Le mur d’une propriété privée située en contrebas d’une voie publique et qui assurait le soutènement de la voie s’effondre, provoquant l’effondrement de la voie elle-même. Le maire prend un arrêté de péril enjoignant aux propriétaires de réaliser des travaux de réparation puis fait exécuter ces travaux d’office et émet des titres de recette afin de mettre les frais engagés à la charge des intéressés. Ceux-ci forment un recours contre une décision relative à l’exécution d’office et contre les titres de recette.
En première instance, le tribunal administratif constate que le mur litigieux entretient avec la voie communale un lien physique et fonctionnel tel qu’il doit être considéré comme un accessoire indispensable de celle-ci et présente ainsi le caractère d’un ouvrage public, alors même qu’il est implanté sur un terrain privé. Le tribunal annule les décisions attaquées car la commune devait effectuer elle-même les réparations au titre de son obligation d’entretien des voies communales, qui concerne également leurs accessoires indispensables (CGCT art. L 2321-2).
Mais la cour administrative d’appel annule le jugement et rejette le recours car elle estime que le fait que le mur est une propriété privée exclut la qualification d’ouvrage public et permet de mettre les réparations à la charge du propriétaire.
Saisi d’un pourvoi en cassation, le Conseil d’État censure une erreur de droit. En effet, la circonstance qu’un ouvrage n’appartienne pas à une personne publique ne fait pas obstacle à ce qu’il puisse être regardé comme un ouvrage public s’il présente, avec un ouvrage public, un lien physique ou fonctionnel tel qu’il doive être regardé comme un accessoire indispensable de celui-ci.
A noter :
Le litige concernait la police des immeubles menaçant ruine (sous l’empire des dispositions antérieures à l’ordonnance du 16 septembre 2020, mais la réforme n’a pas modifié les termes de la question posée). Dans le cadre de cette police, l’administration peut mettre des travaux à la charge du propriétaire d’un bien dont l’état menace la sécurité publique. Les mesures litigieuses concernaient un mur appartenant à des particuliers mais assurant le soutènement d’une voie communale. Selon les premiers juges, ce mur, accessoire indispensable de la voie, devait être regardé comme constituant lui-même un ouvrage public, dont l’entretien incombait à la commune qui ne pouvait s’en décharger sur les propriétaires. Aux yeux des juges d’appel, au contraire, la propriété privée du mur excluait la qualification d’ouvrage public et permettait de mettre la réparation à la charge des propriétaires par un arrêté de péril.
L’arrêt commenté censure une erreur de droit de la cour administrative d’appel en posant en principe que l’accessoire indispensable d’un ouvrage public peut être regardé comme un ouvrage public même s’il appartient à une personne privée. L’arrêt peut être rapproché de précédents concernant également des murs de soutènement de voies publiques (CE 26-2-2016 n° 389258 : BPIM 2/16 inf. 148 ; CE 17-3-2017 n° 397035).
La portée de ce rappel excède la police des immeubles menaçant ruine : il peut concerner, comme dans ces précédents, la responsabilité au titre des ouvrages publics, la collectivité propriétaire de l’ouvrage public principal devant assumer la réparation des préjudices causés par l’ouvrage accessoire alors même qu’elle n’en est pas propriétaire. On précisera que si la circonstance qu’un bien n’appartient pas à une personne publique n’exclut pas nécessairement la qualification d’ouvrage public, elle a en revanche pour conséquence que le bien ne peut pas être regardé comme une dépendance du domaine public.