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Transparence et vigilance au menu de la 5e directive antiblanchiment

La 5e directive européenne antiblanchiment a été transposée en France le 12 février 2020. Joseph Smallhoover et Marie-Emilie Codina, avocats au sein du cabinet Bryan Cave Leighton Paisner, décryptent pour nous les principaux changement intéressant les professionnels du chiffre et du droit.


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La Quotidienne : La Directive du 30 mai 2018, dite 5e Directive anti-blanchiment, vient d’être transposée en France (ordonnance 2020-115 du 12-2-2020 et décrets 2020-118 et 2020-119 du 12-2-2020) Quels sont les principaux changements par rapport au dispositif existant ?

Joseph Smallhoover et Marie-Emilie Codina : Les principales innovations de la 5e Directive anti-blanchiment, dite « AMLD 5 » (acronyme de l’anglais « anti-money laundering directive »), procèdent du double objectif de renforcer, d’une part, les mesures de transparence et, d’autre part, les mesures de vigilance mises en place dans le cadre de l’arsenal européen de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (dit « BC-FT »).

Le coup d’éclat de l’AMLD 5 en matière de transparence a été d’autoriser le grand public à accéder gratuitement à différentes mentions du registre des bénéficiaires effectifs (règle transposée à l’article L 561-46 du CMF), dont certaines étaient jusqu’alors considérées (notamment par un grand nombre d’investisseurs et de sociétés) comme strictement confidentielles, telles que les mentions relatives à l’identité des bénéficiaires en question (personnes physiques, définies par les articles L 561-2-2, R 561-1 et suivants du Code monétaire et financier (« CMF »), qui contrôlent in fine des personnes morales et autres entités) et à l’étendue des intérêts qu’ils détiennent dans la société considérée (par exemple, leur pourcentage de détention dans le capital social).

En outre, l’AMLD 5 renforce les mesures de vigilance devant être prises par les personnes assujetties à la lutte contre le BC-FT, la liste de ces personnes étant d’ailleurs sensiblement étendue (Mesure transposée aux articles L 561-2 et L 561-3 du CMF), dans les cas où les risques de BC-FT sont jugés potentiellement plus élevés en raison notamment du type de clients, par exemple lorsqu’il s’agit de personnes dites « politiquement exposées » (personnes dont la liste est établie par l’article R 561-18 du CMF), et/ou de la situation géographique du client, en particulier lorsqu’il s’agit de personnes établies dans des pays considérés comme des « pays tiers à haut risque » (Cf. listes des pays présentant des carences stratégiques dans leurs cadres de lutte contre le BC-FT établies par la Commission Européenne et par le Groupe d’Action Financière ).

La Quotidienne : De nouveaux professionnels du droit et du chiffre sont-ils concernés ?

Joseph Smallhoover et Marie-Emilie Codina : L’AMLD 5 élargit en effet le champ d’application des obligations de lutte contre le BC-FT à une série d’activités et de professionnels nouveaux, en ce compris les succursales d’entreprises d’investissement établies dans un pays tiers à l’Union Européenne, les activités de conseil fiscal exercées par les professionnels du droit, notamment les avocats, notaires, huissiers, administrateurs et mandataires judiciaires, les caisses autonomes des règlements pécuniaires des avocats (CARPA) et les greffiers des tribunaux de commerce (articles L 561-2 et L 561-3 du CMF).

A l’inverse, les professionnels des secteurs de l’art et de la location immobilière ne sont désormais plus assujettis aux mesures de lutte contre le BC-FT que pour les transactions d’un montant égal ou supérieur à 10 000 euros (articles L 561-2 et L 561-3 du CMF).

La Quotidienne : Quelles sont les nouveautés concernant le registre des bénéficiaires effectifs ? Quelles sont les sanctions encourues ?

Joseph Smallhoover et Marie-Emilie Codina : Outre l’accès donné au grand public à une série de mentions du registre des bénéficiaires effectifs (articles L 561-2 et L 561-3 du CMF), l’AMLD 5 oblige les bénéficiaires effectifs à fournir, à la société, association, fondation, fond de dotation, fond de pérennité, groupement d’intérêt collectif ou placement collectif établis sur le territoire français qu’ils contrôlent, les informations permettant de les identifier dans un délai de trente jours ouvrables à compter de la demande de l’entité concernée (Mesure transposée aux articles L 561-45-2 et R 561-59 du CMF) A défaut de transmission de ces informations dans le délai susvisé ou dans le cas où les informations transmises seraient incomplètes ou erronées, l’entité concernée pourra introduire une demande en référé aux fins de voir ordonner, au besoin sous astreinte, la transmission de ces informations (Mesure transposée à l’article L 561-45-2 du CMF).

Le défaut de transmission desdites informations au registre du commerce et des sociétés, ou la transmission d’informations inexactes ou incomplètes, constitue une infraction passible d’une peine de six mois d’emprisonnement et d’une amende de 7 500 € pour les personnes physiques et de 37 500 € pour les personnes morales (article L 574-5 du CMF). Cette peine peut être assortie de peines complémentaires telles que l’interdiction de gérer s’agissant de personnes physiques, ou le placement sous surveillance judiciaire s’agissant d’une personne morale (article L 574-5 du CMF).

Enfin, les personnes assujetties à la lutte contre le BC-FT sont tenues de signaler au greffier du tribunal de commerce toute divergence qu’elles constatent entre les informations inscrites dans le registre des bénéficiaires effectifs et les informations sur les bénéficiaires effectifs dont elles disposent (article L 561-47-1 du CMF). Ces personnes bénéficient, dans ce cadre, de garanties de protection en matière de poursuite (article L 561-22 du CMF).

La Quotidienne : Les obligations de vigilance à l’égard de la clientèle des professionnels du chiffre et du droit sont-elles modifiées ?

Joseph Smallhoover et Marie-Emilie Codina : Les mesures de vigilance qui doivent être mises en œuvre par les personnes assujetties à la lutte contre le BC-FT varie en fonction de l’intensité du risque identifié

Les entrées en relation d’affaires à distance ne sont plus considérées comme présentant un risque fort de BC-FT, ce qui ne justifie plus l’application systématique de mesures de vigilance complémentaires (article L 561-10 modifié du CMF).

De plus, lorsque les clients, services ou produits sont considérés comme présentant un risque faible de BC-FT (article L 561-4-1du CMF), des mesures de vigilance simplifiée sont applicables par les personnes assujetties (article L 561-9 du CMF), qui doivent toutefois s’assurer tout au long de la relation d’affaires que le risque demeure faible (article R 561-14 du CMF).

A l’inverse, en cas de risque élevé de BC-FT, par exemple dans l’hypothèse où le client ou son bénéficiaire effectif est une personne dite « politiquement exposée » (personnes dont la liste est établie par l’article R 561-18 du CMF) ou une personne établie dans un pays considérés comme des « pays tiers à haut risque » (Cf. listes des pays présentant des carences stratégiques dans leurs cadres de lutte contre le BC-FT établies par la Commission Européenne et par le Groupe d’Action Financière  et Article R 561-22-1 du CMF), les personnes assujetties à la lutte BC-FT sont tenues d’appliquer des mesures de vigilance complémentaires, telles que s’assurer que la décision de nouer ou maintenir une relation d’affaires avec cette personne est prise que par un membre de l’organe exécutif ou toute personne habilitée par ce dernier (article R 561-20-2 du CMF), ou rechercher l’origine des fonds impliqués dans la relation d’affaires (article R 561-20 du CMF).

Propos recueillis par Brigitte BROM

Par Joseph SMALLHOOVER, Senior Counsel au sein du cabinet Bryan Cave Leighton Paisner



et Marie-Emilie CODINA, Associate au sein du cabinet Bryan Cave Leighton Paisner



© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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