Droit pénal international
Extradition : précisions sur la modification du contrôle judiciaire
Il se déduit des articles 696-11 et 696-20 du code de procédure pénale que si la chambre de l'instruction saisie d'une demande d'extradition peut, à tout moment, ordonner la modification du contrôle judiciaire et de l'assignation à résidence, soit d'office, soit sur réquisitions du procureur général, soit à la demande de la personne concernée, après avis du procureur général, elle ne peut, sauf à excéder ses pouvoirs, soumettre celle-ci qu'aux seules obligations, prévues aux articles 138 et 142-5 dudit code, qui ont pour objet d'assurer sa représentation à tous les actes de la procédure en vue de satisfaire à la demande de l'Etat requérant. Méconnaît ces dispositions la chambre de l’instruction qui ajoute à un contrôle judiciaire une obligation de soins pour éviter le risque de réitération d’infraction, alors que seules les obligations visant à garantir la représentation de l’intéressé à tous les actes de la procédure peuvent être imposées dans le cadre d’une extradition (Crim. 14-10-2025, n° 25-82.641, F-B)
Extradition et mesure privative de liberté
Une mesure d'internement thérapeutique institutionnelle, d'un quantum supérieur à quatre mois, si elle s'est exécutée dans un établissement ouvert et constitue un assouplissement du régime de détention, est néanmoins une mesure de sûreté privative de liberté au sens des articles 2 et 25 de la Convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957, par la limitation et l'intensité du contrôle exercé sur les sorties non accompagnées de l'intéressé (Crim. 14-10-2025, n° 25-82.641, F-B, préc.).
Droit pénal spécial
Réexamen de la condamnation des FEMEN
Poursuivies pour exhibition sexuelle, les militantes FEMEN qui avaient manifesté le 11 novembre 2018 ont été condamnées par la cour d'appel de Paris, le 7 avril 2021, à une peine d’un mois d’emprisonnement avec sursis, condamnation devenue définitive après l’arrêt de la Cour de cassation du 15 juin 2022. Elles ont saisi la Cour européenne des droits de l'homme, invoquant une violation de leur liberté d’expression. Après avoir pris acte des déclarations du gouvernement français reconnaissant que les condamnations pénales prononcées ont méconnu l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, la CEDH a rayé les requêtes du rôle. Dans sa décision du 8 février 2024, elle a indiqué que les questions soulevées en l’espèce présentaient des similitudes avec celles que la Cour a déjà examinées dans les affaires Mariya Alekhina et a. c. Russie (17-07-2018, n° 38004/12) et Bouton c. France (13-10-2022, n° 22636/19), à l’occasion desquelles la CEDH avait conclu à une violation de l’article 10 pour la condamnation à des peines d’emprisonnement en raison d’actions militantes commises dans des édifices religieux. La Cour a ajouté que dans le cas où le gouvernement français ne respecterait pas les termes de ses déclarations unilatérales, les requêtes pourraient être réinscrites au rôle.
La Cour de révision et de réexamen, saisie par les requérantes sur le fondement de l’article 622-1 du code de procédure pénale, constate que par sa nature et sa gravité, la violation constatée de l’article 10 de la Convention entraîne pour les requérantes des conséquences dommageables auxquelles une satisfaction équitable ne peut mettre un terme. Elle annule, en application de l’article 624-7 du code de procédure pénale, l’arrêt de condamnation de la cour d’appel de Paris et ordonne le renvoi des affaires devant cette cour autrement composée. (Cour de révision et de réexamen, 9-10-2025, Mmes B. et D.)
Diffamation : (in)détermination de la personne visée
La chambre criminelle rappelle qu’en application de l’article 29, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, lorsque les imputations ont été formulées sous une forme allusive ou déguisée de manière à faire planer le soupçon sur plusieurs personnes, chacune de celles-ci a qualité pour agir en diffamation. Tel est le cas d’une des attachées parlementaires successives d’un ancien député qui a pu s'estimer visée par des propos évoquant « l’ancienne collaboratrice parlementaire », même si la formulation de ces propos ne permet pas de déterminer laquelle d'entre elles est concernée. (Crim. 14-10-2025, n° 24-86.603, F-B)
Justice
Nouvelle circulaire sur la prise en charge des victimes d'infractions
Dans une circulaire du 13 octobre relative à l'accueil et à l'amélioration de la prise en charge des victimes d'infractions pénales, le ministre de l’Intérieur demande à toutes les juridictions de mettre les victimes au centre du processus judiciaire. Il est ainsi sollicité des chefs de cours d'organiser, avant la fin du mois de novembre, un conseil de juridiction ayant vocation à réunir les différents partenaires concernés pour dresser un bilan de la politique publique judiciaire de prise en charge des victimes et dégager les principaux axes d'amélioration.
Le ministre souhaite également qu’« au-delà des hypothèses dans lesquelles l'information des victimes est obligatoire en cas de libération de l'auteur de l'infraction, cette information [soit] effectuée pour tous les autres cas qui concernent les femmes, les enfants et les dépositaires de l'autorité publique ». (Circ. du 13-10-2025 relative à l'accueil et à l'amélioration de la prise en charge des victimes d'infractions pénales, JUST2527935C)
Procédure pénale
Communication de l’ordonnance de commission d’expert : nécessité d’un grief concret tiré de l’atteinte aux droits du requérant
La Cour de cassation précise que lorsqu’une ordonnance de commission d’expert n’a pas été communiquée aux parties sur le fondement de l’article 161-1 du code de procédure pénale, faute d’urgence ou de risque d’entrave aux investigations suffisamment caractérisés, son annulation – ainsi que celle des opérations expertales subséquentes – n’est encourue que si la partie requérante démontre un grief. Tel n’est pas le cas de celle qui se borne à invoquer la privation de la possibilité de modifier ou compléter les questions adressées à l’expert et de proposer des questions supplémentaires. En revanche, justifie d’une atteinte à ses intérêts la partie qui, invoquant l’insuffisance de la mission confiée à l’expert, indique devant la chambre de l’instruction dans quel sens elle aurait voulu voir compléter les questions. (Crim. 14-10-2025, n° 25-80.632, F-B)
Irrecevabilité de la requête en mainlevée de mandat d'arrêt avant le débat au fond
La mainlevée d'un mandat délivré en application du premier alinéa de l'article 465 du code de procédure pénale ne peut être sollicitée, en application du quatrième alinéa de ce texte, que lorsque la juridiction statue au fond sur l'opposition ou l'appel formé par l'intéressé. Est donc irrecevable la requête en mainlevée de mandat d'arrêt formée en appel par le prévenu qui ne s'est pas mis à la disposition de la justice, une telle mainlevée faisant partie du débat au fond engagé devant la cour d'appel en tant qu'élément dans le choix de la peine et des modalités de son exécution et ne pouvant faire l'objet d'une décision avant-dire droit de la juridiction pénale. (Crim. 14-10-2025, n° 24-84.806, F-B)
Limitation de l'usage de la visioconférence par l'avocat
Méconnaît l'article 706-71 du code de procédure pénale la chambre de l'instruction qui autorise l'avocat à faire ses observations par visioconférence depuis son cabinet alors que son client comparaît personnellement devant elle. En effet, selon ce texte, l'avocat ne peut être entendu en visioconférence que lorsqu'il assiste son client qui comparaît lui-même selon ce moyen de télécommunication et se tient à ses côtés dans l'établissement pénitentiaire. (Crim. 14-10-2025, n° 25-85.134, F-B)
Infractions sexuelles sur mineur et action civile des associations : nul besoin d’un préjudice propre
La chambre criminelle rappelle qu’une association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits, et dont l’objet statutaire comporte l'assistance ou la défense de l'enfant en danger et victime de toute forme de maltraitance, peut exercer les droits reconnus à la partie civile pour des infractions sexuelles commises sur mineur sans avoir à justifier d’un préjudice propre ni d’une assistance concrète à la victime. En effet, l’association est recevable à obtenir réparation du seul fait de l’atteinte portée à l’intérêt collectif qu’elle défend (C. pr. pén., art. 2-3). (Crim.15-10-2025, n° 25-80.452, F-B)
Peine et exécution des peines
Vétusté carcérale : le CGLPL dénonce une indignité persistante et appelle à une action urgente
Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) alerte, dans un avis publié au Journal officiel du 15 octobre 2025, sur la vétusté alarmante des établissements pénitentiaires. L’ancienneté des bâtiments, les carences de leur entretien et la lenteur des interventions administratives exposent de nombreux détenus à des conditions matérielles indignes, attentatoires à leurs droits fondamentaux, tout en dégradant les conditions de travail du personnel. Cette vétusté, aggravée par la surpopulation carcérale, compromet la sécurité, la santé et l’intimité des personnes détenues. Le maintien des liens familiaux se trouve également affecté, à travers des espaces de parloirs dégradés.
Malgré des alertes récurrentes du CGLPL (35 rapports de 2020 à 2024, plusieurs recommandations urgentes) et quelques programmes de rénovation, les réponses de l’administration restent tardives et insuffisantes, installant un cercle vicieux d’indignité structurelle. Aussi le CGLPL appelle-t-il à des mesures urgentes et adaptées à l’ampleur du problème. (CGLPL, Avis du 12-05-2025 relatif à la vétusté des établissements pénitentiaires)
Pour aller plus loin : voir la revue AJ pénal