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Durées d’amortissement : quels sont les contours de la connexion comptabilité-fiscalité ?

À la suite d’une décision récente du Conseil d’État (voir FRC 7/19 inf. 3), le présent dossier fait le point sur les principes qui gouvernent la détermination des durées fiscales d’amortissement et sur les modifications qui peuvent leur être apportées.


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Par M. Dos Santos, Directeur PwC Département Consultations et Publications (Règles françaises), Maître L. Flin, Avocat, en collaboration avec A. Benhamou-Chocron, Manager, PwC Société d'Avocats.

Détermination des durées d’amortissement comptable et fiscale

Comptablement, l’amortissement est fondé sur la durée réelle d’utilisation des immobilisations

1. Pour amortir leurs immobilisations, les entreprises doivent, en principe (sauf mesure de simplification réservée aux PME, voir MC 1460-4), retenir les durées d’utilisation propres à chaque actif amortissable, qu’il soit décomposable ou non décomposable (PCG art. 214-13 et Avis CU CNC n° 2005-D).

Chaque entreprise doit ainsi déterminer elle-même la durée réelle d’utilisation de chacun de ses actifs amortissables (PCG art. 214-1) :

- en tenant compte de critères physiques, techniques, juridiques ou économiques ;

- inhérents à l’utilisation par l’entreprise de l’actif (degré et conditions d’utilisation, politique de renouvellement et de cession de l’entreprise, utilisation dans le cadre de contrats…).

Exemple : Une entreprise acquiert deux biens dont la durée de vie réelle est de 10 ans. Elle compte l'utiliser :

- le premier bien : pendant toute sa durée de vie réelle. La durée d'amortissement à retenir sur le plan comptable est donc de 10 ans ;

- le second bien : pendant 6 ans et le revendre à l'issue de cette période. La durée d'amortissement à retenir, sur le plan comptable, est de 6 ans. Toutefois, il conviendra, dans ce cas, de tenir compte de la valeur résiduelle pour la détermination de la base amortissable, voir MC 1458-1.

Les durées résultant des usages professionnels peuvent être retenues mais uniquement si elles ne sont pas contraires aux dispositions du PCG rappelées ci-avant (Note de présentation du Règl. ANC 2015-06).

L'amortissement n’est donc pas mesuré en fonction de la durée d'usage admise sur le plan fiscal (voir ci-après) (Avis CU n° 2005-D précité).

Fiscalement, l’amortissement est, au choix, soit calculé d’après la durée d’usage…

2. Par principe, les durées fiscales d’amortissement sont déterminées :

- pour les biens non décomposés, d’après les durées issues des usages de chaque nature d’industrie, de commerce ou d’exploitation (CGI art. 39, 1-2°, BOI-BIC-AMT-10-40-10 no 20) ;

- pour les structures des biens décomposés, également en fonction les durées issues des usages (en vigueur jusqu’en 2005) ;

- pour les composants des biens décomposés, d’après leur durée réelle d’utilisation retenue en comptabilité (sous réserve que cette durée ne soit pas plus longue que la durée d’usage retenue pour la structure).

Sur la nécessité d’un amortissement dérogatoire lorsque la durée d’usage retenue est inférieure à la durée d’amortissement comptable, voir n° 7.

… soit, dans certaines circonstances, identique à l’amortissement comptable

3. En pratique, l’application des durées d’usage n’est pas une obligation s’imposant aux entreprises.

Lorsque la durée réelle d’utilisation comptable est plus longue que la durée d’usage

4. L’administration accepte :

- que les entreprises choisissent de retenir au plan fiscal la durée d’utilisation des biens retenue en comptabilité lorsqu’elle est plus longue que la durée d’usage de référence ;

- sans se voir opposer le non-respect de la règle imposant la comptabilisation d’un amortissement minimal cumulé (BOI-BIC-AMT-10-40-10 n° 30).

Cette tolérance administrative concerne les situations où sur le plan comptable l’entreprise amortit l’immobilisation sur sa durée de vie économique, sans qu’il y ait lieu de tenir compte de la politique de cession de l’entreprise. On parlera, dans la suite de ce dossier, de durée d’utilisation « fiscale ».

Lorsque des circonstances propres à l’entreprise justifient de retenir une durée fiscale plus courte que la durée d’usage

5. L’administration accepte que les durées retenues sur le plan fiscal soient inférieures aux durées d'usage lorsque l’entreprise justifie de circonstances particulières d’utilisation des biens concernés (voir ci-après n° 14). En outre, elle s'abstient de remettre en cause les durées retenues en raison de ces circonstances particulières lorsqu'elles ne s'écartent pas de plus de 20 % des usages professionnels (voir ci-après n°15).

Selon l'administration (BOI-BIC-AMT-10-40-10 n° 80) et la jurisprudence (CE 24-11-2010 n° 324205), les circonstances particulières d'exploitation des immobilisations pouvant justifier un raccourcissement du plan d’amortissement découlent de l’usure ou de l’obsolescence accélérée liée à leurs conditions d’utilisation mais ne peut résulter de la politique de cession de l’entreprise (position exprimée en matière d'immobilisations décomposables mais également applicable, à notre avis, en matière d'immobilisations non décomposables).

Ainsi, lorsque l’entreprise justifie de conditions particulières d’utilisation d’un bien (autre que sa cession programmée), elle peut retenir sur le plan fiscal une durée plus courte que celle résultant des usages, qui est fonction de sa durée réelle d’utilisation, et donc identique à la durée d’amortissement comptable (CE 10-1-1992 n° 62269 ; CAA Lyon 27-9-1995 n° 94-213).

A noter : En revanche, lorsque la durée d'utilisation « comptable » est plus courte que la durée d'usage du fait de la prise en compte d'une cession programmée, la durée comptable ne peut être retenue sur le plan fiscal. Dans une telle situation, l'entreprise peut néanmoins retenir une durée d'utilisation « fiscale » plus courte que la durée d'usage à la condition de justifier de circonstances particulières d'utilisation du bien concerné..²

En l’absence de durée d’usage

6. Enfin, en l’absence d’usage référencé à la date d’acquisition d’un bien unique dans sa catégorie, l’amortissement fiscal doit être pratiqué sur la durée de vie technique retenue en comptabilité (CE 24-4-2019 n° 411242).

Traitement des divergences entre comptabilité et fiscalité

Elles donnent lieu, selon le cas, à un amortissement dérogatoire…

Lorsque la durée réelle d’utilisation comptable est plus longue que la durée d’usage

7. Dans ce cas, sur le plan fiscal, les entreprises ont le choix entre la durée comptable et la durée d’usage.

Si elles veulent appliquer la durée d'usage prévue par le CGI, elles ne peuvent comptabiliser le complément d'amortissement directement en amortissements pour dépréciation, mais doivent obligatoirement le comptabiliser en amortissements dérogatoires (Avis CU n° 2005-D précité).

Cet amortissement dérogatoire n'est pas obligatoire (les entreprises pouvant renoncer au bénéfice des durées d’usage plus courtes que les durées comptables), sauf dans le cas particulier des véhicules de tourisme (voir MC 1495-4) et autres biens somptuaires visés à l'article 39-4 du CGI (voir MC 1495-14).

Exemple : Soit un bien non décomposé d’une valeur de 100 000 € dont la durée réelle d’utilisation est estimée à 20 ans mais dont la durée d’usage admise pour le calcul de l’amortissement fiscal est de 10 ans.

Comptablement, le bien est amorti à hauteur de 5 % par an, soit une dotation annuelle de 5 000 €.

Fiscalement, la dotation déductible est calculée au taux de 10 %, elle s’élève donc à 10 000 €.

Un amortissement dérogatoire de 5 000 € est donc comptabilisé annuellement.

Lorsque la durée réelle d’utilisation comptable est plus courte que la durée d’usage

8. Cette situation se rencontre notamment :

- lorsque la durée d’amortissement comptable est raccourcie en raison de la prise en compte de la perspective de cession du bien avant la fin de sa durée de vie économique,

- mais que la prise en compte de la valeur résiduelle dans la diminution de la base amortissable comptable compense et dépasse les effets du raccourcissement de la durée d’amortissement jusqu’à rendre l’amortissement comptable inférieur à l’amortissement fiscalement déductible.

L’amortissement fiscalement déductible dans cette situation est calculé d’après la durée d’usage ou d’après une durée d'utilisation fiscale plus courte si l’entreprise fait état de circonstances particulières le justifiant (autre que la cession programmée du bien).

Pour plus de détails sur cet amortissement dérogatoire, voir MC 1476.

... ou à des retraitements extra-comptables

9. Cette situation se rencontre notamment :

- lorsqu’il est envisagé de céder le bien avant la fin de sa durée de vie économique,

- et que, sur le plan comptable, l’exclusion de la valeur résiduelle de la base amortissable ne compense pas les effets du raccourcissement de la durée d’amortissement.

Dans ce cas, l’amortissement comptable étant supérieur à l’amortissement fiscalement déductible, la fraction d’amortissement comptabilisée qui excède l’amortissement fiscalement déductible est réintégrée (pour plus de détails, voir MC 1460).

Exemple : Soit une entreprise dont l’activité est la livraison de colis qui décide par contrat avec son fournisseur de véhicules que ces derniers seront repris au bout de 2 ans pour une valeur équivalente à 45 % de leur valeur brute. La valeur brute de chaque véhicule est de 10 000 €. Comptablement, l’entreprise prend en compte la valeur résiduelle et amortit les véhicules sur une durée de 2 ans à hauteur de 55 % de leur valeur, soit une dotation annuelle de 2 750 €. Fiscalement, compte tenu des usages (4 ans) la dotation annuelle sera de 2 500 €. La dotation comptable est alors supérieure au montant admis sur le plan fiscal. L’amortissement excédentaire correspondant au différentiel entre la dotation comptable et la dotation fiscale doit donc être réintégré extra-comptablement.

En synthèse

10. Le tableau ci-après, établi par nos soins, présente une synthèse des durées d'amortissement pour dépréciation des biens décomposables et des distorsions fiscalo-comptables découlant de la réglementation fiscale (pour plus de détails, voir MC 1461-1 et 1461-2).

Amortissments pour dépréciation

Amortissements fiscalement admis

Ecritures ou retraitements extra-comptables

Structure

– Durée réelle d'utilisation (tenant compte, le cas échéant, de l'intention de cession)

– Base amortissable diminuée de la valeur résiduelle, le cas échéant

– Durée à retenir :

• Durée d'usage applicable à l'immobilisation dans son ensemble

• ou, durée d'utilisation (égale à la durée comptable si n’est pas influencée par l'intention de cession)

Sur le cas particulier des immeubles de placement, voir MC 1491

– Base amortissable : non diminuée de la valeur résiduelle

• Si l'amortissement comptable est supérieur à l'amortissement fiscalement déductible (notamment en cas d'intention de cession lorsque la prise en compte de la valeur résiduelle dans la diminution de la base amortissable ne compense pas le raccourcissement de la durée d'amortissement) : réintégration de la fraction de la dotation non déductible fiscalement

• Si l'amortissement comptable est inférieur à l'amortissement fiscalement déductible (notamment en cas d'amortissement fiscal sur la durée d'usage) : amortissement dérogatoire

Composant identifié à l'origine

– Durée réelle d'utilisation du composant, plafonnée à la durée résiduelle d'utilisation de l'immobilisation sous-jacente (notamment en cas d'intention de cession)

– Base amortissable diminuée de la valeur résiduelle le cas échéant

– Durée à retenir :

• Durée séparant deux remplacements (mais obligation d'appliquer la durée d'usage du composant s'il en existe une (1))

• Ou, pour le premier composant identifié à l'origine, durée d'usage de la structure si elle est plus courte

 • Ou, pour les composants acquis en renouvellement, durée résiduelle d'utilisation de la structure si elle est plus courte

– Base amortissable : non diminuée de la valeur résiduelle

(1) BOI-BIC-AMT-10-40-10 nos 80 et 90.

Principes de détermination des durées d’usage et application pratique

11. Les usages s’entendent des pratiques qui, en raison notamment de leur ancienneté, de leur fréquence ou de leur généralité, sont regardées comme normales pour le bien à amortir à la date de son acquisition (CE 11-3-1988 n° 50774).Or, il n'est guère possible de définir, a priori, des normes permettant de résoudre tous les problèmes particuliers susceptibles de se présenter concernant les durées d'usage admises (Rép. Allainmat : AN 27-3-1976 n° 25400, non reprise dans Bofip).Afin de limiter les litiges et les contestations, l'administration fiscale a apporté plusieurs précisions.

Quelles sont les précisions de l’administration ?

Liste des taux les plus couramment admis

12. L’administration propose, à titre indicatif, une liste de taux ou fourchettes de taux les plus couramment admis, considérés comme conformes aux usages dans des conditions d’exploitation courantes (voir notamment BOI-BIC-AMT-10-40-30 nos 1 et 10) :

Type d’immobilisation

Amortissement annuel

Bâtiments commerciaux

2 à 5 %

Bâtiments industriels (non compris la valeur du sol)

5 %

Maisons d'habitation ordinaires (1)

1 à 2 %

Immeubles à usage de bureaux

4 %

Matériel

10 à 15 %

Outillage

10 à 20 %

Petit matériel et outillage de faible valeur (voir MC 1341)

Charges

Automobiles et matériel roulant

20 à 25 %

Mobilier

10 %

Matériel de bureau

10 à 20 %

Petit matériel de bureau (voir MC 1341)

Charges

Agencements et installations

5 à 10 %

Micro-ordinateurs (2) 

33,33 %

Autorisations de mise sur le marché (AMM) (voir MC 1725-1)

10 %

Brevets, certificats d'obtention végétale

20 %

(1) La jurisprudence a accepté un taux de 2,5 % pour des immeubles d'habitation de bonne catégorie (CE 31-7-1992 n° 42280) et de 2,8 % pour les hôtels (CE 5-5-2008 n° 290382 ; en l'espèce le taux admis est même de 3,5 % compte tenu des particularités de l'hôtel).

(2) Toute durée inférieure à 3 ans est considérée comme contraire aux usages professionnels (Rép. Hamel : 20-8-1998 n° 6769, non reprise dans Bofip).

Nature des biens et des activités

13. L’administration précise (BOI-BIC-AMT-10-40-10 nos 290 et 300) que les taux d'amortissement susceptibles d'être retenus peuvent évidemment varier suivant la nature des activités. De plus, à l'intérieur de chacune d'elles, ils sont susceptibles de différer selon la nature des biens et leurs conditions d'exploitation.

Par ailleurs des solutions spécifiques ont été admises par l’administration pour certains secteurs d’activité (industries aéronautiques et mécaniques, hôtellerie, textiles artificiels, livres…) et pour certaines immobilisations (matériel naval, films…) (BOI-BIC-AMT-20-40-60-10 et BOI-BIC-AMT-20-40-60-20 ; voir Mémento Fiscal n° 9225). Pour les biens concernés, la tolérance de 20 % mentionnée ci-après (n° 14) ne s'applique pas (BOI-BIC-AMT-10-40-10 n° 240).

Circonstances particulières

14. S’alignant sur la jurisprudence, l’administration reconnaît (BOI-BIC-AMT-10-40-10 nos 240 et 330 ; BOI-BIC-AMT-10-40-30 nos 20 et 30) que la durée d'amortissement, qui correspond normalement aux usages professionnels, peut être influencée par des circonstances particulières (conditions d'utilisation spécifiques, rapidité du progrès technique ou évolution des marchés), que l'entreprise doit être en mesure de justifier. Ainsi, une utilisation intensive des immobilisations justifie une durée d'amortissement inférieure à la durée d’usage (CE 10-1-1992 n° 62229 et CAA Lyon 27-9-1995 n° 94-213).

