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Contribution des notaires du Grand Paris sur l’habitat accessible

Le 12 octobre dernier, les notaires du Grand Paris ont dévoilé leurs 30 propositions « pour un habitat accessible et de qualité ». Une contribution globale et poussée, allant des nouvelles formes de la propriété à la digitalisation des processus immobiliers.


Par Laure TOURY
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©iStock

Issues d’un groupe de travail constitué de représentants des 5 chambres du Grand Paris sous l’égide de Philippe Pelletier, président du Plan Bâtiment Durable, les propositions s’adressent à tous les acteurs de la ville et du logement. « Notre méthodologie a été d’envisager l’habitat sous tous ses aspects : patrimonial, sociétal et environnemental », a précisé le premier vice-président de la Chambre des notaires de Paris, Marc Cagniart. « Nous nous sommes appuyés sur les remontées des 3 000 notaires du Grand Paris et sur de précédentes études, et avons auditionné des experts du secteur immobilier ».

Promouvoir une propriété partielle ou progressive

Étendre le BRS et l’ULS. Concernant l’accès au logement, les pistes d’innovation sont imprégnées de l’idée de promouvoir une propriété partielle ou progressive, privilégiant une vision utilitaire du logement plutôt qu’une conception patrimoniale. Ainsi pour le bail réel solidaire (BRS), qui selon Michèle Raunet, notaire membre du groupe de travail, « mérite d’être développé », constatant que « de plus en plus d’opérateurs s’y intéressent » (voir aussi SNH 16/21 inf. 11). Les notaires franciliens proposent donc d’en étendre le bénéfice en prévoyant la création d’« Offices fonciers libres » ouverts aux financements tant publics que privés. De même pour l’usufruit locatif social (ULS), dont le champ d’application serait élargi au parc privé ou intermédiaire, sous condition d’un engagement de location pour une durée minimale de 15 ans, de respect des plafonds de loyers intermédiaires et de relogement à la charge de l’usufruitier.

Communiquer sur des modes alternatifs d’acquisition. Les notaires du Grand Paris préconisent aussi une meilleure communication sur les modes alternatifs d’accès au logement, comme la co-acquisition d’un logement par un particulier et un investisseur institutionnel, la flexi-propriété et l’habitat participatif.

Encourager la rénovation

Servitude d’utilité publique. Côté rénovation, les propositions visent d’abord à assouplir les règles, notamment le droit de surplomb récemment créé par la loi Climat (Loi 2021‑1104 du 22‑8-2021 art. 172 : JO 24 texte n° 1 ; voir SNH 27/21 inf. 1) : le groupe de travail recommande de lui substituer une servitude d’utilité publique d’isolation thermique par l’extérieur dans le prolongement des travaux du 114e Congrès des notaires sur le territoire. Plus souple, ce régime permettrait d’imposer les travaux d’isolation sur toute la surface du bâtiment à isoler, sans nécessité de justifier de l’absence de solution alternative ni offrir au propriétaire du fonds surplombé un droit d’opposition, sous condition d’attestation de qualité et de conformité par un bureau d’études.

Permis déclaratif. S’agissant des travaux de rénovation eux-mêmes, les notaires franciliens formulent deux préconisations : remplacer le permis de construire par une simple déclaration préalable ; considérer ceux exigeant la libération des lieux comme un « motif légitime et sérieux » justifiant le congé donné au locataire (disposition de la loi Climat censurée par le Conseil constitutionnel comme « cavalier législatif ») sous condition notamment d’un droit à réintégration du locataire après les travaux.

Changer d’échelle. Par ailleurs, le groupe de travail veut encourager l’effort de rénovation à l’échelle de la copropriété, notamment en cristallisant l’éligibilité des aides à la rénovation à la date de la décision d’assemblée générale de la copropriété pour une durée de 3 ans. Pour mutualiser plus facilement le coût des travaux au sein de plusieurs copropriétés, il recommande de relancer un outil peu usité, l’union de syndicats, en élargissant son objet à la maîtrise d’ouvrage des travaux de rénovation, dès lors que cette union comprend la majorité des copropriétés d’un même îlot. En vue d’encourager les copropriétaires à utiliser le fonds de travaux mis en place par la loi Alur, il préconise de le rattacher au copropriétaire plutôt qu’au lot, et d’octroyer au copropriétaire un bonus d’aide conditionné par l’utilisation des fonds pour la rénovation énergétique et la constitution d’un fonds dépassant le minimum légal.

