Droit pénal international
Mandat d’arrêt européen : compétence exclusive du procureur de la République pour décider de l’exécution en France d’une condamnation
La Cour de cassation rappelle que la chambre de l’instruction ne peut apprécier elle-même la possibilité d’exécuter en France une peine prononcée par une juridiction d’un autre État membre de l’Union européenne.
Un ressortissant roumain avait été interpellé en France en exécution d’un mandat d’arrêt européen délivré pour l’exécution d’une peine d’un an et neuf mois d’emprisonnement pour conduite malgré suspension du permis et refus de prélèvement biologique. S’opposant à sa remise, il invoquait l’article 695-24, 2°, du code de procédure pénale, soutenant que la condamnation pouvait être exécutée sur le territoire français.
La chambre de l’instruction avait écarté ce motif facultatif de refus au motif que l’intéressé ne justifiait pas d’une résidence régulière et ininterrompue de cinq ans en France, condition exigée par les articles 728-11 et 728-32 du code de procédure pénale pour reconnaître et exécuter une peine étrangère.
La Haute juridiction censure cette analyse : lorsque la personne recherchée réside en France et demande à y exécuter sa peine, il appartient au seul procureur de la République, en application de l’article 728-42, de décider s’il y a lieu de reconnaître la condamnation comme exécutoire sur le territoire national. En statuant elle-même sur ce point, la chambre de l’instruction a méconnu l’article 695-24, 2°. (Crim. 23-07-2025, n° 25-84.457, F-B)
Immunités des agents et chefs d’État étrangers
Dans une importante décision en assemblée plénière (pourvoi n° 24-84.071), la Cour de cassation admet pour la première fois une exception à l’immunité fonctionnelle dont bénéficient les agents d’États étrangers. Elle confirme que ces agents peuvent être poursuivis en France pour des faits de génocide, crimes de guerre ou crimes contre l’humanité, une évolution majeure du droit international coutumier.
Concernant les chefs d’État étrangers en exercice (pourvoi n° 24-84.393), la Cour rappelle que leur immunité personnelle, liée à la souveraineté des États, interdit toute poursuite pénale pendant la durée du mandat, même en cas de faits graves. Cette immunité est toutefois temporaire : dès la fin de leur mandat, ils perdent leur immunité personnelle et ne bénéficient plus que de l’immunité fonctionnelle, laquelle peut être levée si les faits reprochés constituent un génocide, un crime de guerre ou un crime contre l’humanité.
En l’espèce, la Cour a annulé un mandat d’arrêt délivré contre l’ancien président syrien pendant son mandat, mais valide la mise en examen d’un ancien dirigeant syrien pour complicité de crimes de guerre, rejetant son pourvoi fondé sur l’immunité fonctionnelle. (Cass. plén. 25-07-2025, n° 24-84.071, B+R ; Cass. plén. 25-07-2025, n° 24-84.393, B+R)
La compétence du procureur européen délégué confirmée par le juge constitutionnel
Le Conseil constitutionnel juge que les dispositions de l’article 696-119 du code de procédure pénale, qui prévoient que les décisions en matière de placement, de maintien et de modification du contrôle judiciaire sont prises par le procureur européen délégué, sont conformes à la Constitution.
Les requérants reprochaient au texte de donner au procureur européen délégué un pouvoir relevant, selon eux, de la compétence d’un juge.
Notons que le Conseil d’État (CE 10-07-2025, n° 503747) ainsi que la Cour de cassation (Crim. 2 sept. n° 25-90.017, F-B) se sont également prononcés récemment au sujet des compétences du procureur européen, tous deux dans le sens d’une absence d’atteinte au principe de séparation des autorités de poursuites et d’instruction, comme à celui d'impartialité et d'indépendance des juridictions. (Cons. const. 30-07-2025, n° 2025-1153 QPC)
Application du droit de l’UE dans les Etats membres : pouvoir de sanction et application de la loi pénale dans le temps
La CJUE a été amenée à se prononcer sur plusieurs questions préjudicielles formulées par la Slovaquie concernant la condamnation d’un chauffeur pour avoir conduit un véhicule de livraison de bétons dont le tachygraphe n’avait pas fait l’objet d’un contrôle périodique préalable. Or, entre la première condamnation et l’instance en cours, la législation à ce sujet a été modifiée, excluant le transport de béton de l’obligation auparavant sanctionnée. Aussi les questions des autorités slovaques concernaient-elles le pouvoir de sanction des Etats membres au regard d’une réglementation découlant du droit de l’Union Européenne, ainsi que l’application du principe de rétroactivité de la loi pénale plus favorable lorsque la décision sur la sanction a d’abord été prise par une autorité administrative, et est devenue définitive.
