Votre métier
icone de recherche
icone de recherche
logo
Accueil/ Actualités - La Quotidienne/ Comptable/ Comptabilité et Fiscalité

Opérations de fusion : les enjeux du calcul de la parité et de la valorisation des apports

À l’occasion de la publication de la treizième édition de notre Mémento Fusions & Acquisitions, ce dossier fait le point sur les problématiques de détermination du rapport d’échange et de valorisation des apports lors de la réalisation d’opérations de fusion et d’apports.


Par Par Bénédicte LE MAUX, Expert-comptable, Associée, PwC Société d’Avocats, Parina BOUVERNE, Senior Manager, PwC et Maître Lionel FLIN et avec la participation de Françoise GINTRAC, Associée, PwC et Thomas BORTOLI, Avocat, Associé, PwC Société d’Avocats
logo-pwc-bp.jpg

Distinction entre valorisation des apports et rapport d’échange

Les enjeux du rapport d’échange

À quoi sert le rapport d’échange ?

Le rapport d’échange sert à déterminer le nombre d’actions qui seront remises par la société absorbante (ou bénéficiaire des apports) aux actionnaires de la société absorbée (ou à la société apporteuse) pour rémunérer les apports.

En effet, une fusion (ou opération assimilée) apparaît comme une comparaison entre deux (ou plusieurs) entités. Or les évaluations réalisées dans le cadre du processus d’acquisition aboutissent à déterminer la valeur globale des entités en présence qui, ensuite divisée par le nombre d’actions ou de parts composant le capital, permet d’obtenir la valeur (réelle) unitaire de chaque titre. Le rapprochement de ces valeurs unitaires donne une parité théorique, permettant d’arrêter le rapport d’échange définitif.

Comment déterminer le rapport d’échange ?

Le rapport d’échange est déterminé en général sur la base des valeurs réelles

Les règles comptables sur les fusions et opérations assimilées (PCG art. 710-1 à 770-2) n'abordent pas le calcul du rapport d'échange. Toutefois, selon la CNCC (Guide professionnel sur le commissariat aux apports et à la fusion, juin 2012, § 1.223), le rapport d'échange se détermine à partir des valeurs réelles de chaque société en présence.

Fiscalement : 

l'administration a indiqué que, d'une manière générale, le régime de faveur en matière d'IS ne saurait s'appliquer à des opérations à l'occasion desquelles des transferts de valeurs non représentatives des apports sont organisés entre associés et sociétés. La valeur réelle de la société bénéficiaire des apports s'apprécie au moment de l'opération et non ultérieurement compte tenu des éléments apportés (BOI-IS-FUS-30-20 n° 20).

Mais le Conseil d'État a jugé que l'administration ne peut valablement refuser l'agrément exigé pour la réalisation de certains apports partiels d'actif sous le régime de faveur au motif que la rémunération de l'apport est calculée sur la base des valeurs nettes comptables des éléments apportés et non d'après leurs valeurs réelles, dès lors que la loi ne pose aucune condition relative à la parité pour la délivrance de cet agrément (CE 28-11-2016 n° 378793 ; voir n° 7340).

Lorsque la valeur réelle des titres remis en rémunération est inférieure à la valeur réelle de l'apport, l'administration considère que la société apporteuse doit constater, à due concurrence, un produit taxable dans les conditions de droit commun correspondant à la libéralité consentie (BOI-IS-FUS-30-20 n° 30). Le Conseil d'État a jugé, à propos d'une opération réalisée au sein d'un groupe fiscal, que la fixation de la parité d'après la valeur comptable des titres et non leur valeur réelle, qui traduit une insuffisante rémunération de la société apporteuse, doit, alors même que cette minoration du nombre de titres émis en contrepartie de l'apport est sans incidence sur l'actif net de la société bénéficiaire de cet apport, être regardée comme une subvention de l'apporteuse à la bénéficiaire, à hauteur de la différence positive entre la valeur réelle des titres apportés et ceux reçus en contrepartie de l'apport, qui est soumise à l'obligation de déclaration des subventions prévue dans le cadre du régime de l'intégration fiscale (CE 1-7-2020 n° 418378). Concernant une approche différente retenue par le Conseil d’État à propos des conséquences de la surévaluation des apports, prenant davantage en compte les aspects économiques, voir ci-après n° 14.

Sur la tolérance administrative permettant de retenir la valeur comptable pour certains apports partiels d'actif, dont les conditions n'étaient pas réunies dans l'affaire jugée par le Conseil d'État, voir n° 3.

Le rapport d’échange peut toutefois être calculé à partir des valeurs comptables

Le PCG n'abordant pas le calcul du rapport d'échange, les parties peuvent donc décider, sur le plan comptable, de retenir les valeurs comptables, sous réserve de respecter les conditions imposées par les règles fiscales.

Fiscalement :

– l'apport partiel d'actif est placé sous le régime de faveur des fusions ;

– les titres reçus par la société apporteuse en contrepartie de son apport représentent au moins 99 % du capital de la société bénéficiaire après l'apport ;

– la participation de la société apporteuse dans la société bénéficiaire représente au moins 99,99 % du capital de cette dernière après l'apport ;

– tous les titres de la société bénéficiaire des apports présentent les mêmes caractéristiques.

Sur la non-application dans ce cas des exigences de l'administration quant au nombre de titres à émettre, voir l'exemple figurant dans le Mémento Fusions n° 7654.

Lorsque les conditions définies ci-avant ne sont pas réunies, la détermination de la parité d'après la valeur comptable des apports risque d’être considérée comme l'octroi d'un avantage par la société apporteuse à la société bénéficiaire des apports, constitutif d'une subvention imposable (voir n° 2).

Mais l'administration ne peut valablement refuser l'agrément prévu à l'article 210 B du CGI exigé pour la réalisation de certains apports partiels d'actif sous le régime de faveur (voir n° 2).

En outre, calculer le rapport d'échange à partir des valeurs comptables permet, notamment, de réaliser certaines opérations qui, pour des raisons juridiques, ne pourraient pas l'être si les valeurs réelles étaient retenues, ce qui est le cas lors de la réalisation d’une opération à la valeur comptable malgré un actif net comptable insuffisant. Pour plus de détails, voir Mémento Fusions 7654.

A noter :

Dans certains cas particuliers, compte tenu des spécificités liées à leur statut, l'ANC a précisé que, pour certaines entités, le rapport d'échange des parts sociales doit être déterminé sur la base de la valeur nominale respective des parts sociales des deux entités parties prenantes à l'opération. Pour plus de détails, voir Mémento Fusions n° 7509.

Focus pratique

Par Thomas Bortoli, Avocat, Associé, PwC Société d’Avocats, expert en droit des sociétés

Comment déterminer la rémunération d’un apport sans risque ?

Sur le plan juridique, aucune contrainte ou limite, légale ou réglementaire, n’est imposée dans la détermination du rapport d’échange. Toutefois, en application des principes généraux du droit des sociétés, l’opération doit être réalisée dans le respect de l’égalité entre les associés. Ainsi, afin de prévenir toute contestation éventuelle d’associés minoritaires, les valeurs réelles sont généralement retenues pour le calcul de la parité.

En pratique, la détermination de la parité sur la base des valeurs réelles engendre des contraintes qu’il convient d’anticiper, notamment en termes de travaux d’évaluation tant de l’activité apportée ou de l’entité absorbée que de l’entité bénéficiaire des apports ou absorbante, ce qui représente un coût et du temps supplémentaires.

Compte tenu de ces contraintes, d’autres scénarios peuvent parfois être envisagés, mais les options et les circonstances d’usage sont limitées :

  • les opérations sans échange de titres ne nécessitant donc pas un calcul de parité. Cette occurrence se rencontre dans les situations suivantes :

    • fusion-absorption par une société mère de sa filiale détenue à 100 % ;

    • fusion entre sociétés détenues à 100 % par la même société mère ;

    • scission d’une société au bénéfice de plusieurs sociétés, lorsque la société scindée et les sociétés bénéficiaires sont filiales à 100 % d’une même société mère ;

    • dissolution par confusion de patrimoine ou TUP.

  • une parité établie sur la base des valeurs comptables peut être utilisée lorsque les hypothèses d’apports partiels d’actif répondent aux conditions de la tolérance administrative rappelée ci-avant (voir n° 3).

Distinction entre rapport d’échange et valeurs d’apport retenues dans le traité

Les valeurs des apports portées dans le traité d’apport sont-elles différentes des valeurs retenues pour déterminer le rapport d’échange ?

Oui, le mode de valorisation des apports est indépendant de la détermination du rapport d’échange. Néanmoins, si les apports sont valorisés à la valeur réelle, la somme des apports doit alors correspondre à la valeur globale de la société absorbée retenue pour le calcul du rapport d’échange.

Pour plus de détails ainsi que pour un exemple, voir Mémento Comptable n° 7510.

Quelle est la différence entre la parité et la valorisation des apports ?

La parité permet de déterminer la rémunération des actionnaires de la société absorbée (ou de l’apporteuse) en contrepartie de leurs apports (voir n° 1), alors que la valorisation des apports correspond à la valeur à laquelle les actifs et passifs sont transférés à la société absorbante (ou bénéficiaire), permettant ainsi de calculer la plus-value chez l’entité apporteuse et le coût d’entrée des actifs et passifs chez l’entité bénéficiaire des apports.

Détermination des valeurs d’apport

Rappel des principes de valorisation des apports

À quelle valeur les actifs et passifs doivent-ils être apportés ?

Selon le PCG (art. 740-1), à une situation donnée correspond une seule méthode de valorisation lorsque l'opération est réalisée entre entités françaises. Pour certaines situations, l’opération est obligatoirement réalisée à la valeur comptable et, pour d'autres, obligatoirement à la valeur réelle.

Les situations dépendent :

  • de l'existence ou non d'un contrôle (commun ou distinct) entre l'entité initiatrice et l'entité cible (PCG art. 741-1 et 741-2) ;

  • du sens de l’opération : fusion à l'endroit ou à l'envers (PCG art. 742-1 et 742-2).

Le PCG prévoit en outre des règles de valorisation spécifiques pour les opérations réalisées sous contrôle conjoint ou aboutissant au contrôle conjoint (PCG art. 743-2, pour plus de détails, voir Mémento Fusions n° 7637).

Sur les dérogations à ces principes généraux, voir Mémento Fusions n° 7645.

Fiscalement : 

les règles comptables de transcription des apports s'imposent aux entreprises (CE 8-6-2005 n° 270967, à propos de l'arrêté d'homologation du Règlement CRC n° 2004-01 du 4-5-2004). Selon l'administration, aucune disposition ne permet de déroger aux règles de transcription des apports fixées par l'Autorité des normes comptables (BOI-IS-FUS-30-20 n° 1). Cependant, sur le plan fiscal, une opération de fusion ou d'apport partiel d'actif étant assimilée à une cessation d'entreprise (cessation partielle pour un apport partiel d'actif), les actifs et passifs doivent en principe être évalués à la valeur réelle. Toutefois, si les apports sont effectués à la valeur comptable sur le plan comptable, ces valeurs peuvent être retenues sur le plan fiscal à la double condition que (BOI-IS-FUS-30-20 n°s 1 et 10) :

– l'opération soit placée sous le régime de faveur des fusions en matière d'IS (CGI art. 210 A ; pour plus de détails sur ce régime, voir Mémento Fusions n° 7812) ;

– la société bénéficiaire des apports reprenne à son bilan les écritures comptables de la société apporteuse [valeurs d'origine, amortissements et (provisions pour) dépréciations] et continue de calculer les dotations aux amortissements à partir de la valeur d'origine qu'avaient les biens dans les écritures de la société apporteuse.

A noter :

La valorisation des apports dans le cadre d'opérations transfrontalières n'est pas réglementée par le PCG (Recueil des normes comptables de l'ANC, Commentaire IR 2 sous l'article 720-1 du PCG). En conséquence, en pratique, les parties peuvent décider de retenir la valeur comptable ou la valeur réelle pour valoriser les apports dans le traité (sous réserve des contraintes imposées par les règles applicables dans le pays de l’entité étrangère partie à l’opération). Pour plus de détails, voir Mémento Fusions n° 7602.

Détermination de la valeur réelle des apports

À quelle date les apports doivent-ils être évalués ?

Les apports sont à évaluer à la date d'effet comptable de l'opération et non à la date de réalisation juridique (PCG art. 744-1). En conséquence :

– en cas d'effet rétroactif conféré à l'opération, les valeurs à reprendre dans le traité d'apport sont les valeurs réelles des actifs et passifs figurant dans les comptes de la société absorbée (apporteuse) à la date d'effet rétroactif (en ce sens, Bull. CNCC n° 182, juin 2016, EC 2016-16, p. 393 s.) ;

– en cas d'effet immédiat ou différé, les valeurs à mentionner dans le traité sont les valeurs réelles (en ce sens, Recueil des normes comptables de l'ANC, Commentaire IR 3 sous l'article 744-2 du PCG) estimées à la date d'effet immédiat ou différé, sous condition résolutoire (à prévoir explicitement dans le traité) des valeurs réelles définitives telles qu'elles seront fixées à la date d'effet.

Pour plus de détails, voir Mémento Fusions n° 7702.

À quoi correspond la valeur réelle des apports ?

Lorsque les apports sont évalués à la valeur réelle, les valeurs individuelles des actifs et passifs apportés correspondent aux valeurs réelles attribuées à chacun des éléments inscrits dans le traité d'apport, figurant ou non à l'actif ou au passif du bilan de l'entité absorbée ou apporteuse à la date d'effet de l'opération (PCG art. 744-1), ce qui conduit à mentionner dans le traité les trois types d'éléments suivants :

– les actifs et passifs déjà comptabilisés par l'entité absorbée (ou apporteuse) ;

– certains actifs et passifs ne figurant pas au bilan de l'entité absorbée (ou apporteuse) (voir n° 11) ;

– le fonds commercial, le cas échéant (voir n° 12).

Pour plus de détails, voir Mémento Fusions n° 7700.

Comment déterminer la valeur réelle des actifs et passifs apportés par l’entité absorbée ou apporteuse ?

Le PCG (art. 744-1) apporte quelques précisions sur le mode d'évaluation de la valeur réelle en indiquant qu’elle s’apprécie en fonction du marché et de l’utilité du bien pour l’entreprise (prix de marché, valeur d'utilité du bien, indices spécifiques, expertises).

Ainsi, plusieurs méthodes peuvent conduire à une estimation de la valeur réelle. Aucune ne se suffit à elle-même. Aussi est-il possible de tenir compte de plusieurs d'entre elles en menant une analyse multi-critère.

Fiscalement :

la définition comptable de la valeur réelle est retenue (BOI-IS-FUS-30-20 nos 50 et 220), ce qui n'interdit pas à l'administration fiscale d'en contester le montant, même s'il n'a pas été remis en cause par le commissaire aux apports (CAA Versailles 26-3-2009 n° 08VE1605 et n° 08VE02883, rendu définitif par CE 7-11-2012 n° 328670).

Lorsque les valeurs réelles retenues dans le traité s’éloignent des valeurs réelles, voir nos 13 et 14.

À quoi correspondent les actifs et passifs ne figurant pas au bilan de l’entité absorbée et qui doivent néanmoins être évalués à la valeur réelle ?

Les actifs et passifs ne figurant pas au bilan de l'entité absorbée ou apporteuse concernent notamment les éléments suivants :

  • les actifs incorporels créés par l'entité absorbée (ou apporteuse) et qui n'ont pas pu être portés au bilan, les règles comptables l'interdisant en raison de la non-reconnaissance de ces actifs générés en interne (exemple cité par le PCG art. 744-1 : les marques) ;

  • les contrats souscrits par l'entité absorbée (ou apporteuse) (par exemple, contrats de crédit-bail) et qui ont une valeur ;

  • les éléments que l'entité absorbée (ou apporteuse) a pu choisir de ne pas comptabiliser (exemple cité par le PCG art. 744-1 : les provisions pour retraite) ;

  • les impôts différés actifs et passifs, même si cette notion n'existe pas dans les règles applicables aux comptes sociaux et est rarement utilisée en pratique. Ainsi, par exemple :

    • si l'opération est placée sous le régime de faveur, le traité d'apport doit tenir compte des impôts différés passifs sur les plus-values d'apport (pour plus de détails, voir Mémento Fusions n° 7900) ;

    • si la société absorbée (ou apporteuse) « apporte » un déficit fiscal sur agrément (voir Mémento Fusions n° 7802) ou détient des créances futures d'impôt importantes et que la société absorbante (ou bénéficiaire des apports) est en situation fiscale de les utiliser lors des exercices ultérieurs, un impôt différé actif est à constater dans le traité d'apport

    • si la société absorbée (ou apporteuse) apporte des éléments d'actif grevés d'un sursis d'imposition (par exemple, apport d'une immobilisation non amortissable ayant fait l'objet d'une opération de fusion ou d'apport antérieure à la valeur réelle placée sous le régime fiscal de faveur, voir Mémento Fusions n° 7802), un impôt différé passif est à constater dans le traité d'apport ;

  • les impôts exigibles liés à la fusion. En effet, lorsque la fusion est placée sous le régime fiscal de droit commun, la dette d'impôt générée par l'opération (correspondant, par exemple, à l'imposition des plus-values de fusion chez la société absorbée) doit également être mentionnée dans le traité d'apport (voir Mémento Fusions n° 7920).

A noter :

La prise en compte d'éléments actifs et passifs que l'entité absorbée (ou apporteuse) peut ne pas avoir comptabilisés nécessite donc un recensement préalable minutieux de ces éléments. En outre, pour certains d'entre eux, une évaluation peut s'avérer nécessaire uniquement pour les besoins de l'opération.

Comment déterminer la valeur réelle d’un éventuel fonds commercial ?

Selon le PCG (art. 744-1), un fonds commercial peut devoir être identifié. Celui-ci correspond, en pratique, à la différence éventuelle entre la valeur globale de l'entité absorbée ou de la branche d'activité apportée résultant de la détermination du rapport d'échange (voir n° 1 ci-avant) et la somme des valeurs réelles des éléments apportés tels qu'énumérés aux points ci-avant.

En fait, il s'agit du « goodwill » ou « écart d'acquisition » tel qu'on le trouve dans les comptes consolidés. Il est constitué :

  • d'éléments apportés mais ne pouvant être identifiés comptablement (tels que le capital humain…) ;

  • d'éléments ne pouvant être comptabilisés ni chez la société absorbée ou apporteuse ni chez la société absorbante ou bénéficiaire des apports (tels que les engagements hors bilan…, voir Mémento Fusions n° 7707) ;

  • de la fraction du prix payée par la société absorbante ou bénéficiaire des apports dans le cadre de l'opération en contrepartie des avantages que procure la prise de contrôle de la société absorbée ou de la branche d'activité (élimination d'une entreprise concurrente, assurance d'un approvisionnement ou d'un débouché, amélioration des conditions de production, expansion à l'étranger…).

A noter :

Lorsque la valeur globale des apports est inférieure à la somme des actifs et passifs évalués à la valeur réelle, la valeur du fonds commercial est négative et un badwill est à constater. Ce dernier fait l’objet d’une mention dans le traité d’apport et doit être comptabilisé dans un sous-compte de la prime de fusion ou d’apport lors de la réalisation de l’opération (PCG art. 744-1). Une telle situation résulte en général de la prise en compte de passifs éventuels, tels que des restructurations probables ne remplissant pas les conditions de comptabilisation d’une provision (exemple fourni par le commentaire IR3 sous l’article 744-1 précité). Pour plus de détails, voir n° 21. Sur la notion de passif éventuel, voir Mémento Comptable n° 52520.

Quels sont les risques fiscaux encourus lorsque les valeurs retenues dans le traité d’apport s’écartent des valeurs réelles ?

En cas de minoration des valeurs d’apport, c’est-à-dire lorsque la valeur des apports retenue dans le traité et comptabilisée par la société bénéficiaire des apports est inférieure à la valeur réelle des éléments apportés, l’administration est fondée à corriger la valeur d’inscription des biens concernés chez la société bénéficiaire sur le fondement de l’article 38, 2 du CGI dès lors que la minoration dissimule une libéralité, qui est présumée lorsque les parties sont en relation d’intérêt (CE 9-5-2018 n° 387071). Il en résulte une imposition supplémentaire au nom de la société bénéficiaire à concurrence de cet écart au titre de l’exercice de réalisation de l’opération.

La société apporteuse est quant à elle regardée comme ayant commis un acte anormal de gestion du fait de la sous-évaluation de l’apport et elle supporte à ce titre une imposition au taux normal de l’IS, même si ce sont des titres de participation qui ont été apportés (CE 6-2-2019 n° 410248).

Toutefois, lorsque l’écart entre la valeur réelle et la valeur d’apport est justifié par une l’existence d’une contrepartie, ces rehaussements devraient à notre avis être évités (CE 21-10-2020 n° 434512).

En cas de majoration des valeurs d’apport, c’est-à-dire lorsque la valeur des apports retenue dans le traité d’apport et comptabilisée par la société bénéficiaire est supérieure à la valeur réelle des éléments apportés, aucune correction de son résultat imposable n’est encourue au titre de l’exercice de réalisation de l’opération, mais l'administration peut remettre en cause la déduction des amortissements, provisions ou moins-values, à concurrence du montant correspondant à la part excessive de la valeur du bien reçu (CE 27-4-2001 n° 212680).

Du point de vue de la société apporteuse, le Conseil d’État a jugé que la seule circonstance qu’un apport ait été consenti pour une valeur majorée ne traduit pas par elle-même l'existence d'une libéralité de la société bénéficiaire de l'apport au profit de l'apporteur qui serait imposable en tant que revenu distribué en application de l’article 111, c du CGI (CE 20-10-2021 n° 445685). Selon l’approche économique retenue par le rapporteur public Romain Victor sous cette décision, l’existence d’une libéralité dans une telle situation devrait être appréciée en considérant non pas les relations entre l’apporteur et la société bénéficiaire mais celles entretenues entre les associés de cette société et l’apporteur, compte tenu de l’impact de l’opération sur la répartition du capital entre eux.

Focus pratique

Par Françoise Gintrac, Associée, PwC, Évaluation et Modélisation financière

Comment limiter les risques liés à la valorisation à la valeur réelle ?

Au cours d’une opération de fusion ou d’apport, une attention particulière doit être portée à l’appréciation des valeurs réelles ou valeurs de marché. Pour limiter les risques, il convient :

– de mettre en œuvre une approche multicritères, ce qui permet de fiabiliser les valeurs ;

– de préparer une documentation détaillée qui pourra être partagée avec les tiers impliqués sur l’opération ;

– de faire une analyse détaillée du mali de fusion permettant son allocation, notamment à d’éventuels actifs incorporels ;

– d’avoir recours à un expert en évaluation.

Quels sont les points d’attention pour la mise en œuvre d’une approche multicritères ?

Il convient de mettre en œuvre les approches usuelles, notamment celles recommandées par l’administration fiscale. Les approches doivent s’appuyer à la fois sur les données de l’entreprise (ou de l’actif) évaluée mais aussi sur les données de marché. Il est donc recommandé de s’appuyer à la fois sur la méthode des « discounted cash flows » (DCF), mais aussi sur des références à des sociétés cotées et des transactions. Toute opération récente ayant porté sur le capital de l’entité évaluée constitue donc la meilleure référence.

On constate depuis deux ans une très forte volatilité des marchés, corrélée actuellement à un niveau élevé d’incertitude économique (taux d’intérêt, inflation…) et géopolitique avec la guerre en Ukraine. Ceci doit être intégré dans les travaux d’évaluation :

– les évaluations doivent être mises à jour beaucoup plus régulièrement ;

– il convient de privilégier l’analyse de scénario tant sur les agrégats opérationnels que sur les agrégats économiques ;

–  une vigilance toute particulière doit être portée à la cohérence des paramètres et hypothèses retenus dans les modèles d’évaluation, le point le plus délicat étant celui du traitement de l’inflation.

Quelles sont les principales méthodes d’évaluation des actifs incorporels ?

Lorsque les apports comportent des actifs incorporels du type marques, brevets, fonds commercial, contrats, ceux-ci doivent être évalués à leur valeur de marché en ayant recours aux méthodes usuelles :

– la méthode des redevances, qui consiste à actualiser les flux futurs de redevances que l’actif permet de générer (ou d’économiser, si utilisé par son propriétaire) sur la durée de vie de l’actif ;

– la méthode de l’ « excess profit » qui valorise l’actif par la somme des « excess profits » qu’il va pouvoir générer sur sa durée de vie résiduelle ;

– la méthode par les coûts, qui consiste à valoriser un actif par rapport aux coûts nécessaires pour le reconstituer à l’identique.

La méthode par les coûts est plus particulièrement utilisée pour les actifs incorporels de support, alors que les méthodes fondées sur les profits sont mises en œuvre pour les actifs incorporels identifiés comme les principaux leviers de création de valeur.

Détermination de la valeur comptable des apports

À quelle date les apports doivent-ils être évalués ?

Les valeurs comptables à reprendre dans le traité d'apport sont (PCG art. 744-2) :

– en cas d'effet rétroactif conféré à l'opération, les valeurs figurant dans les comptes de l'entité absorbée (apporteuse) à la date d'effet rétroactif ;

– en cas de date d'effet immédiat ou différé, les valeurs comptables estimées à la date d'effet immédiat ou différé (Recueil des normes comptables de l'ANC, Commentaire IR 3 sous l'article 744-2 du PCG et Guide professionnel CNCC sur le commissariat aux apports et à la fusion, juin 2012, § 1.143).

Précision - Effet immédiat ou différé : selon le Recueil des normes comptables (Commentaire IR 3 précité), le traité d'apport doit mentionner que l'évaluation des apports est faite sous réserve de la détermination des valeurs comptables définitives telles qu'elles seront fixées à la date d'effet.

Cette mention (en pratique, une clause d'ajustement des valeurs d'apport prévue dans le traité) permettra de corriger si nécessaire les valeurs définitives d'apport à la date d'effet de l'opération en contrepartie de la modification de la prime de fusion ou d'apport.

Selon le guide professionnel CNCC sur le commissariat aux apports et à la fusion (juin 2012, § 1.143), les opérations avec effet immédiat ou différé constituent généralement des opérations délicates, dans la mesure où la consistance des apports n'est pas connue précisément à la date où le commissaire aux apports émet son rapport. Cependant, cette difficulté peut être résolue si les actionnaires de l'entité absorbée (en cas de fusion) ou de l'entité apporteuse (en cas d'apport) acceptent de garantir l'actif net apporté dans le traité de fusion (ou d'apport).

Sur la mise en œuvre de cette garantie à la date d’effet de l’opération, voir Mémento Fusions n° 7735.

Quelles valeurs comptables reprendre dans le traité d’apport ?

Lorsque les apports sont évalués à la valeur comptable, les valeurs comptables individuelles des actifs et passifs apportés correspondent aux valeurs de chaque actif et passif figurant dans les comptes de l'entité absorbée ou apporteuse à la date d'effet de l'opération (PCG art. 744-2).

Selon le PCG (art. 744-2), cette reprise doit se faire sans modification par rapport aux valeurs inscrites dans les comptes de l'entité absorbée ou apporteuse.

En conséquence :

– les frais d'établissement comptabilisés par l'entité absorbée ou apporteuse doivent être maintenus dans le traité d'apport ;

– la décomposition des immobilisations corporelles retenue par l'entité absorbée (ou apporteuse) est, à notre avis, également reprise dans le traité d'apport sans modification ;

– lorsqu'ils sont immobilisés, les frais d'acquisition d'immobilisations (y compris les frais d'acquisition des titres de participation incorporés dans le coût d'entrée de ces titres) sont, à notre avis, maintenus à l'actif.

Fiscalement :

il en est de même (BOI-BIC-PVMV-10-20-20 n° 430). Sur la poursuite, par la société absorbante (ou bénéficiaire des apports), de l'amortissement fiscal de ces frais d'acquisition, voir Mémento Fusions n° 7812.

Pour plus de détails, voir Mémento Fusions n° 7740.

L’éclatement brut / amortissement-dépréciation / net doit-il être maintenu ?

Oui, pour des raisons fiscales. En effet, lorsque la fusion ou l'opération assimilée est réalisée à la valeur comptable, cette même valeur peut être retenue sur le plan fiscal à la double condition que (BOI-IS-FUS-30-20 n° 10) :

– l'opération soit placée sous le régime de faveur des fusions en matière d'IS (CGI art. 210 A) ;

– la société absorbante ou bénéficiaire des apports reprenne à son bilan les écritures comptables de la société absorbée ou apporteuse [valeurs d'origine, amortissements et (provisions pour) dépréciations] et qu'elle continue de calculer les dotations aux amortissements à partir de la valeur d'origine qu'avaient les biens dans les écritures de la société absorbée ou apporteuse.

À défaut, l'opération est réputée réalisée fiscalement à la valeur réelle.

A noter :

Il ne faut pas confondre :

– une fusion aux valeurs comptables qui signifie, pour l'administration fiscale, que la totalité de l'actif immobilisé a été apportée à la valeur comptable ;

– une fusion aux valeurs réelles, dont certaines peuvent s'avérer égales à la valeur comptable ; dans ce cas, aucun éclatement n'est bien sûr requis (BOI-IS-FUS-10-20-40-20 n° 1).

La reprise, dans le traité d'apport, des valeurs comptables brutes, amortissements et dépréciations n'est pas explicitement prévue par les règles comptables. Toutefois, comme l'ANC l'a constaté lors de l'approbation du règlement CRC n° 2004-01 (intégré depuis au PCG), la rédaction du texte l'autorise sans difficulté, ce qui permet :

– sur un plan pratique, d'utiliser les traitements informatiques de la société absorbée ou apporteuse ;

– d'être compatible avec l'obligation fiscale d'éclater la valeur nette comptable des actifs apportés pour pouvoir retenir cette valeur sur le plan fiscal.

A noter :

Cette approche est, en outre, conforme à la logique des comptes consolidés déjà utilisée pour déterminer la méthode de valorisation des apports à retenir, voir Mémento Fusions n° 7605. En effet, une opération réalisée entre entités sous contrôle commun n'a pas d'impact sur les actifs et passifs établis au niveau de la société mère, la valeur comptable consolidée doit être reprise en maintenant l'éclatement « valeur brute et amortissements / dépréciations » figurant dans les comptes consolidés avant l'opération.

Pour être retenu sur le plan comptable, cet éclatement doit être mentionné dans le traité d'apport (Bull. CNCC n° 94, juin 1994, EC 93-112, p. 311 s.). La société bénéficiaire des apports doit en outre mentionner cet éclatement dans l'annexe aux comptes, en précisant que le mode de comptabilisation retenu répond aux obligations posées par l'instruction fiscale (Bull. CNCC précité).

L'éclatement de la valeur nette comptable des actifs apportés figurant dans le traité, cette valeur doit être reprise telle quelle dans les comptes de la société absorbante ou bénéficiaire des apports, voir Mémento Fusions n° 8142.

La non-comptabilisation de passifs éventuels ou de la provision pour retraite doit-elle donner lieu à une inscription spécifique dans le traité d’apport ?

En général, non. Toutefois, lorsque la valeur globale réelle de l'apport est inférieure à sa valeur comptable, une mention spécifique doit être portée dans le traité d'apport et cet écart (« badwill ») est comptabilisé dans un sous-compte de la prime de fusion lors de la réalisation de l'opération (PCG art. 744-2).

Lorsqu'une opération est réalisée en valeur comptable, les valeurs à reprendre dans le traité d'apport sont celles qui figurent dans les comptes de la société absorbée (ou apporteuse) à la date d'effet de l'opération, sans modification possible, ce qui signifie, notamment, que les passifs non comptabilisés par la société absorbée (ou apporteuse) ne doivent pas être mentionnés dans le traité. Tel est le cas :

– des provisions pour retraite qui, dans les comptes sociaux, peuvent ne pas être comptabilisées si le montant des engagements de l'entreprise est fourni en annexe (voir Mémento Comptable n°s 17705 et 17715) ;

– des restructurations probables qui ne répondent pas aux conditions de comptabilisation d'une provision (exemple fourni par le commentaire IR3 sous l’article 744-2 du PCG précité ; voir Mémento Comptable n° 17395 sur les conditions à remplir pour constater une provision pour restructuration).

Or, ces passifs sont néanmoins apportés à la société absorbante (ou bénéficiaire des apports) et viennent minorer la valeur globale des apports. Et cette minoration est, en général, sans incidence, les plus-values latentes sur les actifs apportés étant souvent suffisantes pour que la valeur réelle globale de l'apport soit néanmoins supérieure à sa valeur comptable.

Toutefois, lorsque les actifs apportés ne recèlent pas de plus-values latentes ou que celles-ci s'avèrent insuffisantes pour couvrir des passifs éventuels pris en compte pour déterminer la valeur globale de l'apport, l'écart négatif entre cette valeur globale de l'apport et la somme des actifs et passifs individuels évalués à leur valeur comptable (ou « badwill ») doit faire l'objet d'une mention dans le traité d'apport (PCG art. 744-2) en minoration des apports.

Pour un exemple, voir Mémento Fusions n° 7742.

L'ESSENTIEL :

Le rapport d’échange (ou parité) permet de déterminer le nombre d’actions qui seront remises par la société absorbante (ou bénéficiaire des apports) aux actionnaires de la société absorbée (ou à la société apporteuse) en rémunération des apports. Selon la CNCC, il est déterminé à partir des valeurs réelles. Toutefois, il peut être déterminé selon les valeurs comptables, sous réserve de respecter les conditions imposées par les règles fiscales. Sur le plan juridique, les valeurs réelles sont également retenues pour respecter l’égalité des actionnaires.

La valorisation des apports dans le traité conduit à déterminer la « valeur de transfert » des actifs et passifs apportés, qui permet de calculer la plus ou moins-value d’apport à constater dans les comptes de la société apporteuse et qui constitue le coût d’entrée de ses actifs et passifs dans les comptes de la société absorbante ou bénéficiaire des apports.

L’application de parités s’écartant des valeurs réelles comporte des risques fiscaux.

Le mode de valorisation des apports est déterminé par le PCG, il est indépendant du calcul du rapport d'échange. Ainsi, à une situation donnée correspond une seule méthode de valorisation lorsque l'opération est réalisée entre entités françaises : valeur réelle ou valeur comptable.

La valorisation des apports à la valeur réelle nécessite un recensement préalable minutieux des éléments d'actif et de passif que l'entité absorbée (ou apporteuse) peut ne pas avoir comptabilisés. En outre, pour certains d'entre eux, une évaluation peut s'avérer nécessaire.

L’administration est fondée à contrôler que les valeurs retenues dans le traité d’apport correspondent aux valeurs réelles. Si tel n’est pas le cas, des risques fiscaux sont encourus par les entités participant à l’opération.

En cas d’opération à la valeur comptable, la reprise des valeurs comptables dans le traité d'apport doit se faire sans modification par rapport aux valeurs inscrites dans les comptes de l'entité absorbée ou apporteuse.

Suivez les dernières actualités juridiques et assurez la reprise de l’activité pour vos clients ou votre entreprise avec Navis :

Pas encore abonné ? Nous vous offrons un accès au fonds documentaire NAVIS toutes matières pendant 10 jours.

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

Aller plus loin


Mémento Comptable 2023
comptable - Mémentos, Ouvrages et Revues

Mémento Comptable 2023

La réglementation comptable en un seul volume
199,00 € TTC
Mémentis Comptable
comptable - Solutions numériques

Mémentis Comptable

Toute la réglementation française comptable, financière, d'audit et de contrôle des comptes
à partir de 22,00 € HT/mois

A lire aussi