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Calcul de l’indemnité de réduction en l’absence de partage

En l’absence de partage, le montant de l’indemnité de réduction se calcule d’après la valeur des biens donnés ou légués à l’époque de sa liquidation ou de leur aliénation par le gratifié.

Cass. 1e civ. 1-12-2021 n° 20-12.923 FS-B


Par Nicole PÉTRONI-MAUDIÈRE
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©iStock

Un homme est décédé le 19 septembre 2008, en laissant pour lui succéder son fils, héritier réservataire, en l’état de deux testaments olographes datés des 30 octobre 2007 et 23 janvier 2008 instituant un légataire universel et un légataire à titre universel. Le légataire universel a mis en vente le bien immobilier constituant son legs. L’héritier réservataire l’assigne en paiement d’une indemnité de réduction.

L’héritier réservataire reproche à l’arrêt d’appel d’avoir retenu pour le chiffrage de l’indemnité de réduction la valeur de cession du bien. Il fait valoir à l’appui de son pourvoi devant la Cour de cassation qu’en l’absence d’indivision entre le légataire universel et les héritiers réservataires, le calcul de l’indemnité de réduction due par le légataire universel ne saurait être affecté ni par la date à laquelle ce dernier, postérieurement au décès, a aliéné le bien légué ni par le montant auquel il l’a aliéné. En prenant en considération, pour fixer le montant de l’indemnité de réduction due par le légataire universel, propriétaire de l’immeuble depuis le décès du testateur le 19 septembre 2008, le prix fixé par le juge de l’expropriation le 23 septembre 2016 pour la cession de ce bien, la cour d’appel aurait violé les textes fixant le principe (C. civ. art. 924) et les modalités de calcul (C. civ. art. 924-2) de l’indemnité de réduction.

La Cour de cassation rejette le pourvoi. Sur le visa de l’article 924-2 du Code civil, elle affirme qu’« en l’absence d’indivision entre le bénéficiaire de la libéralité et l’héritier réservataire et, par conséquent, en l’absence de partage, le montant de l’indemnité de réduction se calcule d’après la valeur des biens donnés ou légués à l’époque de sa liquidation ou de leur aliénation par le gratifié ». C’est donc « à bon droit » que la cour d’appel a retenu pour ce calcul le montant de l’indemnité fixée par le juge de l’expropriation à la suite de la préemption de l’immeuble légué, soit la valeur du bien légué à l’époque de son aliénation.

A noter :

Pour Nicole Pétroni-Maudière, maître de conférences à la faculté de droit de Limoges, la Cour de cassation apporte ici une précision importante sur l’évaluation de l’indemnité de réduction due par le légataire en l’absence de partage successoral.

Lorsque le défunt a consenti une libéralité excédant la quotité disponible et venant empiéter sur la réserve héréditaire, l’héritier réservataire peut demander la réduction de celle-ci. Depuis la loi 2006-728 du 23 juin 2006, le principe est la réduction en valeur. Dans ce cadre, il convient de procéder à deux opérations distinctes pour lesquelles les valeurs à retenir diffèrent. La première opération consiste à déterminer la fraction réductible de la libéralité – lorsqu’elle est partiellement réductible – en prenant en compte la valeur des biens au jour du décès dans leur état à l’époque de la donation (C. civ. art. 922). La seconde opération porte sur le calcul du montant de l’indemnité de réduction, pour lequel il convient de retenir la valeur desdits biens à l’époque du partage (C. civ. art. 924-2) ou tout au moins à la date la plus proche possible de celui-ci (Cass. 1e civ. 11-1-1989 n° 87-13.436 : Bull. civ. I n° 11), dans leur état à l’époque où la libéralité a pris effet. Dans le cas où les biens donnés ou légués ont été aliénés, l’article 924-2 prescrit de prendre en compte leur valeur au jour de l’aliénation et, en cas de subrogation, la valeur des nouveaux biens, à l’époque du partage, d’après leur état à l’époque de l’acquisition. En effet, l’indemnité de réduction vient remplacer les biens dans la masse à partager entre les héritiers réservataires.

Lorsque la libéralité consentie est un legs, le principe de la réduction en valeur excluant tout droit réel de l’héritier réservataire sur les biens qui en sont l’objet, il n’existe entre lui et le gratifié aucune indivision pouvant donner lieu à un partage. Et en présence d’un seul héritier réservataire, le règlement de la succession ne donne lieu à aucun partage du tout. Quelle valeur doit-on alors retenir pour le calcul de l’indemnité de réduction du legs ?

En se prévalant de l’absence d’indivision entre lui et le légataire universel, l’héritier réservataire, dans notre affaire, escomptait sans doute que soit écartée l’application de l’article 924-2 et que soit retenue la valeur du bien légué au jour du décès du de cujus. C’était voué à l’échec ici car l’immeuble légué avait été vendu, hypothèse prévue par le texte. En application de l’article 924-2 du Code civil, il convenait de retenir sa valeur au jour de l’aliénation, sans que la date de celle-ci – huit ans après le décès – ni la modalité de détermination de la valeur du bien – indemnité fixée par le juge de l’expropriation saisi par l’organisme préempteur du bien – n'entrent en ligne de compte.

La précision importante qu’apporte la Cour de cassation dans cet arrêt est qu’en l’absence de partage – et hormis le cas de l’aliénation des biens légués énoncé par l’article 924-2, qui était celui de la présente affaire –, la valeur des biens à retenir pour le calcul de l’indemnité de réduction est celle au jour de la liquidation de l’indemnité. L’indemnité de réduction pour atteinte à la réserve héréditaire est avant tout une dette de valeur. L’absence de partage ne saurait permettre la remise en cause de ce principe essentiel qui vise à maintenir l’équivalence économique entre la réduction en valeur et la réduction en nature (sur la nécessaire égalité des deux modes de réduction, P. Catala : La réforme des liquidations successorales : Defrénois 3e éd. 1982 n° 90).

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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