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Demandes de justifications sur les sommes créditées sur des comptes : nouvelles précisions

Pour apprécier un écart entre les sommes portées au crédit des comptes du contribuable et les revenus déclarés, l’administration n’a pas à neutraliser les cessions de valeurs mobilières, les rachats de contrat d’assurance-vie et les transferts de compte à compte par chèque.

CE 3e-8e ch. 1-10-2018 n° 408543


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1. L'article L 16 du LPF autorise l'administration à interroger le contribuable sur l'origine des crédits figurant sur ses comptes bancaires ou sur ses comptes courants lorsque le montant des sommes créditées représente au moins le double de ses revenus déclarés (règle dite du « double ») ou, depuis le 1er janvier 2013, excède ces derniers d'au moins 150 000 €.

Le contribuable dispose pour fournir sa réponse d'un délai qui ne peut être inférieur à deux mois (LPF art. L 16 A). S'il ne répond pas dans le délai, il peut être taxé d'office (LPF art. L 69).

2. Le Conseil d’État précise comment doit être apprécié l’écart entre les crédits des comptes et les revenus déclarés lorsque le contribuable a réalisé, au cours de l’année en cause, des cessions de valeurs mobilières ou des rachats de contrats d’assurance-vie ou lorsqu’il a effectué des versements de compte à compte au moyen de chèques.

Cessions de valeurs mobilières et rachats de contrats d’assurance-vie

3. Au cas présent, le contribuable avait, au cours de l’année 2008, demandé le rachat de parts de Sicav et d’un contrat d’assurance-vie. La question suivante se posait : pour déterminer si l’écart entre les crédits des comptes et les revenus déclarés l’autorisait à demander des justifications au contribuable, l’administration devait-elle retenir au titre des revenus déclarés le montant des gains nets perçus à l’occasion des rachats, porté par l’intéressé sur sa déclaration n° 2042, ou le montant de la somme versée lors de ces rachats ?

Validant la méthode suivie en l’espèce par l’administration, le Conseil d’État juge qu’il faut prendre en compte les gains nets déclarés par le contribuable.

Il résulte de cette décision que l’administration est fondée, pour l’application de l’article L 16 du LPF, à comparer des crédits sur les comptes incluant les sommes versées lors de la cession de valeurs mobilières et du rachat de contrats d’assurance-vie avec des revenus déclarés comprenant les gains perçus à l’occasion de ces opérations, alors même que l’écart entre les sommes versées et les gains perçus ne constitue pas, par définition, un indice de revenu dissimulé.

4. Le Conseil d’État refuse ainsi de transposer aux cessions de valeurs mobilières et aux rachats de contrats d’assurance-vie la solution retenue pour les opérations de cessions de biens immobiliers dans sa décision du 29 mars 2017 n° 391200. Cette décision, on le rappelle, fait obligation à l’administration de neutraliser, préalablement à une demande de justifications, les opérations de cessions immobilières régulièrement déclarées, en faisant abstraction du montant du prix de cession de l’immeuble dans les crédits figurant sur les comptes du contribuable et du montant de l’éventuelle plus-value réalisée à cette occasion dans les revenus déclarés par l’intéressé (CE 29-3-2017 n° 391200 : FR 23/17 inf. 8 p. 9).

5. Selon le rapporteur public, il n’y avait pas lieu d’opérer cette transposition eu égard aux caractéristiques différentes des opérations en cause. Les cessions immobilières sont peu fréquentes et portent sur des montants élevés, à la différence des cessions de valeurs mobilières et des rachats de contrats d’assurance-vie, qui peuvent être nombreux et de faible montant. Les premières sont donc, contrairement aux seconds, facilement identifiables par l'administration et n’impliquent pas, par conséquent, un examen critique préalable des crédits portés sur les comptes (examen auquel l’administration n’est, selon la jurisprudence, pas tenue de procéder : CF-IV-1520 s.).

Versements de compte à compte par chèque

6. Outre les demandes de rachat de parts de Sicav et d’un contrat d’assurance-vie, le contribuable avait, au cours de l’année 2008, transféré des sommes de compte à compte en se faisant des chèques à lui-même.

La question se posait de savoir s’il y avait lieu de transposer à ces opérations la jurisprudence du Conseil d’État sur les virements de compte à compte. Selon cette jurisprudence, l’administration doit, pour déterminer le montant total des crédits à comparer au montant des revenus déclarés, neutraliser les virements de compte à compte du contribuable dès lors que les crédits provenant de tels virements ne peuvent être regardés comme un indice de revenu dissimulé (CE 20-10-2010 n° 317565 : CF-IV-1535).

Le Conseil d’État répond par la négative à cette question en relevant que la neutralisation des transferts de compte à compte par chèque nécessiterait une analyse critique des relevés de compte. En effet, à la différence de la neutralisation des virements de compte à compte, qui peut être opérée au moyen d’un simple contrôle matériel ne nécessitant pas d’explications de la part du contribuable, l’exclusion des transferts par chèque des crédits pris en compte impliquerait la recherche par l’administration de l’origine de tous les chèques encaissés et la conduirait ainsi à un examen critique préalable des relevés de compte.

Conséquences pratiques

7. En pratique, les contribuables ayant reçu une demande de justifications portant sur l’origine de crédits portés sur leurs comptes ne peuvent donc pas contester le bien-fondé de cette demande en faisant valoir que ces crédits, abstraction faite de ceux provenant de la cession de valeurs mobilières, du rachat de contrats d’assurance-vie et des versements de compte à compte par chèque, représentent moins du double des revenus déclarés ou dépassent de moins de 150 000 € ces revenus. Mais, bien entendu, ils pourront, pour échapper à la taxation d’office ou limiter le montant de leur imposition d’office, faire valoir en réponse à la demande de justifications que tout ou partie de ces crédits provient de la cession de valeurs mobilières, du rachat de contrats d’assurance-vie et de versements de compte à compte par chèque.

La décision : Lorsqu’elle entend comparer les crédits figurant sur les comptes bancaires ou les comptes courants d’un contribuable au montant de ses revenus déclarés en vue d’établir l’existence d’indices de revenus dissimulés, l’administration peut se fonder sur les revenus figurant sur la déclaration des revenus que doit déposer le contribuable en vertu des articles 170 et suivants du CGI, y compris sur des revenus nets lorsque celle-ci ne comporte pas d’information sur les revenus bruts. Dès lors, pour le rachat de SICAV et d’un contrat d’assurance-vie, il y a lieu de retenir au titre des revenus déclarés le montant porté sur la déclaration de revenus n° 2042 et non la somme versée lors de ces rachats. Par ailleurs, une somme inscrite au crédit d’un compte bancaire ou d’un compte courant d’un contribuable en exécution d’un virement opéré depuis un autre compte bancaire ou compte courant retenu par l’administration pour sa comparaison ne peut constituer un indice de revenu dissimulé. Par suite, si l’administration n’est pas tenue de procéder à un examen critique préalable des crédits figurant sur les comptes bancaires ou les comptes courants d’un contribuable, ni, quand elle l’a fait, de se référer, comme terme de comparaison, aux seuls crédits dont l’origine n’est pas justifiée après le premier examen, elle doit neutraliser, afin de déterminer le montant total des crédits à prendre en compte pour procéder à cette comparaison, les virements de compte à compte de l’intéressé. En revanche, s’agissant des remises de chèques, l’administration n’est pas tenue de les extourner des crédits pris en compte, alors même que certaines remises de chèques correspondraient à des versements de compte à compte, dès lors qu’une telle exclusion nécessiterait une analyse critique des relevés bancaires.

Jean-Pierre DUPRE

Pour en savoir plus sur les demandes d’éclaircissements ou de justifications de l’administration : voir Mémento Fiscal nos 78000 s.

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne