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L'associé redevable de pénalités fiscales à cause d'une faute du gérant subit un préjudice personnel

Les conséquences d'un redressement fiscal sur le patrimoine d'un associé, imputable à la faute du gérant, constituent un préjudice personnel, distinct de celui de la société, dont il peut obtenir réparation du gérant.

Cass. 3e civ. 12-5-2021 no 19-13.942 FS-P


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©iStock

Une société civile de construction-vente fait l'objet d'un redressement fiscal qui donne lieu à une rectification des impôts payés par les associés et à des intérêts et pénalités. Estimant que le redressement fiscal qu'il a ainsi subi est la conséquence des manquements du gérant de la société dans sa gestion, un associé agit contre lui en réparation de son préjudice personnel sur le fondement de l'article 1843-5 du Code civil.

Il est fait droit à sa demande et le gérant est condamné à indemniser le préjudice financier et moral de l'associé. En effet, le redressement fiscal appliqué à la société résultait de l'incurie du gérant, qui n'avait pas exécuté les résolutions de l'assemblée générale prévoyant la dissolution amiable de la société et avait poursuivi l'activité de celle-ci tout en effectuant des déclarations fiscales non sincères et incomplètes. Par ailleurs, la vérification de la comptabilité de la société avait eu pour conséquence une rectification du bénéfice industriel et commercial imposable de l'associé à hauteur de sa participation dans la société et une majoration de 40 % avait été retenue par l'administration fiscale pour « manquement délibéré ».

L'associé avait donc subi un préjudice personnel, constitué par l'application des pénalités et intérêts de retard et la nécessité de trouver rapidement une solution de financement, et ce préjudice, sans se confondre avec celui de la société, était en lien direct avec les fautes du gérant.

A noter :

Tout associé d'une société peut engager contre le dirigeant de celle-ci une action en réparation du préjudice qu'il a subi personnellement du fait du dirigeant (C. civ. art. 1843-5, al. 1). Cette action (dite « action individuelle ») n'est recevable que si le préjudice subi par l'associé est distinct de celui éventuellement subi par la société.

Ne constitue pas un préjudice personnel la perte de valeur des parts, préjudice qui n'est que le corollaire du dommage causé à la société et n'a aucun caractère personnel (notamment, Cass. com. 21-10-2008 no 07-17.832 : RJDA 6/09 no 543).

Le préjudice personnel est en revanche admis lorsque l'associé a personnellement engagé des frais pour faire nommer un expert judiciaire afin d'établir les fautes de gestion du gérant (CA Paris 10-7-1991 : RJDA 12/91 no 1035) ou lorsque le dirigeant a usé de manœuvres ou présenté des informations mensongères afin d'empêcher la distribution de dividendes (Cass. req. 29-10-1934 : DH 1934 p. 538), de conduire les associés à souscrire ou à conserver des titres (Cass. com. 9-3-2010 no 08-21.547 : RJDA 6/10 no 637 ; CA Limoges 17-1-2013 no 11/01356 : RJDA 8-9/13 no 727) ou de les induire en erreur sur les causes et les conditions de rachat de leurs titres dans le but de les évincer de la société (Cass. com. 8-11-2005 no 1380 : RJDA 3/06 no 271).

En l'espèce, la particularité du régime fiscal des sociétés civiles de construction-vente explique la solution retenue. Ces dernières sont exclues du champ de l'impôt sur les sociétés à certaines conditions (notamment, les statuts doivent prévoir la responsabilité indéfinie des associés en ce qui concerne le passif social : CGI art. 239 ter). Si le résultat fiscal est déterminé au niveau de la société, l'imposition du résultat a lieu directement au niveau des associés en proportion de leurs droits dans la société. Il en résulte qu'un redressement fiscal a une incidence directe sur l'imposition des associés, lesquels seront, le cas échéant, redevables personnellement des intérêts de retard et des pénalités fiscales. On comprend dès lors que les majorations fiscales occasionnées par la faute du gérant constituent un préjudice propre de l'associé.

La solution est à notre avis transposable aux sociétés civiles de droit commun, soumises au régime fiscal des sociétés de personnes (c'est-à-dire dont les bénéfices réalisés, déterminés et déclarés au niveau de la société, sont imposés au nom personnel des associés).

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne