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Comment l’entreprise utilisatrice peut résoudre unilatéralement un contrat d’intérim

La résolution d’un contrat de mise à disposition d’un salarié intérimaire par l'entreprise utilisatrice ne peut pas prendre effet à la date de notification de cette résolution à la société d'intérim si cette dernière n'a été informée de la faute du salarié que le jour de cette notification.

Cass. com. 1-6-2022 n° 20-21.551 F-D, Sté Robert Half international France c/ Sté Stereau


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©Gettyimages

Une société d’intérim met un salarié à la disposition d’une entreprise pour une durée déterminée. Avant le terme convenu, l’entreprise rompt le contrat par courrier car le salarié a unilatéralement modifié ses horaires, après un arrêt de travail. La société d’intérim prend acte de la rupture et informe l’entreprise qu’elle lui facturera les prestations jusqu’au terme initialement convenu (soit 89 000 €). L’entreprise refuse de payer les factures postérieures à la date de notification de la rupture du contrat.

La cour d’appel de Versailles rejette la demande de paiement des factures litigieuses formée par la société d'intérim. Elle estime que l’entreprise était fondée à notifier la résolution unilatérale du contrat aux torts de la société d'intérim et à effet à la date de réception de cette notification pour les raisons suivantes : la modification unilatérale des horaires du salarié, qui entendait travailler de 8 h 30 à 16 h 30, alors que la société d’intérim s’était engagée à mettre un salarié à la disposition de l’entreprise de 9 h 00 à 18 h 00 caractérisait un manquement de la société d’intérim à ses obligations. L’entreprise n’était pas tenue d'accepter la reprise du salarié, après un arrêt de travail, aux horaires unilatéralement décidés par celui-ci ; cette modification d’horaires, en ce qu'elle emportait une diminution d'une heure de travail par jour et impliquait aussi une prise de poste 30 minutes avant celle contractuellement fixée, était d'une importance telle que l’entreprise était fondée à prononcer la résiliation du contrat de mise à disposition, avec prise d’effet à la réception de la notification de cette résiliation.

La Cour de cassation censure cette décision : la cour d’appel aurait dû rechercher les moyens dont disposait la société d’intérim pour que le contrat de mise à disposition soit exécuté selon ses prévisions, alors qu'elle n'avait été informée de la modification par le salarié de ses horaires de travail que le jour même de la résolution unilatérale du contrat.

A noter :

Depuis le 1er octobre 2016, date d’entrée en vigueur de la réforme du droit des contrats (Ord. 2016-131 du 10-2-2016), la résolution unilatérale d’un contrat sur notification d’une partie est encadrée par le Code civil, alors que son régime était auparavant défini par la jurisprudence.

Comme auparavant (notamment, Cass. com. 20-10-2015 n° 14-20.416 F-D : RJDA 2/16 n° 86 ; Cass. 3civ. 8-2-2018 n° 16-24.641 FS-PB : RJDA 4/18 n° 296), cette résolution est ouverte à chacune des parties en cas d’inexécution suffisamment grave de ses obligations par l’autre partie (C. civ. art. 1224).

Mais l’article 1226 du Code civil fixe désormais la procédure à suivre : le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification. Sauf urgence, il doit préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable. La mise en demeure doit mentionner expressément qu'à défaut pour le débiteur de satisfaire à son obligation le créancier sera en droit de résoudre le contrat. Lorsque l'inexécution persiste, le créancier doit notifier au débiteur la résolution du contrat et les raisons qui la motivent. Le débiteur peut à tout moment saisir le juge pour contester la résolution. Le créancier doit alors prouver la gravité de l'inexécution.

La Cour de cassation fait ici application de ces dispositions dans le cadre particulier d'une relation tripartite entre entreprise de travail temporaire, salarié et entreprise utilisatrice. Cette dernière n'est pas liée par un contrat de travail avec le salarié, l'employeur étant l'entreprise de travail temporaire ; l'entreprise utilisatrice ne peut donc pas sanctionner le salarié mis à sa disposition qui ne respecte pas ses horaires de travail. L'entreprise de travail temporaire dispose du pouvoir disciplinaire et peut mettre fin au contrat de mission du salarié en cas de faute grave de celui-ci, sans avoir alors à lui proposer de nouveau contrat ni à devoir lui verser les rémunérations dues jusqu'au terme de la mission. Mais encore faut-il que l'entreprise de travail temporaire soit informée en temps utile par l'entreprise utilisatrice, afin qu'elle puisse éventuellement mettre en œuvre une procédure de sanction disciplinaire ou organiser un remplacement.

En l'espèce, la société d’intérim ne pouvait pas invoquer le fait qu’elle n’avait pas été mise en demeure de régler le problème avant la notification de la résolution, cet argument étant irrecevable car présenté pour la première fois devant la Cour de cassation. L’arrêt met néanmoins en évidence l’intérêt de cette mise en demeure qui donne au débiteur une dernière possibilité de s'exécuter, en l’absence d’urgence.  

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© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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