icone de recherche
logo
Accueil/ Actualités - La Quotidienne/ Affaires/ Ouverture d’une procédure collective

Demande de mise en liquidation judiciaire d’une société dissoute : attention à la forclusion

Un salarié ne peut pas se prévaloir de la survivance de la personnalité morale de la société, en raison de droits et obligations à caractère sociaux non encore liquidés, pour demander la mise en liquidation judiciaire d'une société radiée du RCS depuis plus d'un an.

Cass. com. 26-3-2025 n° 24-12.020 F-D, X c/ Sté Christ service


quoti-20250616-affaires.jpg

@Getty images

Après dissolution et clôture des opérations de liquidation amiable d’une société, la radiation de celle-ci du registre du commerce et des sociétés (RCS) est publiée le 31 juillet 2019. Deux ans plus tard, un salarié demande la mise en liquidation judiciaire de la société. Son action est déclarée irrecevable car tardive : elle aurait dû être engagée dans un délai d’un an à compter de la radiation de la société du RCS (C. com. art. L 640-5). Le salarié oppose le raisonnement suivant : la personnalité morale d'une société dissoute subsiste pour les besoins de la liquidation jusqu’à ce que les droits et obligations de la société débitrice soient entièrement liquidés ; or, ce n’est qu’en juin 2021 que le conseil des prud’hommes avait fixé au 29 juin 2019 la date de la rupture de son contrat de travail et condamné la société à lui payer des indemnités ; en outre, la société avait frauduleusement procédé à sa dissolution et à sa liquidation amiable alors qu’elle continuait à l’employer, de sorte que la demande de liquidation judiciaire était recevable en application du principe selon lequel la fraude corrompt tout.

Jugé au contraire que la demande était irrecevable : la société avait publié le 5 juin 2019 ses opérations de liquidation, information ainsi devenue opposable aux tiers qui pouvaient agir afin de recouvrer leur créance contre la société dissoute ; la radiation de la société avait été publiée le 31 juillet 2019 ;  l’écoulement du délai d’un an depuis la publication de la radiation de la société était donc opposable au salarié, nonobstant les circonstances ayant conduit à la perte de son emploi et la poursuite de son contrat de travail après la radiation de la société.

A noter :

1° Lorsqu'une société est dissoute, sa personnalité morale survit pour les besoins de la liquidation (C. civ. art. 1844-8, al. 3 ; C. com. art. L 237-2, al. 2), c’est-à-dire aussi longtemps que ses droits et obligations à caractère social ne sont pas liquidés (Cass. com. 20-9-2023 n° 21-14.252 F-B : BRDA 20/23 inf. 2), sous réserve toutefois que ceux-ci soient nés avant la liquidation (Cass. com. 16-5-2018 n° 16-16.498 FS-PB : RJDA 10/18 n° 735). Il en est ainsi même si la société a été radiée du RCS (Cass. com. 26-1-1993 n° 91-11.285 P : RJDA 5/93 n° 403 ; Cass. soc. 17-12-2014 n° 13-26.575 F-D ; Cass. com. 20-9-2023 précité).

Mais ces principes devaient être ici articulés avec ceux régissant l’ouverture d’une procédure collective. Les créanciers d’une société qui a cessé son activité peuvent demander que celle-ci soit mise en redressement ou en liquidation judiciaire dans le délai d’un an qui suit sa radiation (C. com. art. L 631-5, al. 3 et L 640-5, al. 3). Ce délai a été qualifié de préfix (Cass. com. 10-10-1995 n° 93-11.441 P : RJDA 3/96 n° 410), c’est-à-dire non susceptible d'interruption ou de suspension, son écoulement entraînant la forclusion du créancier.

Par l’arrêt commenté, la Cour de cassation exclut que la survivance de la personnalité morale de la société en raison de droits ou obligations à caractère sociaux non encore liquidés permette le report du point de départ du délai d’un an ouvert au créancier pour agir en redressement ou en liquidation judiciaire.

2° Même forclos pour l’ouverture d’une procédure collective, le créancier n’est pas dénué de recours ; il peut :

  • demander la réouverture de la liquidation amiable clôturée prématurément, en sollicitant en justice la désignation d’un mandataire ad hoc (cf. Cass. com. 26-1-1993 n° 91-11.285 P : RJDA 5/93 n° 403) ;

  • réclamer le paiement de sa créance aux associés non liquidateurs dans un délai de 5 ans à compter de la publication de la dissolution de la société au RCS (C. com. art. L 237-13) ;

  • mettre en cause la responsabilité du liquidateur amiable pour faute dans l’exercice de son mandat, le délai pour agir étant alors de 3 ans à compter du fait dommageable ou, s’il a été dissimulé, de sa révélation (art. L 237-12 et, sur renvoi, art. L 225-254).

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

Aller plus loin


Navis Droit des affaires
affaires -

Navis Droit des affaires

Votre solution documentaire experte dédiée au droit des affaires
à partir de 294,75 € HT/mois
Mémento Baux commerciaux 2025/2026
affaires -

Mémento Baux commerciaux 2025/2026

Sécurisez vos baux et gagnez en sérénité
199,00 € TTC