Un constructeur est chargé de travaux de bardages dans le cadre de la réhabilitation de logements. Il se fournit en matériaux auprès d’une société. L’instabilité de plusieurs panneaux de bardage étant constatée après la réception, le maître de l’ouvrage est indemnisé par son assureur dommages-ouvrage (DO). L’assureur de responsabilité de l’entreprise rembourse l’assureur DO de l’indemnité qu’il a versée au maître de l’ouvrage. Puis, avec l’entreprise qu’il assure, il assigne le fournisseur de matériaux en garantie des vices cachés en invoquant un défaut de traitement des chevrons.
L’action est déclarée prescrite par la cour d’appel. L’assureur DO ayant été indemnisé en exécution du contrat par l’assureur de responsabilité de l’entreprise, la cour d’appel estime que l’action en garantie des vices cachés exercée par ce dernier n’est pas une action récursoire intentée après avoir été assigné. Elle en déduit que le délai biennal de l’article 1648 du Code civil pour exercer l’action courait à compter de la découverte du vice affectant les matériaux par l’entreprise, soit le 25 juillet 2017. L’action ayant été intentée en mai 2020, elle était donc prescrite.
L’assureur de responsabilité forme un pourvoi.
Il est reçu par la Cour de cassation, qui censure la cour d’appel. La Haute Juridiction relève que lorsqu’il y a indemnisation amiable du maître de l’ouvrage ou de son assureur dommages-ouvrage subrogé dans les droits de ce dernier, l’action en garantie des vices cachés à l’encontre du fournisseur ou de son assureur tend à leur faire supporter la dette de réparation du constructeur à l’égard du maître de l’ouvrage. Il en résulte que le délai de prescription de cette action ne court pas à compter de la connaissance du vice par le constructeur, mais à compter de l’assignation en responsabilité qui lui a été délivrée ou, à défaut, à compter de l’exécution de son obligation à réparation.
A noter :
Le constructeur dont la responsabilité est recherchée par le maître de l’ouvrage en raison de la mise en œuvre de matériaux défectueux peut se retourner contre le fournisseur sur le fondement de la garantie des vices cachés. En principe, l’action récursoire du constructeur responsable ou susceptible de l’être court à compter de l’assignation qui lui a été délivrée par son créancier, en pratique le maître de l’ouvrage.
La Cour de cassation juge qu’en matière d’action récursoire, la prescription applicable au recours d’une personne assignée en responsabilité contre un tiers qu’il estime coauteur du dommage a pour point de départ l’assignation qui lui été délivrée par son créancier, même en référé, si elle est accompagnée d’une demande de reconnaissance d’un droit (Cass. ch. mixte 19-7-2024 n° 22-18.729 BR : RJDA 12/24 n° 681). Tel est le cas du recours du constructeur, assigné en responsabilité par le maître de l’ouvrage, contre un autre constructeur ou son sous-traitant (Cass. 3e civ. 14-12-2022 n° 21-21.305 FS-BR : BPIM 1/23 inf. 37). Il en va de même de l’action récursoire en garantie des vices cachés du constructeur contre le fournisseur : la prescription biennale court à compter de l’assignation (Cass. ch. mixte 21-7-2023 n° 20-10.763 BR : BPIM 5/23 inf. 320 ; Cass. 3e civ. 7-12-2023 n° 22-19.839 F-D : BPIM 1/24 inf. 38). Toutefois, pour éviter que l’action récursoire ne soit engagée dans un délai excessif ou indéterminé pour le défendeur, l’action doit être exercée dans la limite du délai butoir de 20 ans de l’article 2232 du Code civil à compter de la vente (Cass. ass. plén. 17-5-2023 n° 20-20.559 BR ; Cass. ch. mixte 21-7-2023 n° 20-10.763 BR : BPIM 5/23 inf. 320 ; Cass. ch. mixte 21-7-2023 n° 21-17.789 BR et n° 21-19.936 BR : BPIM 5/23 inf. 326).
Dans l’affaire commentée, il y avait bien une action récursoire, mais celle-ci n’était pas consécutive à une action en justice. Il n’y avait donc pas eu d’assignation du demandeur. En effet, l’indemnisation de la victime avait été amiable, d’autant que la même société était l’assureur créancier (assureur DO) et l’assureur du débiteur (assureur de responsabilité). On devine le raisonnement de la cour d’appel qui s’en est tenue à l’article 1648 du Code civil. La 3e chambre civile écarte la « découverte du vice » comme point de départ de la prescription, en matière récursoire. Dans sa Lettre de juin 2025, la 3e chambre civile pose les termes du débat et expose que revenir en arrière permettrait de faire courir la prescription à compter d’une demande d’expertise en référé non assortie d’une demande de reconnaissance d’un droit. Aussi retient-elle que la prescription doit être fixée à « la date du paiement » (termes de la Lettre), c’est-à-dire, plus généralement, à « la date d’exécution de l’obligation à réparation » (termes de l’arrêt). Le point de départ de la prescription peut donc être soit l’assignation de l’auteur du recours, soit, à défaut, l’exécution de l’obligation à réparation du débiteur obligé, qui peut être l’assureur subrogé…