DRJS. Autre changement d’échelle proposé, recourir à des acteurs susceptibles de financer et réaliser des opérations de rénovation globale. Le propriétaire rémunèrerait l’opérateur via un pourcentage sur les économies d'énergie réalisées et ce dernier bénéficierait d'un droit réel de jouissance spéciale (DRJS) sur l'équipement installé, son inscription dans le titre de propriété permettant d'informer les acquéreurs successifs de cette obligation.

Prêts hypothécaires. Pour soutenir l’effort de rénovation des personnes physiques, les notaires franciliens recommandent d’autoriser le prêt viager hypothécaire entre particuliers et de relancer le prêt hypothécaire rechargeable pour leur permettre d’étendre leur prêt immobilier à des travaux de rénovation.

« Dutreil du logement ». Côté fiscalité, les notaires du Grand Paris proposent notamment de restituer à l’acquéreur d’un logement tout ou partie des droits de mutation sous condition de la réalisation des travaux de rénovation dans les 18 mois de son acquisition, engagement formalisé dans l’acte d’achat. Également, ils reprennent une proposition du 116e Congrès des notaires dédié à la protection, visant à créer un « Dutreil du logement » pour aider les bailleurs privés à mettre les logements loués aux normes de décence.

S’adapter aux nouveaux usages

Régime unique des destinations. S’interrogeant sur l’adéquation du parc existant et de la réglementation aux besoins des habitants et des entreprises, les notaires franciliens ont conclu à la nécessité de faciliter la réversibilité du tissu urbain. Ils recommandent ainsi d’unifier les polices des changements d’usage et de destination, en créant un régime juridique unique au sein du Code de l’urbanisme (voir encadré). « Une proposition extrêmement ambitieuse », a commenté Michèle Raunet. Ils préconisent aussi de généraliser le « permis à double détente » créé par la loi du 26 mars 2018 sur les Jeux olympiques de Paris de 2024 (Loi 2018-202 du 26-3-2018 : JO 27 texte n° 1). Également, ils proposent de favoriser temporairement la transformation de bureaux en logements par simple déclaration préalable accélérée et de simplifier le changement d’usage pour les immeubles de bureaux se trouvant en copropriété.

Proposition n° 12

Refondre le régime des destinations au sein du Code de l’urbanisme en fusionnant les règles relatives à la destination et celles relatives à l’usage :

- Suppression pure et simple des dispositions de l’article L. 631-7 du Code de la construction et de l’habitation relative à l’usage ;

- Réécriture des destinations et sous-destinations introduites par la réforme de 2015 en conséquence, notamment en faisant de la sous-destination actuelle « hôtels et hébergements touristiques » rattachée à la destination « commerces et activités de service » une destination à part entière afin de réguler l’installation des meublés de tourisme ;

- Élargissement à l’ensemble du territoire, sous réserve d’en prévoir la justification motivée au sein du document d’urbanisme et une application mesurée, de la procédure de compensation. Pourraient prioritairement bénéficier de ce dispositif de protection le logement, et accessoirement, les commerces et activités artisanales ainsi que les équipements d’intérêt collectif et services publics ;

- Création en conséquence d’un régime d’autorisation d’urbanisme unique de changement de destination assorti, s’il est requis, d’un mécanisme de compensation intégré et souple dans sa mise en œuvre par les porteurs de projet (qu’ils soient à l’origine de la compensation ou tributaires de celle-ci) ainsi que dans le contrôle opéré par les autorités administratives.

