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Accueil/ Actualités - La Quotidienne/ Patrimoine/ Successions et donations

Des legs avec faculté d'attribution excluent la qualification de testament-partage

Le testateur qui organise la répartition de la quasi-totalité de son patrimoine propre et commun entre ses héritiers au moyen d’attributions facultatives ne réalise pas un partage testamentaire mais un testament ordinaire, à défaut d’acte d’autorité.

Cass. 1e civ. 13-4-2022 n° 20-17.199 FS-B


Par Nicole PÉTRONI-MAUDIÈRE, Maître de conférences à la faculté de droit de Limoges
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©Gettyimages

Des époux communs en biens sont décédés en laissant pour leur succéder leurs deux fils et en l’état de deux testaments authentiques. Ces derniers, dressés le même jour, ont été rédigés en des termes quasi identiques. Chacun des testateurs a légué la quotité disponible de sa succession à l’un des deux fils et offert à celui-ci, outre une priorité sur le choix des meubles, la faculté de prélever à titre d’attribution, en ce qui concerne le père, ses droits (récompenses) sur un bien appartenant à son conjoint et, en ce qui concerne la mère, ledit bien lui appartenant. Chaque testament prévoyait par ailleurs une faculté d’attribution au profit de l’autre enfant d’un bien de communauté. À la suite de l’ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage judiciaire de la communauté et des successions des père et mère ordonnées par jugement, ce dernier demande l’annulation des testaments authentiques comme étant constitutifs de testaments-partages portant sur des biens communs.

La cour d’appel fait droit à sa demande. Les dispositions de dernières volontés, rédigées de façon similaire et ayant pour objet de répartir entre les héritiers la quasi-totalité du patrimoine des époux, constituaient des testaments-partages. Or, chacun des testaments contenant disposition de biens communs, ils ne pouvaient qu’être annulés (C. civ. art. 1075 et 1423).

La Cour de cassation censure cette décision sur le visa des articles 1075 et 1079 du Code civil, au motif qu’il résultait des propres constatations des juges du fond que les attributions prévues par les testaments présentaient un caractère facultatif pour leurs bénéficiaires, de sorte que ces actes ne pouvaient pas être qualifiés de testaments-partages.

A noter :

La question posée à la Cour de cassation était de savoir si les deux testaments authentiques dressés le même jour et contenant des facultés de prélèvement à titre d’attribution de biens et droits au profit de chacun des deux fils étaient ou non constitutifs de testaments-partages.

Comme le relève Nicole Pétroni-Maudière, maître de conférences à la faculté de droit de Limoges, les deux testaments contenant des dispositions portant sur des biens communs, de la réponse à la question dépendait la validité des actes. En effet, tandis qu’un testament ordinaire peut contenir des legs portant sur des biens communs, dont l’issue est subordonnée aux résultats du partage de la communauté : exécution en nature si le partage met le bien commun dans le lot du testateur, exécution en valeur dans le cas contraire (C. civ. art. 1423), à l’inverse, un testament-partage ne peut porter que sur des biens dont le testateur a la propriété et la libre disposition. Parce qu’il réalise un partage par anticipation de la succession de l’ascendant, le testament-partage ne peut porter que sur les parts et droits de celui-ci dans un bien commun et non sur la totalité du bien commun. Ainsi, contrairement aux légataires, les héritiers ne peuvent être allotis par testament-partage de biens communs car leurs « parts doivent être déterminées au moment même du décès de l’ascendant et ne sauraient être subordonnées au résultat futur et incertain du partage ultérieur de la communauté » (Cass. 1e civ. 5-12-2018 n° 17-17.493 F-PB : BPAT 1/19 inf. 27, Defrénois 3-5-2019 n° 148q1 obs. A. Chamoulaud-Trapiers).

Le testament-partage est l’acte par lequel un ascendant organise la répartition des biens qu’il laissera à son décès entre ses héritiers présomptifs. Lorsque la qualification de testament-partage ne figure pas dans l’acte, elle se déduit d’éléments tant intrinsèques qu’extrinsèques dégagés par la jurisprudence.

S’agissant des éléments intrinsèques, deux catégories d’éléments sont utilisées : en premier lieu, il faut que l’ascendant ait entendu imposer la répartition de ses biens car, s’il a seulement consenti des legs d’attribution – ou legs rapportables –, les légataires peuvent y renoncer pour procéder à un partage selon leur volonté. En second lieu, la répartition des biens entre les héritiers doit se rapprocher d’une répartition selon les règles de la dévolution légale : une répartition inégalitaire est possible mais le testateur ne doit pas avoir l’intention première d’avantager certains de ses enfants.

En revanche, contrairement à ce qui est parfois évoqué, il n’est pas nécessaire que le testament contienne des legs portant sur la totalité ou même la quasi-totalité de sa succession. Si des biens ne figurent pas dans l’acte, ils seront répartis conformément à la dévolution légale.

S’agissant des éléments extrinsèques, deux critères peuvent être utilisés par les juges : le premier est la similitude entre deux testaments rédigés par les deux parents, laquelle permet de révéler leur volonté de partager leurs patrimoines. Le second est l’existence d’une donation-partage antérieure qui serait complétée par le testament.

Cette recherche de volonté du testateur, comme l’interprétation de tout acte juridique, est une question de fait, laissée comme telle au pouvoir souverain des juges du fond, sous réserve d’un hypothétique contrôle de la dénaturation de l’acte.

Il ressort des critères retenus par les juges du fond et validés par la Cour de cassation que le testament-partage se présente avant tout comme un acte d’autorité par lequel l’ascendant impose le partage de sa succession (C. civ. art. 1079). Les deux testaments litigieux, ne contenant que des facultés offertes aux deux enfants de prélever à titre d’attribution certains biens ou droits, n’étaient que des testaments ordinaires dont la validité était incontestable.

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