La CJUE répond que lorsqu’un Etat membre ajoute ou modifie des mesures dans le cadre d’un pouvoir discrétionnaire qui fait partie intégrante du régime établi par un acte du droit de l’Union, il doit alors être considéré comme mettant en œuvre ce droit.
De plus, la Cour considère que la sanction administrative en question revêtait un caractère pénal en se déterminant sur trois critères : la qualification juridique de l’infraction en droit interne, la nature même de l’infraction et le degré de sévérité de la sanction. Elle estime donc que dans cette situation, l’application d’une loi pénale plus douce est possible, à condition que celle-ci ait modifié la qualification pénale des faits commis par la personne ou la peine susceptible de s’appliquer.
Enfin, la CJUE conclut que ne saurait être considérée comme définitive la condamnation qui peut encore faire l’objet d’une voie de recours. Or, l’affaire étant en instance de cassation, elle n’est pas considérée comme étant jugée définitivement, et la juridiction de cassation est alors obligée de faire bénéficier l’auteur de la réglementation pénale plus favorable, même si celle-ci est entrée en vigueur après le prononcé de la décision juridictionnelle qui fait l’objet de ce pourvoi en cassation. (CJUE, Gr. ch., 1er-08-2025, aff. C-544/23)
Procédure pénale
Nullités devant le tribunal correctionnel : inconstitutionnalité
Le dernier alinéa de l’article 385 du code de procédure pénale, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000, est contraire à la Constitution. Selon cet article, le tribunal correctionnel a qualité pour constater les nullités de la procédure antérieure, sauf lorsqu’il est saisi par le renvoi ordonné par une juridiction d’instruction. Les exceptions de nullité doivent être soulevées avant toute défense au fond et ne peuvent pas être présentées pour la première fois en appel. Cependant, ni les dispositions contestées ni aucune autre disposition législative ne prévoient d’exception à cette règle de forclusion dans le cas où le prévenu n’aurait pu avoir connaissance de l’irrégularité d’un acte ou d’une pièce de procédure qu’après s’être défendu au fond. Dès lors, le droit à un recours juridictionnel effectif et les droits de la défense sont méconnus.
La déclaration d’inconstitutionnalité peut être invoquée dans les instances non jugées définitivement à la date de publication de la décision lorsque la forclusion a été ou est opposée à un moyen de nullité qui n’a pu être connu avant que le prévenu présente sa défense au fond. Il revient à la juridiction compétente de statuer sur ce moyen de nullité. (Cons. const. 18-07-2025, n° 2025-1149 QPC)
Réquisitions du procureur général en matière de détention provisoire
Les réquisitions du procureur général, qui doivent figurer au dossier de la procédure mis à disposition des parties avant l’audience de la chambre de l’instruction, n’ont pas à faire l'objet d'un document distinct de la requête déposée par ce dernier aux fins de prolongation exceptionnelle de la détention provisoire. (Crim. 23-07-2025, n° 25-83.392, F-B)
Le Conseil constitutionnel valide la non-obligation de serment pour les auditions en enquête de police
Saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) portant sur le premier alinéa de l’article 62 du code de procédure pénale, le Conseil constitutionnel a, dans sa décision n° 2025-1151 QPC du 25 juillet 2025, déclaré conformes à la Constitution les mots « entendues par les enquêteurs » de cet article dans sa rédaction issue de la loi du 27 mai 2014.
La QPC, contestait l’absence d’obligation de prêter serment pour les témoins entendus lors d’une enquête préliminaire ou de flagrance, au contraire de ceux auditionnés devant un juge d’instruction ou sur commission rogatoire, au motif d’une violation du principe d’égalité devant la loi et du principe de responsabilité.
Le Conseil constitutionnel a rappelé que l’enquête de police poursuit des objectifs distincts de ceux de l’information judiciaire, visant à orienter les investigations avant toute poursuite formelle. La différence de traitement des auditions, fondée sur cette différence de situation, est donc justifiée et proportionnée à l’objet de la loi. En outre, le juge conserve la liberté d’apprécier la force probante des témoignages recueillis.
