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Un membre du Codir peut valablement être désigné représentant de section syndicale

Tout salarié assimilable au chef d’entreprise est par principe exclu des mandats syndicaux, mais tel n’est pas nécessairement le cas d’un membre du comité de direction (Codir). Il peut donc valablement être désigné RSS.

Cass. soc. 20-12-2023 n° 22-21.983 F-D, Sté Cdiscount c/ syndicat CFTC commerce, services et force de vente Aquitaine-Limousin


Par Audrey FOURNIS
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©Gettyimages

Dans un arrêt du 20 décembre 2023, la chambre sociale de la Cour de cassation réaffirme le principe d’incompatibilité entre le fait pour un salarié d’être assimilable à l’employeur (soit en raison d’une délégation écrite particulière d’autorité, soit parce qu’il représente effectivement l’employeur devant les institutions représentatives du personnel) et l’exercice d’un mandat syndical.

Elle précise toutefois que le fait d’être membre du Codir et de faire l’objet de subdélégations de pouvoirs écrites non signées est insuffisant pour être assimilé à l’employeur et être, à ce titre, exclu du mandat de représentant de section syndicale (RSS).

Le salarié assimilable à l’employeur est exclu des mandats syndicaux…

La Haute Juridiction rappelle le principe général selon lequel ne peuvent exercer un mandat de représentation les salariés qui :

  • soit disposent d'une délégation écrite particulière d'autorité leur permettant d'être assimilés au chef d'entreprise ;

  • soit représentent effectivement l'employeur devant les institutions représentatives du personnel ou exercent au niveau de l'entreprise à l'égard des représentants du personnel les obligations relevant exclusivement du chef d'entreprise.

En raison d’une délégation écrite particulière d’autorité…

La chambre sociale de la Cour de cassation a déjà jugé qu'un salarié titulaire d'une délégation de pouvoir pour l'établissement qu'il dirige ne peut pas être désigné délégué syndical (DS) au niveau de l'unité économique et sociale (UES) dont fait partie l'entreprise qui l'emploie (Cass. soc. 16-4-2008 n° 07-60.382 FS-PB) ni être désigné DS central (Cass. soc. 1-2-2006 n° 05-60.163 F-P).

La même solution a été appliquée à propos de la désignation d’un RSS : un salarié qui dispose d'une délégation écrite d'autorité permettant de l'assimiler au chef d'entreprise ne peut pas être désigné en qualité de RSS, même si la délégation porte sur un périmètre plus restreint que celui de sa désignation (Cass. soc. 15-10-2015 n° 14-25.680 F-D).

Il a aussi été précisé que l’existence d’une délégation particulière d'autorité, même si elle n'a pas été expressément acceptée, suffit à faire obstacle à la désignation en qualité de DS ou représentant syndical au CSE (Cass. soc. 4-4-2007 n° 06-60.124 F-PB). Ainsi jugé à propos du secrétaire général d'un organisme ayant reçu par écrit une délégation globale de signature du directeur général (Cass. soc. 29-6-2005 n° 04-60.093 FS-PB), d'un directeur de magasin disposant, pour l'établissement qu'il dirige, d'une délégation écrite d'autorité permettant de l'assimiler au chef d'entreprise (Cass. soc. 1-2-2006 n° 05-60.163 F-P) ou d'un salarié qui, en raison d'une délégation particulière d'autorité, est assimilé au chef d'entreprise dans l'une des sociétés constitutives d'une UES (Cass. soc. 16-4-2008 n° 07-60.382 FS-PB).

Dans l’affaire ayant conduit à l’arrêt du 20 décembre, le salarié, directeur des achats, a fait l’objet de 2 subdélégations de pouvoirs de l’employeur de la part de son supérieur hiérarchique.

Mais le tribunal judiciaire a relevé que :

  • ces subdélégations n’étaient pas signées ;

  • rien n’établissait que le salarié ait été informé de leur existence et de leur contenu.

Les juges notent, par ailleurs, que le salarié n'est décisionnaire ni du recrutement des candidats ni des prolongations de contrats, des promotions ou augmentations, qu'en ce qui concerne l'organisation du service d'activités placé sous sa responsabilité il n'est pas en capacité de décider en autonomie des changements qui lui paraissent appropriés, qu'il n'a pas le pouvoir de décider de la rupture des contrats de travail, ne dispose pas de pouvoir disciplinaire autonome à l'égard des salariés sous sa responsabilité et ne représente pas l'employeur à cet effet.

