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Pas de créance d’assistance pour le fils aidant si son aide est compensée par des avantages

Le fils aidant qui allègue avoir cessé toute activité professionnelle pour s’occuper à temps plein de sa mère ne bénéficie pas pour autant d’une créance d’assistance qui suppose que l’enfant apporte aide et assistance à son parent au-delà des exigences de la piété filiale.

CA Orléans 1-4-2025 n° 23/00906


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@Getty images

Des parents décèdent, laissant à leur survivance sept enfants. De leur vivant, ils avaient vendu à l’un d’eux une maison d’habitation avec réserve d’usufruit à leur profit. À l’occasion du règlement des successions confondues des époux, ce dernier invoque une créance d’assistance à l’encontre de l’indivision, fondée sur l’enrichissement sans cause (C. civ. art. 1303 s.). Il la justifie par un soutien sans faille à sa mère, devenue veuve, durant 13 ans, une trentaine d’attestations de proches et des personnels médicaux à l’appui : courses, entretien de la maison, soins. Plus encore, pendant un temps plus limité, de cinq ans, il s’en est occupé presque à plein temps, même en présence des aides-soignants, et s’est trouvé de ce fait dans l’impossibilité de travailler. Il demande une indemnité égale au coût moyen d’hébergement dans un Ehpad, qu’il chiffre à 130 050 € (enrichissement), privé de rémunération qu’il estime à 65 025 € (appauvrissement).

La cour d’appel le déboute non sans rappeler qu’il est de jurisprudence constante que le devoir moral envers ses parents n’exclut pas que l’enfant puisse obtenir une indemnité pour l’aide et l’assistance apportées, dans la mesure où, ayant excédé les exigences de la piété filiale, les prestations librement fournies ont réalisé à la fois un appauvrissement pour l’enfant et un enrichissement corrélatif des parents. Le juge doit rechercher si, et dans quelle mesure, l’assistance apportée par un enfant à ses parents n’était pas compensée par des avantages dont il aurait corrélativement bénéficié de la part de ceux-ci. Or, en l’espèce, les juges du fond retiennent les arguments de ses cohéritiers, à défaut de contestation de sa part, à savoir :

  • il n’a pas eu de charges de logement durant les années où il s’est occupé de sa mère grâce à la donation immobilière dont il a été gratifié ;

  • il n’a pas eu la charge exclusive de sa mère, aidé par des prestataires extérieurs et la présence régulière de ses sœurs.

En outre, il ne justifie pas de son activité professionnelle passée ni de la date à laquelle il y aurait mis fin, pas plus que de sa renonciation à une opération du genou pour s’occuper de sa mère ni de sa réalisation depuis le décès de celle-ci.

De ces constatations, la cour d’appel conclut que les avantages dont il a bénéficié durant plusieurs années compensent l’aide apportée à sa mère.

A noter :

Illustration de cette création jurisprudentielle qu’est la créance d’assistance qui profite à l’enfant qui a apporté aide et assistance à ses parents au-delà des exigences de la pitié filiale (Cass. 1e civ. 12-7-1994 n° 92-18.639 : Bull. civ. I n° 250, RTD civ. 1995 p. 407 obs. J. Patarin). 

Elle est fondée sur le mécanisme légal de l’enrichissement sans cause (ou enrichissement injustifié depuis la réforme du droit des contrats ; C. civ. art. 1303 s. modifié par ord. 2016-131 du 10-2-2016). Pour fixer son montant, elle suppose donc de chiffrer l’enrichissement et l’appauvrissement, l’indemnité étant égale à la moindre des deux valeurs, sauf mauvaise foi de l’enrichi (C. civ. art. 1303 et 1303-4). En l’espèce, si le fils aidant avait avancé des estimations, il demandait une créance égale à la plus forte des deux sommes, par erreur, nous semble-t-il. Mais là n’était pas la principale limite à sa demande puisque la cour d’appel a pris le soin de rappeler qu’une telle créance s’apprécie balance faite de l’assistance apportée par l’enfant au parent des avantages dont il aura corrélativement bénéficié de sa part, et c’est par une appréciation souveraine des faits qu’elle l’a, en l’espèce, écartée. 

Une telle solution se recommande des plus sages prescriptions (J. Patarin, précité) : « il conviendra toutefois que le principe nouvellement affirmé soit invoqué et appliqué avec beaucoup de tact, de modération et de discernement afin de ne pas altérer la pureté des sentiments de piété filiale, d'éviter de déjouer les prévisions successorales du de cujus et afin de ne pas transformer le règlement de la succession en un champ de bataille. »

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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