Mais la jurisprudence refuse de tenir compte de la durée, inférieure aux usages, issue du taux de renouvellement réel constaté sur un matériel (véhicules d’un loueur), lorsque celle-ci résulte d’une politique de cession et non des conditions effectives d'exploitation et d'usure du matériel (CAA Lyon 19-3-1992 n° 297 et 19-1-2000 n° 96-362 ; CE 24-11-2010 n° 324205).

Tolérance de 20 %

15. L’administration s'abstient de remettre en cause les durées d'amortissement retenues par les entreprises en raison de ces circonstances particulières, lorsqu'elles ne s'écartent pas de plus de 20 % des usages professionnels (BOI-BIC-AMT-10-40-10 n° 240). Pour se prévaloir de cette solution, les entreprises doivent être en mesure d’établir l’existence des circonstances particulières d’utilisation des biens concernées par rapport aux pratiques usuelles, mais elles sont dispensées de démontrer l’adéquation de ces circonstances avec le raccourcissement appliqué aux durées d’usage.

Application pratique des usages par les entreprises

Quelles sont les modalités d’appréciation des usages ?

16. En pratique, l'usage reflète très souvent une durée inférieure à la durée de vie réelle des équipements.

Pour déterminer les usages, le Conseil d’État (notamment CE 11-3-1988 n° 46415) retient trois critères : ancienneté, fréquence et généralité des pratiques suivies. Il laisse aux entreprises la faculté de les établir par tous moyens appropriés. Selon lui, elles ne peuvent établir l’existence d’usages uniquement par des documents purement internes (tels qu'un rapport d'audit interne, CAA Nantes 3-2-2011 n° 10-349) ou par des documents contractuels organisant un réseau de distribution (CAA Nantes 7-4-2011 n° 10-13). Elles peuvent en revanche se référer au plan ou au guide comptable professionnel de l'industrie en cause (CE 9-12-1992 n° 85794 et 24-2-1988 n° 81761 et n° 81762), étant précisé que ceux-ci seront prochainement caducs (FRC 4/19 inf. 2).

La seule circonstance que des biens soient utilisés par des entreprises en situation oligopolistique, voire en situation de monopole, ne fait pas en soi obstacle à la reconnaissance d’un usage par le juge fiscal (CE 24-2-1988 n° 81761).

Toutefois, il vient d’être jugé, dans une affaire récente, à propos des équipements d’un site industriel à La Hague, dont l’activité unique en son genre consiste à retraiter des déchets nucléaires, que la durée d’amortissement initialement retenue pour la première génération d’un bien unique dans sa catégorie ne crée pas d’usage opposable pour ce bien (CE 24-4-2019 n° 411242 ; FRC 7/19, inf. 3).

Cette position ne s’applique qu’à la première « génération » de biens nouveaux. En revanche, la pratique suivie pour un bien nouveau par une entreprise en position de monopole est de nature à dégager un usage lorsque son ancienneté est reconnue. C’est ce qu’a jugé le Conseil d’Etat dans le cadre de litiges relatifs à l’amortissement des rames de TGV atlantique. Dans ce cas, l’amortissement des précédentes rames de TGV mises en service huit ans auparavant et considérées comme des biens de même nature, malgré les innovations techniques apportées, avait créé un usage opposable à l’entreprise (CE 18-5-2005 n° 261623).

A quelle date faut-il apprécier les usages ?

17. L’administration (BOI-BIC-AMT-10-40-10 n° 300) comme la jurisprudence (CE 11-3-1988 n° 46415) considèrent que les durées fiscales d’amortissement doivent s’appuyer sur des usages en vigueur au moment de l'acquisition du bien. Un changement ultérieur dans les usages ne peut justifier, à lui seul, une modification du plan d'amortissement initialement retenu.

L’entreprise et l’administration peuvent-elle déroger aux usages ?