Dès lors, ils ont estimé qu’il n’y avait pas lieu d’en déduire que le salarié dispose d’une délégation écrite particulière d’autorité lui permettant d’être assimilé au chef d’entreprise.

La Cour de cassation valide ce raisonnement.

A noter :

Retenons que, pour qu’une délégation écrite particulière d’autorité de l’employeur fasse obstacle à la désignation d’un salarié à un mandat syndical, encore faut-il que celle-ci ait été portée à la connaissance du salarié. Si la signature de ladite délégation n’est pas spécifiquement requise, il peut s’agir d’un élément de preuve permettant de démontrer la connaissance par le salarié de son existence.

… ou du fait qu’il représente l’employeur devant les institutions représentatives du personnel

L'exercice de certaines responsabilités, en particulier des obligations relevant exclusivement de l’employeur devant les institutions représentatives du personnel, est aussi incompatible avec l'exercice d'un mandat syndical ou d’un mandat de représentant du personnel.

Ainsi ne peut pas être désigné en qualité de DS le salarié qui représente effectivement l'employeur devant les institutions représentatives du personnel, même en l’absence de délégation écrite d’autorité (Cass. soc. 12-7-2006 n° 05-60.300 FS-PB).

Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 20 décembre 2023, les juges ont relevé qu'il ne ressortait d'aucun élément que le salarié ait représenté l'employeur devant les institutions représentatives du personnel.

Si, en tant que directeur des achats de la société, le salarié avait la capacité de représenter la société auprès des partenaires commerciaux, une telle représentation n’a aucune incidence sur sa capacité de représenter l’employeur auprès des salariés. Les juges du fond, exerçant leur pouvoir souverain, ont pu en déduire, pour la Cour de cassation, qu’il ne représentait pas l’employeur devant les institutions représentatives du personnel et n’exerçait pas à leur égard des obligations relevant exclusivement du chef d’entreprise.

… mais tel n’est pas nécessairement le cas d’un membre du Codir

Pour contester la désignation de l’intéressé en qualité de RSS, la société soutenait que, par principe, en tant que membre du Codir et de l'équipe dirigeante, le salarié avait, de par ses fonctions, accès aux informations et données stratégiques financières, et, globalement, à toutes les informations confidentielles ou stratégiques de l'entreprise.

Les juges retiennent que, si la participation du salarié au Codir démontre un rôle important dans l’organigramme de la société, elle n’est pas corroborée par un statut de cadre dirigeant. Ils ajoutent que le salarié n’est pas placé, dans l’organigramme, à la hauteur des directeurs adjoints qui participent au comité exécutif, qui prend les décisions stratégiques de la société.

La Cour de cassation avait déjà jugé qu’en l’absence de délégation particulière d'autorité, établie par écrit, permettant de l'assimiler au chef d'entreprise un salarié ne pouvait, quelle que soit sa fonction, être exclu du droit d'exercer les fonctions de délégué syndical (à propos d’un responsable des ressources humaines : Cass. soc. 21-5-2003 n° 01-60.882 FS-PB ; et à propos d’un directeur d’agence : Cass. soc. 21-5-2003 n° 02-60.100 FS-PB).

Par cet arrêt, la Cour de cassation confirme que les seuls éléments susceptibles de faire obstacle à l’exercice d’un mandat syndical par un salarié sont :

  • soit l’existence d’une délégation écrite particulière d’autorité lui permettant d’être assimilé au chef d’entreprise, à condition, selon cet arrêt, d’avoir bien été portée à la connaissance de l’intéressé ;

  • soit le fait de représenter effectivement l’employeur devant les institutions représentatives du personnel ou d’exercer au niveau de l’entreprise à l’égard des représentants du personnel les obligations relevant exclusivement du chef d’entreprise.

Tout autre élément, et en particulier le fait d’être membre de l’équipe dirigeante, ne peut à lui seul suffire à écarter par principe le salarié d’un mandat syndical.

A notre avis :

Compte tenu de la généralité des termes employés par la Cour dans l’attendu de principe, cette solution, rendue à propos d’une désignation en qualité de RSS, est transposable selon nous à tout autre mandat syndical (DS, DS central, représentant syndical au CSE…).

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