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Le mi-temps thérapeutique ne peut pas minorer la prime de participation

Fondant sa décision sur l’interdiction de toute discrimination en raison de l’état de santé du salarié, la Cour de cassation juge que la période de mi-temps thérapeutique doit être assimilée à une période de présence dans l’entreprise pour la répartition de la participation aux résultats.


Par Fanny DOUMAYROU
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©Gettyimages

Cass. soc. 20-9-2023 n° 22-12.293 FS-B, Sté Newrest wagons-lits France c/ Y.

Le principe de non-discrimination posé par l’article L 1132-1 du Code du travail irrigue toutes les dimensions de la relation de travail, comme en témoigne l’arrêt rendu le 20 septembre par la chambre sociale de la Cour de cassation. Appliquant l’interdiction de toute discrimination en raison de l’état de santé du salarié, la Haute Juridiction juge que doivent être neutralisées, pour le calcul de la prime de participation, les heures non travaillées par le salarié dans le cadre d’un mi-temps thérapeutique.

Une salariée en mi-temps thérapeutique après un accident du travail…

Dans cette affaire, une salariée embauchée comme commerciale par une société de restauration à bord des trains avait été placée en arrêt de travail du 4 mai au 6 décembre 2015 après un accident du travail, puis avait repris le travail en mi-temps thérapeutique du 6 décembre 2015 au 8 août 2016. Début 2019, elle avait saisi le conseil de prud’hommes d’une demande de rappel de prime de participation au titre de l’exercice 2015-2016 comprenant sa période de travail à mi-temps thérapeutique. Elle réclamait également des dommages-intérêts, tout comme le syndicat CFDT, qui était intervenu volontairement à l’instance.

Pour rappel, selon l’article L 3324-5 du Code du travail, un accord de participation peut prévoir une répartition de la réserve spéciale selon trois modalités, qui peuvent être utilisées conjointement. La réserve peut être partagée : 

  • soit de manière uniforme entre tous les salariés ; 

  • soit proportionnellement au salaire perçu ; 

  • soit proportionnellement à la durée de présence.

Dans tous les cas, le Code du travail assimile certaines absences à du temps de présence effective, notamment les congés de maternité, de paternité et d’adoption, et les suspensions du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle (C. trav. art. L 3324-6). Pour ces périodes d’absence, les salaires à prendre en compte sont ceux qu’aurait perçus le bénéficiaire s’il n’avait pas été absent (C. trav. art. D 3324-11).

Des dispositions similaires existent pour la répartition de l’intéressement (C. trav. art. L 3314-5 et R 3314-3).

… subit un abattement sur sa prime de participation

En l’espèce, l’accord de participation de l’entreprise prévoyait une répartition en fonction du nombre d’heures de travail effectuées ou assimilées au cours de l’exercice. Il reprenait les assimilations à une présence effective prévues par l’article L 3324-6 du Code du travail, en ajoutant les journées de formation suivies dans le cadre du plan de formation de l’entreprise.

Les heures non travaillées dans le cadre du mi-temps thérapeutique n’étant pas assimilées à du temps de présence, ni par la loi ni par l’accord, l’entreprise avait appliqué un abattement pour le calcul de la prime de participation de la salariée, comme si elle avait été en temps partiel « classique ». Cette dernière contestait cette pénalisation pour un mi-temps faisant suite à un accident du travail.

Le conseil de prud’hommes, statuant en dernier ressort, avait fait droit à ses demandes, lui accordant quelque 222 € de rappel de prime de participation, 1 500 € de dommages-intérêts, ainsi que 500 € de dommages-intérêts pour le syndicat représentant l’intérêt collectif de la profession. 

Selon le jugement rendu en départage, si l’accord de participation de l’entreprise assimile l’arrêt de travail consécutif à un accident du travail à une période de travail effectif, l’esprit du texte veut que le mi-temps thérapeutique qui lui fait suite bénéficie également de cette assimilation. Faute de quoi le salarié serait mieux traité lorsqu’il est en arrêt de travail total pour accident du travail que lorsqu’il reprend le travail en mi-temps thérapeutique.

A noter :

Ce raisonnement rejoint la solution adoptée par la chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt non publié rendu en 2011. S’agissant du calcul de prime d’intéressement, elle avait jugé que la période de mi-temps thérapeutique consécutive à un arrêt de travail pour accident du travail devait être assimilée à une période de présence, comme l’arrêt de travail lui-même (Cass. soc. 16-6-2011 n° 08-44.616). La solution était transposable à la participation, du fait de la similarité des textes sur ce point.

La non-discrimination en raison de l’état de santé exclut toute minoration de la prime en cas de mi-temps thérapeutique…

La société s’était pourvue en cassation, soutenant qu’aucune disposition légale ni conventionnelle ne prévoit cette assimilation du mi-temps thérapeutique à une période de présence effective.

La chambre sociale de la Cour de cassation rejette le pourvoi, après avoir écarté la motivation des juges du fond au profit d’un motif de pur droit relevé d’office. Elle rend en effet sa décision au visa de l’article L 1132-1 du Code du travail, qui prohibe toute discrimination, directe ou indirecte, à l’égard du salarié en raison de son état de santé.

Combinant ce principe avec les dispositions régissant la répartition de la participation, l’arrêt déclare ainsi que la période pendant laquelle un salarié, en raison de son état de santé, travaille selon un mi-temps thérapeutique doit être assimilée à une période de présence dans l’entreprise.

Il ajoute que le salaire à prendre en compte pour le calcul de l’assiette de la participation due à ce salarié est le salaire perçu avant le mi-temps thérapeutique et l’arrêt de travail pour maladie l’ayant, le cas échéant, précédé.

A notre avis :

Le principe posé par cet arrêt pour le mi-temps thérapeutique devrait logiquement valoir pour tout travail à temps partiel thérapeutique mis en place sur proposition du médecin traitant par application des articles L 323-3 et L 433-1 du CSS. Pour rappel, cet aménagement du temps de travail ne fait désormais plus nécessairement suite à une période d’arrêt complet du travail.

... qu’il fasse suite ou pas à un accident du travail

La solution donnée par la chambre sociale de la Cour de cassation rejoint celle de l’arrêt rendu en 2011 pour une victime d’accident du travail (voir ci-dessus), mais son fondement et sa portée sont tout autres. En effet, la réponse de la Cour vise le mi-temps thérapeutique de manière générale, n’évoquant l’accident du travail que dans le rappel des faits constatés par le conseil de prud’hommes. De plus, l’arrêt ne fait aucune référence à l’article L 3324-6 du Code du travail, qui prévoit l’assimilation de l’arrêt de travail après un accident du travail ou une maladie professionnelle à une période de présence, suggérant ainsi que la solution n’est pas une conséquence de cette disposition spécifique aux victimes d’AT-MP.

Ce choix rédactionnel indique, selon nous, que la solution a vocation à s’appliquer à tout mi-temps (ou temps partiel) thérapeutique, quelle qu’en soit la cause initiale.

A noter :

Cette approche semble conforme au principe de non-discrimination en raison de l’état de santé du salarié, qui n’établit pas de distinction selon l’origine, professionnelle ou pas, des problèmes de santé. 

La solution nous semble par ailleurs transposable à l’intéressement du fait de la similarité des dispositions relatives aux critères de répartition.

A noter :

Cet arrêt s’inscrit dans une série de décisions de la Cour de cassation faisant application de l’article L 1132-1 du Code du travail pour neutraliser les conséquences financières d’une période d’arrêt maladie ou de temps partiel thérapeutique, avec l’obligation de se placer avant l’arrêt ou le temps partiel pour l’appréciation du salaire de référence. Pour le calcul de l’indemnité de licenciement, la Cour de cassation a ainsi jugé que, lorsque le salarié était en arrêt au moment du licenciement, le salaire de référence est celui des 12 ou 3 derniers mois précédant l’arrêt de travail (Cass. soc. 23-5-2017 n° 15-22.223 FS-PBRI). Pour le calcul de l’indemnité pour violation du statut protecteur du salarié protégé, elle a jugé qu’il fallait prendre en compte la rémunération moyenne du salarié, incluant les commissions, perçue pendant les 12 mois précédant son arrêt de travail pour maladie (Cass. soc. 1-6-2023 n° 21-21.191 FS-B).

Vers une extension de la solution à l’arrêt maladie lui-même ?

L’arrêt pourrait être porteur, par rebond, d’une conséquence plus importante encore : si les heures non travaillées dans le cadre d’un mi-temps thérapeutique consécutif à une maladie ou à un accident d’origine non professionnelle bénéficient de l’assimilation à du temps de présence, une période d’arrêt maladie total d’origine non professionnelle devrait elle-même en bénéficier. En effet, un même type d’absence devrait relever du même régime au regard du calcul de la participation ou de l’intéressement, selon le principe de proportionnalité. De plus, le raisonnement fondé sur la non-discrimination, qui est ici appliqué à la période d’absence au titre du mi-temps thérapeutique, devrait valoir de la même manière à une période de complète absence pour maladie. La solution reste toutefois à confirmer.

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© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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