Par cette décision, le Conseil confirme la validité de la distinction procédurale entre audition en enquête de police et déposition en information judiciaire, sans méconnaître les droits et libertés constitutionnels garantis. (Cons. const. 25-07-2025, n° 20025-1151 QPC)
Publicité de l’audience de comparution devant le JLD
En prévoyant deux modalités de débat contradictoire pour les personnes traduites devant le juge des libertés et de la détention, en audience publique ou en chambre du conseil, selon que la personne est mise en examen par un juge d'instruction ou qu'elle est soumise à la procédure de comparution à délai différé, qui permet son placement en détention provisoire durant un délai de deux mois avant de comparaître publiquement devant le tribunal correctionnel, le législateur est susceptible d'avoir porté atteinte aux principes de publicité des audiences et d'égalité devant la loi. Aussi, la QPC portant sur les dispositions de l’article 396, alinéa 1er, du code de procédure pénale auquel renvoie l'article 397-1-1 du même code, est renvoyée au Conseil constitutionnel. (Crim. 6-08-2025, n° 25-90.016, F-B)
Appel d’une ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel
Si le président de la chambre de l'instruction peut, en application de l'article 186-3, alinéa 3, du code de procédure pénale, rendre d'office une ordonnance de non-admission de l'appel d'une ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel hors les cas prévus par les deux premiers alinéas de cet article, il demeure libre de ne pas user de cette faculté, la chambre de l'instruction ayant qualité pour statuer sur la recevabilité de l'appel. (Crim. 6-08-2025, n° 25-83.590, F-B)
Pourvoi : conséquence d’une erreur de la Cour de cassation
L’erreur commise par la Cour de cassation, qui a accordé au demandeur un délai supérieur à celui prévu par l'article 567-2, alinéa 2, du code de procédure pénale, ne saurait avoir pour effet de préjudicier à celui-ci ; en conséquence, le mémoire du procureur général, déposé plus d’un mois et huit jours après la réception du dossier, doit être regardé comme recevable. (Crim. 6-08-2025, n° 25-83.500, F-B)
Peine et exécution des peines
Fin du vote par correspondance des personnes détenues pour les élections législatives et municipales
Est supprimée la possibilité pour les personnes détenues de voter par correspondance pour les élections législatives et municipales (C. élec., art. L. 12-1). Elles peuvent désormais voter soit personnellement à l'urne lorsqu'une permission de sortir leur est accordée par le juge de l'application des peines, soit par procuration. (L. n° 2025-658 du 18-07-2025)
Rejet du référé-suspension contre les prisons de haute sécurité
L'Association des avocats pénalistes demandait, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution du décret du 8 juillet 2025 relatif aux quartiers de lutte contre la criminalité organisée, à l'anonymat des personnels de l'administration pénitentiaire et modifiant le code pénitentiaire. Le Conseil d’Etat a toutefois jugé que la condition d’urgence requise par le texte n’était pas remplie, dans la mesure où il était en mesure de présenter la requête en annulation au fond au rôle d'une formation de jugement dans un délai de trois mois. (CE, ord. réf., 30-07-2025, n° 506642)
CGLPL : Recommandations en urgence pour l’établissement pénitentiaire pour mineurs La Valentine à Marseille
Le 31 juillet 2025, le CGLPL a pris des recommandations en urgence concernant l’établissement pénitentiaire pour mineurs (EPM) La Valentine à Marseille. Le rapport pointe des dysfonctionnements graves : conditions de détention indignes (cellules dégradées, infestées de fourmis, matelas en mauvais état, absence de produits d’hygiène), carences dans la prise en charge éducative, démobilisation du personnel et pratiques arbitraires, notamment la « mise en grille », une mesure punitive assimilable à un isolement illégal. Le CGLPL recommande des mesures immédiates pour remédier à ces atteintes aux droits fondamentaux des mineurs et envisage une fermeture partielle de l’établissement pour une refondation de son fonctionnement.
Dans sa réponse du 28 août, le ministre de la Justice reconnaît les difficultés, attribuées à une architecture inadaptée, à des dégradations fréquentes par les mineurs et à un fort absentéisme du personnel. Il annonce des mesures : fermeture progressive d’une à deux unités dès septembre 2025 pour rénover progressivement les cellules, recrutement d’un « maître de maison » par la PJJ pour l’encadrement de ces travaux et pour également accompagner les mineurs dans tous les aspects hygiéniques, intensification des traitements anti-fourmis, et commande de nouveaux matelas. Concernant la « mise en grille », sa suppression immédiate a été actée par une note du 20 août 2025. Enfin, une inspection de l’établissement confiée à l’inspection générale de la justice a été diligentée pour évaluer le plan d’action, avec un rapport attendu sous un mois. (Recommandations en urgence du 31-07-2025 relatives à l’établissement pénitentiaire pour mineurs de Marseille – La Valentine (Bouches-du-Rhône), JO 29 -08- ; Réponse du ministre de la Justice, 28-08-2025)
Pour aller plus loin : voir la revue AJ pénal