18. L’application d’un taux conforme aux usages est une obligation légale. Les usages en vigueur dans la branche professionnelle à laquelle appartient l’entreprise s’imposent donc tant au contribuable (sous réserve du choix possible, dans certaines circonstances, de retenir la durée d’amortissement comptable plus longue que la durée d’usage, voir ci-avant n° 4) qu’à l’administration.

Dès lors qu’une entreprise s’est référée aux usages non contestés pour déterminer la durée d’amortissement fiscale de ses immobilisations, l’administration ne saurait contester la durée retenue en s’appuyant exclusivement sur la périodicité de leur renouvellement et leur durée réelle d’utilisation (CE 9-12-1992 n° 85864 et 85874).

En revanche, des circonstances particulières propres à l’entreprise peuvent justifier qu’il soit dérogé aux usages. L’administration considère en effet que s’il est établi que la durée effective d’utilisation d’un bien sera inférieure à sa durée normale, c’est en partant de cette première durée qu’il peut être fiscalement amorti (voir ci-avant n° 5).

Modification des plans d’amortissements comptable et fiscal

Des circonstances particulières peuvent justifier la révision prospective du plan d’amortissement comptable

19. Comptablement, toute modification significative de l’utilisation prévue d’un bien entraîne la révision prospective de son plan d’amortissement (PCG art. 214-14). Cette révision conduit à une augmentation ou une diminution des dotations aux amortissements d’exploitation dès l’exercice de la modification et sur les exercices ultérieurs.

Des circonstances diverses peuvent être à l’origine de ce changement. Elles peuvent par exemple résulter de :

- dépenses ultérieures sur l’actif qui améliorent son état au-delà de son niveau de performance escompté ;

- changements techniques ou évolution du marché qui peuvent conduire à réduire l’utilisation de l’actif.

La modification du plan d’amortissement comptable s’impose sur le plan fiscal en l’absence d’usage…

20. L’allongement du plan d’amortissement comptable produit ses effets au plan fiscal en l’absence de durée d’amortissement d’usage. Telle est la position adoptée par le Conseil d’État dans son récent arrêt (CE 24-4-2019 n° 411242 ; voir FRC 7/19 inf. 3).

En effet, en l’absence d’usage, si la société justifie, en s’appuyant sur un rapport d’expertise, que la durée de fonctionnement et d’utilisation des installations peut être prolongée sans recourir au remplacement d’éléments spécifiques et en procédant uniquement à des opérations de maintenance (CAA Nantes 6-4-2017 n° 14NT0381, 16NT01561 et 16NT02453) :

- la durée comptable doit être révisée (voir ci-avant) ;

- la durée d’amortissement fiscale étant fixée d’après la durée réelle d’utilisation des équipements retenue en comptabilité, la modification d’appréciation de cette durée au plan comptable produit tous ses effets au plan fiscal ;

- une réévaluation de la durée fiscale d’amortissement des installations doit donc être opérée conformément à leur durée réelle d’utilisation.

… ou lorsque l’entreprise a choisi à l’origine de ne pas retenir la durée d’usage

21. Il en est de même lorsqu’un usage existe mais que l’entreprise a choisi de l’écarter sur le plan fiscal et d’amortir fiscalement le bien sur la durée retenue en comptabilité, sous réserve que celle-ci ne soit pas influencée par la politique de cession.

Lorsque l’entreprise retient les usages à l’origine, la modification du plan d’amortissement ne s’impose pas…

22. Dans les autres situations, si l’entreprise s’est référée aux usages pour la détermination de la durée d’amortissement fiscal de ses immobilisations, l’administration ne peut pas contester la durée retenue en s’appuyant exclusivement sur leur drée réelle d’utilisation (CE 9-12-1992 nos 85864 et 85874).

Ainsi, lorsque l’entreprise est confrontée à des circonstances justifiant un allongement de son plan d’amortissement comptable en raison de l’allongement de la durée réelle d’utilisation du bien, elle ne devrait pas, à notre avis, être tenue d’aligner la durée fiscale sur la durée comptable. Cette position est justifiée par la jurisprudence suivant laquelle l’application des durées d’usage ne peut être remise en cause en s’appuyant sur les durées de vie réelles des biens (CE 4-10-1989 n° 61676).

Néanmoins, la durée d’usage à l’origine du plan pourrait être modifiée

23. Comme rappelé ci-avant, il est possible de déroger aux usages lors de l’établissement du plan d’amortissement et de retenir des durées plus courtes que la durée d’usage, à la condition que des circonstances propres à l’entreprise le justifient (voir ci-avant n° 5).

L’administration a en outre indiqué que les taux d'amortissement fixés lors de l’acquisition des biens peuvent être reconsidérés au cours de la période d'utilisation dans la mesure où des circonstances nouvelles particulières viennent allonger ou raccourcir cette période et modifier corrélativement la durée primitivement prévue.Une telle modification doit être justifiée (BOI-BIC-AMT-10-40-10 n° 300). L’administration précise que sauf circonstance exceptionnelle, elle n’accepte pas une modification « trop fréquente » des plans d’amortissement. Les circonstances nouvelles susceptibles d’être invoquées doivent résulter de situations objectives ayant de façon certaine une influence sur la durée d’utilisation du bien (CAA Nantes 20-10-1997 n° 92-277).

A notre avis : Lorsque les circonstances auxquelles l’entreprise est confrontée la conduisent à raccourcir le plan d’amortissement comptable en deçà des durées issues des usages, cette même durée devrait pouvoir, à notre avis, être appliquée au plan fiscal.

Dans ce cas, une révision du plan d’amortissement dérogatoire sera opérée en conséquence.

Exemple : Soit une entreprise utilisant du matériel de fabrication d’emballages, acquis en N pour 1200. Le plan d’amortissement fiscal initial est fixé conformément aux usages de la profession à 10 ans, soit un amortissement fiscal de 120 par an. Dans les comptes, le bien est amorti sur 12 ans, soit 100 par an et un amortissement dérogatoire de 20 par an.

Si l’entreprise modifie l’utilisation du matériel à partir de N+3, par une production fonctionnant 24h/24h, et justifie que sa durée réelle d’utilisation est ramenée de ce fait à 6 ans, elle peut raccourcir le plan d’amortissement fiscal et comptable à cette durée. Ainsi le bien, qui a une VNC de 900 au début de l’exercice N+3, sera amorti dans les comptes à hauteur de 300 par an sur les 3 années restantes d’amortissement.

L’amortissement fiscal s’élèvera à (1200 – 360) /3 = 280 pour chacune de ces années. L’amortissement dérogatoire, d’un montant de 60 début N+3, sera repris chaque année en conséquence (soit 20 par an).

L'ESSENTIEL 

Alors que la durée d’amortissement comptable des immobilisations est fondée sur leur durée réelle d’utilisation au sein de l’entreprise, fiscalement, elle est en principe fixée d’après les usages professionnels. La durée fiscale peut toutefois être alignée sur la durée comptable si cette durée est plus longue que la durée d’usage, mais peut être plus courte si des circonstances propres à l'entreprise (indépendantes de sa politique de cession) le justifient.

Compte tenu des divergences existant entre les durées fiscales et comptables d’amortissement, les entreprises sont fréquemment conduites à constater des amortissements dérogatoires, lorsque les dotations fiscalement déductibles excèdent les dotations comptables. Toutefois, dans certaines situations, une fraction des dotations comptables doit faire l’objet d’une réintégration extra-comptable.

Lorsque les immobilisations font l’objet de circonstances particulières d’utilisation, elles peuvent être fiscalement amorties sur une durée plus courte que les durées d’usage. Cette durée coïncide alors à notre avis à la durée d’amortissement comptable lorsque celle-ci ne tient pas compte de la politique de cession de l'entreprise.

Les conséquences fiscales d’une modification du plan d’amortissement comptable sont différentes suivant que l’entreprise a retenu à l’origine des durées d’usage ou non.



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