impôt sur le revenu) est antérieur à cette annulation (Avis CE 8-3-2013 n° 353782). 

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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