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Évaluer la réplique de la maison de George Washington ou la difficulté d'estimer un bien atypique

Le fisc ne démontre pas la sous-évaluation d'un bien exceptionnel lorsqu'il retient des termes de comparaison très éloignés de la typologie et des caractéristiques du bien litigieux en termes de surfaces, de types de bien, d'année de construction et de catégorie cadastrale.

CA Versailles 4-5-2021 n° 19/08883


Par Caroline DANCOISNE
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©iStock

Un couple, propriétaire d'une maison en bois, réplique exacte de la maison de George Washington, édifiée en 1931 à Vincennes afin de servir de pavillon américain lors de l'exposition coloniale et remontée ensuite à Vaucresson, la déclare à l'ISF, avant l'abattement de 30 % pour résidence principale, 2 773 237 € en 2010 et 2 641 179 € en 2011. L'administration redresse pour insuffisance d'évaluation, évaluant la maison pour les années concernées à 5 635 000 € et 5 537 000 €.

Pour les propriétaires, la valeur déclarée s'explique par le fait que, si la maison est entièrement construite en bois à l'exception des fondations, ce qui en fait toute l'originalité et le caractère exceptionnel, la spécificité du matériau implique de nombreuses contraintes en termes d'entretien, de gardiennage et de nécessité d'un contrat de télésurveillance exigée par les assureurs. De surcroît, une partie du parc de six hectares sur lequel se situe le bien est frappée d'une servitude non ædificandi entraînant une interdiction de bâtir. Enfin, la maison est classée bâtiment remarquable par la commune, empêchant toute modification des façades.

Les propriétaires reprochent à l'administration d'avoir insuffisamment motivé l'évaluation de la maison, les termes de comparaison retenus dans la proposition de rectification correspondant à des maisons de grand standing, de style architectural classique, construites dans des matériaux traditionnellement utilisés en région parisienne et situés dans des villes voisines mais de standing plus élevé, de sorte qu'ils ne sont pas comparables à leur propre bien.

Les propriétaires sont déboutés par le tribunal de grande instance de Nanterre.

En appel, le fisc, admettant le caractère exceptionnel de la maison, indique qu'un tel bien s'entend de celui qui s'inscrit dans un marché restreint, voire aucun marché, ou dont l'estimation requiert de rechercher des termes de comparaison sur le plan national. Il ajoute que c'est pour cette raison qu'il s'est référé à des transactions anciennes de deux ans et reconnaît qu'il n'existe pas un marché de biens intrinsèquement similaires.

Pour les juges versaillais, les biens retenus par l'administration fiscale apparaissent très éloignés de la typologie et des caractéristiques présentées par celui des contribuables en termes tant de surfaces que de types de bien, d'année de construction et de catégorie cadastrale. Ainsi, les différences notables entre les caractéristiques des biens proposés et le bien litigieux excluent la pertinence des termes de comparaison présentés par l'administration fiscale. En l'absence de biens présentant des similitudes avec le bien exceptionnel en cause, l'administration aurait pu étendre sa recherche sur un plan géographique et dans le temps et pratiquer un abattement correspondant à la dépréciation résultant des contraintes relatives à la nécessité d'un entretien régulier du bien construit entièrement en bois, de l'existence d'une servitude non aedificandi et du classement de l'immeuble en bien remarquable. Les juges concluent que l'administration fiscale ne démontre pas la sous-évaluation des valeurs déclarées.

A noter :

On attendra avec intérêt de savoir si l'administration se pourvoit en cassation dans cette affaire dans laquelle le bien est tout à fait singulier. Évaluer un bien exceptionnel demeure un exercice délicat mais l'administration parvient régulièrement à trouver des termes de comparaison que les juges estiment pertinents. Ainsi, à propos d'une villa luxueuse de 852 m2 habitables, 1 100 m2 de terrasses, 446 m2 de garage et dépendances, à la pointe du cap d'Antibes, dans un site exceptionnel, la Cour de cassation approuve la valeur vénale établie par l'administration d'après six mutations immobilières concomitantes ou antérieures, portant sur des biens offrant des caractéristiques similaires, dès lors les éléments de comparaison proposés par le contribuable étaient trop anciens pour contredire ceux plus récents de l'administration (Cass. com. 17-3-2009 no 08-12.717 F-D).

Jugé également que l'administration justifie le choix d'éléments de comparaison pour déterminer la valeur vénale d'une villa luxueuse présentant des caractéristiques particulières et remarquables (grande surface habitable, situation au sommet d'une colline jouissant d'une vue panoramique sur la mer, jardin paysager, architecture d'inspiration égyptienne et piscine à débordement de 96 m2) en retenant des prix de cession de biens intrinsèquement similaires situés dans des communes avoisinantes (Cass. com. 8-6-2017 no 15-18.676 F-D).

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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