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Information précontractuelle du franchisé : un prévisionnel exagéré, cause d’annulation du contrat

Les comptes prévisionnels fournis par le franchiseur avant la conclusion du contrat doivent être sérieux et ne pas induire le franchisé en erreur sur la rentabilité du magasin.

Cass. com. 12-5-2021 n° 19-17.701 F-D, S. ès qual. c/ Sté Loding


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©iStock

Une entreprise qui a conclu un contrat de franchise pour exploiter un magasin de vente au détail d’articles d’habillement à Quimper demande, à peine trois ans plus tard, l’annulation du contrat pour erreur, les résultats réalisés étant bien loin de ceux annoncés par le franchiseur.

La cour d’appel de Paris rejette la demande : le document d'information précontractuel transmis par le franchiseur comprenait des comptes prévisionnels faisant apparaître, pour les trois premières années d'exploitation du magasin franchisé, des résultats d'exploitation largement positifs alors que ceux de l’entreprise ont toujours été négatifs ; cependant, le seul fait pour cette dernière de ne pas atteindre les objectifs prévisionnels ne suffit pas à démontrer l’absence de sérieux des chiffres communiqués par le franchiseur ; en outre, les chiffres d'affaires et résultats obtenus par des franchisés implantés dans des villes comparables à Quimper étaient similaires sur les mêmes périodes.

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La Cour de cassation a censuré cette décision, après avoir rappelé que les comptes prévisionnels éventuellement fournis par le franchiseur doivent revêtir un caractère sérieux. Or il résultait des éléments suivants que tel n’était pas le cas et que les prévisions communiquées étaient donc de nature à induire le franchisé en erreur sur la rentabilité du magasin : les résultats du franchisé avaient été négatifs de 28 700 € la première année et de 11 328 € la deuxième année, inférieurs dans une proportion très importante aux résultats prévisionnels positifs annoncés par le franchiseur (27 749 € la première année et 37 657 € la deuxième) ; la quasi-totalité des franchisés cités lors des débats, implantés dans des villes de tailles diverses, avaient eu des résultats faiblement positifs, négatifs, voire lourdement négatifs pour les années considérées malgré des chiffres d'affaires parfois largement supérieurs, à l'exception des franchisés implantés à Rennes, ville peu comparable à Quimper.

A noter :

Lorsque le contrat qu’il propose comporte un engagement d’exclusivité ou de quasi-exclusivité, le franchiseur doit fournir au candidat à la franchise, avant la signature du contrat, un document donnant des informations sincères, qui lui permettent de s’engager en connaissance de cause (C. com. art. L 330-3). Ce document d’information précontractuelle (DIP) doit préciser l’ancienneté et l’expérience du franchiseur, l’état et les perspectives de développement du marché concerné, l’importance du réseau d’exploitants, la durée, les conditions de renouvellement, de résiliation et de cession du contrat ainsi que le champ des exclusivités (art. précité ; voir aussi art. R 330-1, qui détaille ces informations). Si le franchiseur fournit au franchisé des documents complémentaires à ceux exigés par la loi, tels des comptes prévisionnels, ils doivent être sérieux et sincères (Cass. com. 19-1-2010 n° 09-10.980 F-PB : RJDA 5/10 n° 495 ; Cass. com. 13-9-2017 no 15-19.740 F-D ; Cass. com. 10-6-2020 n° 18-21.536 F-D : BRDA 14/20 inf. 11).

Le manquement du franchiseur à son obligation d’information précontractuelle n’est sanctionné par la nullité du contrat que si le franchisé apporte la preuve d’un consentement vicié (notamment, Cass. com. 4-10-2011 no 10-20.956 F-D : RJDA 12/11 no 1018 ; Cass. com. 15-3-2011 no 10-11.871 F-D : RJDA 6/11 no 519). Le franchisé invoquait ici une erreur sur la substance de l’objet du contrat (C. civ. ex-art. 1110, désormais, erreur sur les qualités essentielles de la prestation : art. 1132 et 1133). L’erreur sur la rentabilité d’un commerce exploité en franchise a ainsi déjà été retenue à plusieurs reprises (notamment, Cass. com. 4-10-2011 précité ; Cass. com. 10-6-2020 no 18-21.536 F-D : BRDA 14/20 inf. 11). Reste que certaines juridictions du fond, telle la cour d’appel de Paris, dont la décision est ici censurée, se montrent sévères à l’égard des franchisés : par exemple, dans un cas où le franchisé invoquait un différentiel de 80 % entre les résultats réalisés et les comptes prévisionnels, une cour d’appel a retenu que, s’agissant d’un nouveau concept de magasin, l'incertitude sur l'adéquation de ce concept aux attentes de la clientèle pouvait expliquer un certain décalage entre les états prévisionnels et les résultats du franchisé (CA  Amiens 10-1-2019 n° 17/01699 : BRDA 6/19 inf. 14).

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne