Le commissaire aux comptes est nommé pour un mandat de six exercices et ses fonctions expirent après la délibération de l'assemblée générale qui statue sur les comptes du sixième exercice (C. com. art. L 821-44). Par dérogation, si une société désigne volontairement un commissaire aux comptes ou si elle le désigne car elle est une société à la tête d'un petit groupe ou une société contrôlée significative, elle peut décider de limiter la durée de son mandat à trois exercices (art. L 821-46).
Une société ayant désigné volontairement un commissaire aux comptes pour un mandat de six exercices peut-elle décider de mettre fin à son mandat de façon anticipée à l'issue du troisième exercice ou d'annuler la résolution de l'assemblée générale l'ayant nommé ?
Mettre fin de façon anticipée à la mission du commissaire à l’issue du troisième exercice
La Compagnie nationale des commissaires aux comptes (CNCC) considère que la société qui a nommé volontairement un commissaire aux comptes pour six exercices ne peut pas mettre fin à son mandat à l'issue du troisième exercice.
Elle déduit cette solution du fait que le législateur a choisi, lors de l'adoption de la loi 2019-486 du 22 mai 2019 (loi Pacte), de ne pas introduire d'exception au caractère intangible de la durée du mandat du commissaire prévue au moment de sa désignation, même si les sociétés ayant désigné un commissaire aux comptes ne dépassaient plus les nouveaux seuils de désignation obligatoire. En outre, cette intangibilité a été confirmée par la Cour de cassation à plusieurs reprises, dans des cas où la nomination d’un commissaire aux comptes n’était plus requise à la suite de modifications législatives, comme la loi 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie et la loi Pacte (Cass. com. 6-11-2012 n° 11-30.648 : RJDA 1/13 n° 47 ; Cass. com. 10-5-2024 n° 22-16.158 F-B et 22-23.883 F-D : RJDA 8-9/24 n° 467).
En conséquence, mettre fin de façon anticipée au mandat constituerait, en application de l'article L 821-5 du Code de commerce, une cause de nullité des délibérations prises en assemblée générale, en l’absence de rapport de certification sur les comptes présentés à l’approbation de l’organe compétent.
La CNCC rappelle en outre que le fait, pour tout dirigeant d'une société tenue d'avoir un commissaire aux comptes, de ne pas le convoquer à toute assemblée générale, de faire obstacle aux vérifications ou contrôles du commissaire ou de lui refuser la communication sur place de toutes les pièces utiles à l'exercice de leur mission est un fait délictueux que le commissaire aux comptes doit révéler au procureur de la République (C. com. art. L 821-6 et L 821-10, al. 2).
Annuler la résolution ayant nommé le commissaire
La CNCC rappelle que, en l’absence d’interdiction légale expresse, les associés peuvent revenir sur une décision collective à condition que l’annulation ou la modification ainsi intervenue ne porte pas atteinte à des droits acquis par les associés ou par des tiers et qu'une assemblée générale peut valablement revenir sur une décision qu’elle a prise régulièrement tant que cette décision n’a reçu ni publicité ni commencement d’exécution (Mémento Assemblées générales nos 77460 s.).
Par conséquent, il pourrait être envisagé qu'une assemblée générale annule la désignation non obligatoire d’un commissaire aux comptes.
La CNCC considère que ceci n'est pas possible. En effet, la désignation du commissaire aux comptes a été publiée au registre du commerce et des sociétés, le K-bis en faisant état, et la mission du commissaire a reçu un commencement d’exécution, du fait même de son acceptation. En outre, en pratique, les greffes des tribunaux de commerce n’acceptent généralement pas une telle situation, refusant de publier une décision annulant la désignation du commissaire aux comptes, quand bien même cette désignation n’est pas obligatoire en application de la loi.
La CNCC rappelle que, en cas de démission du mandat de commissaire aux comptes au motif « de difficultés rencontrées dans l’accomplissement de la mission, lorsqu’il n’est pas possible d’y remédier » (art. 28 du Code de déontologie de la profession de commissaire aux comptes), la société serait tenue de désigner un commissaire aux comptes en remplacement du commissaire démissionnaire pour la durée restant à courir du mandat de son prédécesseur.