Un locataire agit contre le propriétaire de locaux qu'il loue à usage de bureau en vue d'obtenir le remboursement d'une partie des loyers et l'indemnisation de ses préjudices nés d'un manquement du bailleur à son obligation de délivrance, notamment en raison de nombreuses infiltrations d'eau.
Pour écarter cette demande, une cour d'appel se fonde sur une clause du bail par laquelle le locataire a renoncé à tout recours pour les dégâts causés dans les locaux loués aux objets mobiliers, marchandises ou matériels quelle qu'en soit l'origine, du fait de la privation de jouissance ou de troubles de jouissance des lieux loué. Pour les juges du fond, cette clause prive le locataire de toute demande d'indemnisation sur le fondement d'un manquement du bailleur à son obligation de délivrance.
La Cour de cassation censure la décision : une clause de non-recours, qui n'a pas pour objet de mettre à la charge du locataire certains travaux d'entretien ou de réparation, n'a pas pour effet d'exonérer le bailleur de son obligation de délivrance.
A noter :
Le bailleur est obligé par la nature du contrat de délivrer au locataire le bien loué (C. civ. art. 1719). Cette obligation étant inhérente au bail, aucune disposition contractuelle ne peut exonérer totalement le bailleur (par exemple, Cass. 1e civ. 11-10-1989 n° 88-14.439 : Bull. civ. I n° 317). Le bailleur ne peut donc pas s'affranchir de son obligation de délivrer les lieux loués par le biais d'une clause générale prévoyant que le locataire prend les lieux en l'état (Cass. 3e civ. 5-6-2022 n° 00-19.037 FS-PB : RJDA 8-9/02 n° 856) ou s'interdit d'exercer tout recours contre le bailleur (Cass. 3e civ. 2-7-2013 n° 12-21.353 F-D). De telles clauses sont privées d'efficacité.
Les parties peuvent certes aménager l'obligation de délivrance, notamment en transférant au locataire la charge de certains travaux ou de réparations nécessités par l'état de l'immeuble ou en privant le locataire de tout recours en ce qui concerne les réparations ou travaux visés. Encore faut-il cependant qu'une telle clause soit suffisamment précise (Cass. 3e civ. 11-10-2018 n° 17-18.553 D : RJDA 3/19 n° 167) et n'aboutisse pas à vider de sa substance l'obligation de délivrance à laquelle le bailleur est tenu pendant toute la durée du bail, par exemple en mettant à sa charge des travaux rendus nécessaires par les vices affectant la structure de l'immeuble (Cass. 3e civ. 9-7-2008 n° 07-14.631 FS-PBRI : RJDA 11/08 n° 1092).
En l'espèce, les désordres dont le locataire se plaignait (des infiltrations d'eau) n’avaient pas nécessairement pour origine des vices structurels des locaux, de sorte qu’une clause distincte consacrée aux travaux aurait peut-être pu mettre à sa charge les réparations en question, sans entrer en conflit avec l’obligation de délivrance.
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