Solidarité foncière. Pour lutter contre l’étalement urbain, une autre série de propositions vise à encourager la solidarité foncière dans les zones pavillonnaires : affirmer, au sein du Code de l’urbanisme, un nouvel objectif d’aménagement favorisant « l’utilisation solidaire de l’espace » en créant des espaces de densification « douce », c’est-à-dire l’insertion de nouveaux logements (division parcellaire, appartements accessoires, division interne, surélévation, extension, restructuration, etc.) sans modification significative des formes urbaines du quartier en mutation, ni destruction du parc existant ; adapter les règles des PLU pour concrétiser cette solidarité foncière ; créer un statut du micro-constructeur pour encourager les initiatives individuelles au travers d’incitations fiscales et financières, sous condition notamment d’être accompagnées par des professionnels (dont un notaire) afin d’assurer la conformité du projet aux différentes normes applicables.

Accroître l’offre résidentielle

Assouplir les règles du bail d’habitation. Face à la crise du logement, en particulier en Île-de-France, les notaires du Grand Paris veulent assouplir les règles du bail d’habitation, en limitant le droit au maintien dans les lieux du locataire relevant de la loi du 1er septembre 1948, et en supprimant le droit à la prorogation du bail en cas de mise en copropriété du logement.

Rationaliser l’exercice du DPU. Ils souhaitent aussi inciter les acteurs institutionnels à offrir des logements accessibles, notamment en écartant le droit de préemption urbain lorsque le nouveau propriétaire du logement s’engage à transformer des bâtiments à usage autre que d’habitation en des logements répondant à certains critères, et en supprimant l’obligation de 25 % de logements sociaux applicable aux réalisations de logements locatifs intermédiaires dans les communes satisfaisant aux obligations imposées par la loi SRU en la matière.

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Digitaliser les processus immobiliers

Dématérialisation de l’instruction. Enfin, constatant, dans leur rapport, que « de nombreux maillons de la chaîne immobilière résistent encore à une pleine et entière numérisation, que ce soit en amont, dans l’instruction et la construction / réhabilitation de logement ou, plus en aval, dans la vente et la gestion des biens immobiliers », les notaires franciliens appellent à créer une plateforme commune aux fins d’instruction des déclarations d’intention d’aliéner (DIA), à intégrer les DIA dans les logiciels de rédaction d’acte de vente immobilière, et à rendre prioritaire la dématérialisation de l’instruction des demandes de permis de construire.

La copro en open data. Par ailleurs, afin de libérer le notaire de la recherche chronophage des documents liés à une copropriété, ils préconisent de rendre obligatoire à compter du 1er janvier 2023 le dépôt des actes relatifs à une copropriété francilienne ou à l’un des lots qu’elle comporte, sur un portail dédié, et de mettre en open data les données contenues sur ce portail.

À quelques mois de l’élection présidentielle, Marc Cagniart a confirmé avoir remis les propositions à la ministre déléguée au Logement, Emmanuelle Wargon, et aux élus d’Île-de-France, dont la présidente de région, Valérie Pécresse, par ailleurs candidate à l'élection présidentielle. « Nous les avons aussi transmises à la Présidence de la République. Ces propositions sont le fruit d’un travail collectif, collaboratif et d’intérêt général ». Une semaine après leur présentation, elles ont été débattues lors d’un colloque co-organisé avec le Gridauh (qui fera l’objet d’un prochain article).

Membres du groupe de travail

Marc Cagniart, vice-président de la Chambre interdépartementale des notaires de Paris

Guy Durand, notaire à Courbevoie, représentant de la Chambre des notaires des Hauts-de-Seine

Jean-Michel Hautebas, notaire à Avon, représentant de la Chambre des notaires de Seine-et-Marne

Frédéric Level, notaire à Évry, représentant de la Chambre des Notaires d’Essonne

Anne Muzard, notaire à Paris, rapporteur au Congrès des notaires du CSN

Michèle Raunet, notaire à Paris

Benoît Riquier, notaire à La Celle-Saint Cloud, représentant de la Chambre des notaires des Yvelines

Olivier Valard, notaire à Paris

Damien Robert, secrétaire général de la Chambre interdépartementale des notaires de Paris

Marie Blanchard, chargée de mission à la Chambre interdépartementale des notaires de Paris

Sous l’égide de Philippe Pelletier, président du Plan Bâtiment Durable

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