Faits de l’espèce
À la suite du décès de son époux, un conjoint survivant prélève sur la communauté deux biens immobiliers et les meubles les garnissant, en exécution de la clause de préciput prévue au contrat de mariage des époux. Par une proposition de rectification notifiée au conjoint survivant, l'administration fiscale soumet ces prélèvements au droit de partage de 2,5 % prévu à l'article 746 du CGI. Après rejet de sa réclamation contentieuse, le conjoint survivant saisit un tribunal judiciaire d'une demande de décharge des impositions réclamées ainsi que des intérêts de retard. La cour d’appel exclut l’application du droit de partage (CA Poitiers 4-7-2023 n° 22/01034 : RJF 11/23 n° 861). La chambre commerciale de la Cour de cassation transmet pour avis à la première chambre civile la question suivante : « Le prélèvement préciputaire effectué par le conjoint survivant en application de l'article 1515 du Code civil constitue-t-il une opération de partage ? » (Cass. com. 16-10-2024 n° 23-19.780 F-D : BPAT 6/24 inf. 237).
Avis de la première chambre civile
La première chambre civile propose tout d’abord une définition de « l’opération de partage proprement dite » comme étant « celle qui, à l'issue du processus permettant de mettre fin à une indivision, contribue directement à la division de la masse indivise, préalablement liquidée, et à sa répartition entre les indivisaires à proportion de leurs droits respectifs ». Elle indique ensuite que l’exercice de la clause de prélèvement a, comme le partage, un effet rétroactif, mais qu’il se distingue de l’opération de partage sur trois points : il intervient avant tout partage ; les biens prélevés ne s’imputent pas sur la part de l’époux bénéficiaire ; son exercice relève d'une faculté unilatérale et discrétionnaire de celui-ci.
La première chambre civile en conclut que « le prélèvement préciputaire ne constitue pas une opération de partage » (Cass. 1e civ. avis 21-5-2025 n° 23-19.780 FS-D).
L’exclusion de la qualification d’opération de partage n’allait pourtant pas de soi.
Un avantage économique au profit du survivant excluant toute donation
Un avantage matrimonial produisant ses effets à la dissolution
La clause de préciput est bien connue des praticiens. Elle permet à l’époux survivant de prélever sur la communauté, « avant tout partage » (C. civ. art. 1515), et sans aucune contrepartie, « soit une certaine somme, soit certains biens en nature, soit une certaine quantité d’une espèce déterminée de biens ». L’objet du préciput est donc très large, bien immobilier, bien meuble, y compris la valeur de rachat d’un contrat d’assurance-vie. Il peut porter tant sur la pleine propriété que sur le seul usufruit du bien considéré.
Le préciput est un gain de survie puisqu’il ne peut bénéficier qu’au conjoint survivant. Il ne produira donc ses effets en principe que dans l’hypothèse de dissolution du mariage par le décès de l’un des époux. En cas de dissolution par divorce, cet avantage matrimonial est en principe automatiquement révoqué, sauf si le contrat de mariage prévoit explicitement son maintien en cas de divorce (C. civ. art. 265, dans sa rédaction issue de la loi 2024-494 du 24-5-2024). En l’absence d’une telle clause dans le contrat de mariage, l’époux qui a concédé cet avantage à son conjoint peut aussi confirmer, au moment du divorce, sa volonté de le maintenir en dépit du divorce. L’avantage maintenu est alors irrévocable. Le conjoint bénéficiaire de l’avantage maintenu en cas de divorce ne pourra toutefois exercer le préciput qu’au décès de son ex-époux.
Exclusion certaine de la qualification de donation
Comme tous les avantages matrimoniaux opérant transfert de droit au profit de l’un des époux, l’exercice du prélèvement préciputaire ne constitue pas une donation, même s’il emporte un avantage économique certain au profit de l’époux bénéficiaire. La qualification de donation est expressément écartée pour le préciput (C. civ. art. 1516). Plus généralement, la qualification de donation est explicitement écartée pour tous les avantages que l’un ou l’autre des époux peut retirer d’une communauté conventionnelle (C. civ. art. 1527).
Ainsi, lorsque le préciput porte sur la pleine propriété d’un bien immobilier, il est acquis, dès l’adoption de ...
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