Une enfant mineure résidant en Pologne est l’héritière d’un homme décédé en Allemagne où il avait sa résidence habituelle. Elle n’a pas fait dans le délai requis une déclaration de renonciation à succession, en raison d’une erreur dans la computation du délai commise par son représentant légal. Elle saisit donc en vertu du droit polonais un tribunal pour lui demander d’approuver son refus de se voir appliquer les effets juridiques d’une telle omission. La juridiction saisie refuse. En appel, la juridiction polonaise interroge la Cour de justice. Le règlement 650/2012 du 4 juillet 2012 relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions, et l’acceptation et l’exécution des actes authentiques en matière de successions et à la création d’un certificat successoral européen, dit « règlement Successions », prévoit une règle spécifique de compétence pour l’option successorale (art. 13). Outre la juridiction compétente pour statuer sur la succession au titre du règlement, les juridictions de l’État membre de la résidence habituelle de toute personne qui, en vertu de la loi applicable à la succession, peut faire une déclaration d’option devant une juridiction sont compétentes pour recevoir ce type de déclarations lorsque, en vertu de la loi de cet État membre, ces déclarations peuvent être faites devant une juridiction. La juridiction saisie demande à la Cour de justice si cet article doit être interprété en ce sens que les juridictions de l’État membre dans lequel réside habituellement une personne qui refuse de se voir appliquer les conséquences juridiques de l’omission de déclarer, dans le délai requis, la renonciation à une succession sont compétentes pour approuver un tel refus.
Dans sa réponse, la Cour de justice rappelle classiquement la nécessité de rechercher une interprétation autonome et uniforme. Elle souligne que la lettre de l’article 13 ne vise que la compétence « pour recevoir » une telle déclaration et non pour approuver un refus de l’héritier de se voir appliquer les conséquences juridiques de l’omission d’avoir déclaré, dans le délai requis, la renonciation à la succession.
La Cour rappelle ensuite que cette règle de compétence juridictionnelle est complétée par une règle de conflit de lois spécifique relative à la validité quant à la forme des déclarations d’option selon laquelle ces déclarations sont valables quant à la forme lorsqu’elles respectent soit les exigences de la loi applicable à la succession, soit celles de la loi de l’État dans lequel la personne qui fait cette déclaration a sa résidence habituelle. Les deux dispositions sont étroitement liées, de sorte que la compétence des juridictions de l’État membre de la résidence habituelle de l’héritier pour recevoir les déclarations concernant la renonciation à la succession est subordonnée à la condition que la loi successorale en vigueur dans cet État prévoie la possibilité de faire une telle déclaration devant une juridiction. Cette disposition est conçue de manière à reconnaître la validité des déclarations d’option visées à cet article, notamment lorsque les conditions prévues par la loi de l’État de la résidence habituelle de la personne qui fait la déclaration, quand celle-ci est applicable, sont remplies.
À l’inverse, s’agissant d’une décision juridictionnelle approuvant le refus, par l’héritier, de se voir appliquer les conséquences juridiques de son omission de déclarer sa renonciation à la succession, elle ne constitue manifestement pas un acte de réception d’une déclaration visé à l’article 13 du règlement et, partant, ne relève pas du champ d’application de cet article.
Enfin, la Cour indique que cette interprétation est corroborée par les objectifs poursuivis par le règlement. L’article 13 a certes pour objectif de simplifier les démarches des héritiers et des légataires en dérogeant aux règles de compétence établies par le règlement. Mais la compétence prévue par cet article a une portée limitée, qui ne saurait par conséquent couvrir la situation dans laquelle, afin que les déclarations visées à cet article produisent certains effets juridiques prévus par la loi applicable à la succession, il est nécessaire que la juridiction prenne des mesures allant au-delà de la simple réception d’une déclaration, telle que l’adoption d’une décision ou l’ouverture d’une autre procédure que la procédure de succession. La Cour en conclut que les juridictions de l’État membre dans lequel réside habituellement une personne qui refuse de se voir appliquer les conséquences juridiques de l’omission de déclarer, dans le délai requis, la renonciation à une succession ne sont pas compétentes pour approuver un tel refus.
A noter :
Selon David Lambert, avocat à Paris, la solution donnée doit être approuvée même si le raisonnement développé par la Cour est parfois difficile à suivre. La Cour n’explique pas pourquoi la loi polonaise serait applicable à la succession alors que le défunt avait sa résidence habituelle en Allemagne. Certes, comme la Cour le relève dans son raisonnement, il existe, outre la compétence additionnelle prévue pour l’option successorale, une disposition spécifique liée à la loi applicable à la forme de l’option, qui rend applicable soit la loi successorale, soit la loi de la résidence habituelle de l’optant. Mais le délai pour opter n’est pas une question de forme mais de fond et ne relève clairement pas de ce texte mais de la règle de conflit de lois générale déterminant la loi applicable à la succession dans son ensemble (Mémento Successions Libéralités 2025 n° 71590).