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Accueil/ Actualités - La Quotidienne/ Affaires/ Contrat d’entreprise ou de prestation de services

Manquement d’un prestataire informatique dans le déploiement d’un logiciel. Illustration

Le contrat de déploiement d’un logiciel doit être résolu aux torts du prestataire dès lors que, tenu d’une obligation de résultat, celui-ci n’a pas été capable de régler les anomalies bloquantes et récurrentes dont se plaignait le client.

Cass. com. 1-6-2022 n° 20-19.476 F-D, Sté Fsmax System SL c/ Sté Compass Group France


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©Gettyimages

Un prestataire informatique, concepteur et éditeur d’un logiciel destiné à la restauration collective, conclut un contrat visant à déployer ce logiciel sur les différents sites gérés par une entreprise. Insatisfait du résultat, le client met en œuvre la clause résolutoire figurant au contrat.

Sa demande en paiement de dommages et intérêts pour résiliation abusive ayant été rejetée par une cour d'appel, le prestataire fait valoir deux arguments devant la Cour de cassation, que celle-ci rejette.

Contrairement à ce qu'il faisait valoir, le prestataire n'était pas tenu d'une obligation de moyens, mais d’une obligation de résultat à l’égard de son client : aux termes du contrat, il s'engageait, dans le cadre d'une maîtrise d'œuvre et d'une obligation de résultat, à réaliser les prestations de maintenance du progiciel et de développement d'un nouveau portail ; il s'engageait également à concéder une licence d'utilisation sur le logiciel, à réaliser des prestations de maintenance corrective et évolutive et toutes les actions correctives nécessaires pour les besoins du client et de ses bénéficiaires et à adapter et intégrer le portail.

Le prestataire faisait valoir en vain que son client n'avait pas respecté la procédure contractuelle de résolution des anomalies, n'ayant pas lui-même été en mesure de résoudre les anomalies bloquantes signalées de manière récurrente par le client. Dès le début des relations contractuelles, celui-ci avait fait état d'anomalies bloquantes et de difficultés quant à la qualité des « livrables » ; il avait adressé diverses réclamations et les comptes-rendus des réunions hebdomadaires témoignaient de la récurrence des difficultés ; selon un rapport d'analyse externe, les temps de réponse du système étaient anormalement longs ; certains lots avaient fait l'objet de plusieurs livraisons, dont aucune n'avait donné lieu à une recette par le client en raison des anomalies dénoncées, ce qui démontrait le défaut de qualité du « livrable » et l’incapacité du prestataire à résoudre ces anomalies dans des délais raisonnables pour satisfaire à son obligation de résultat. Par ailleurs, le prestataire ne pouvait pas opposer le défaut de respect par le client de la procédure contractuelle de recette alors que, professionnel de l'informatique soumis à une obligation de résultat, il ne justifiait pas avoir élaboré des spécifications fonctionnelles détaillées en réponse aux besoins exprimés par celui-ci. Le prestataire ne démontrait pas non plus que le client avait multiplié les demandes non prévues au contrat, qu'il avait été flou dans ses demandes et qu'il avait manqué à son devoir de coopération.

A noter :

La qualification de l’obligation de résultat ou de moyens peut dépendre de la nature du contrat – par exemple, la jurisprudence fait peser une obligation de résultat sur l’ascensoriste en matière de sécurité (Cass. 3e civ. 1-4-2009 n° 08-10.070 FP-PB : RJDA 7/09 n° 600) – ou des termes de celui-ci (cf. Cass. com. 26-6-2001 n° 98-10.600 F-D : RJDA 1/02 n° 38 à propos du déploiement d’un logiciel comptable).

La différence de régime entre les deux types d'obligation est la suivante. En présence d'une obligation de moyens, le débiteur de l'obligation n'est responsable de l'exécution défectueuse que si celle-ci est due à sa faute (notamment, Cass. com. 7-7-2021 n° 19-22.807 F-D : BRDA 20/21 inf. 9). Lorsque l’obligation est de résultat, le débiteur doit en répondre dès lors qu'il est constaté que le résultat promis n'est pas réalisé ; il y a une présomption de faute et de lien entre celle-ci et le préjudice subi (par exemple, Cass. com. 22-5-2002 n° 99-11.113 FS-P : RJDA 10/02 n° 1025). Il peut s'exonérer de sa responsabilité en apportant la preuve que l'inexécution de son obligation résulte d'une cause étrangère qui ne peut pas lui être imputée (Cass. com. 16-3-1999 n° 96-14.846 D : RJDA 6/99 n° 666), tels un cas de force majeure ou la faute de son cocontractant.

En matière de contrats informatiques, surtout s'ils sont complexes, les tribunaux mettent à la charge du client une obligation de collaborer avec celui qui fournit le matériel ou la prestation (notamment, Cass. com. 11-1-1994 n° 91-17.542 D : RJDA 6/94 n° 637 ; Cass. com. 10-1-2018 n° 16-23.790 F-D : RJDA 6/18 n° 493 ; Cass. com. 5-6-2019 n° 17-26.360 F-D : BRDA 14/19 inf. 15). Un manquement du client à cette obligation peut justifier un partage de responsabilité (Cass. com. 5-6-2019 précité). En l’espèce, le prestataire informatique n'établissait pas un tel manquement de la part de son client.

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