icone de recherche
logo
Accueil/ Actualités - La Quotidienne/ Immobilier/ Bail de droit commun

L'obligation de délivrance du bailleur est exigible pendant toute la durée du bail

Les obligations de délivrance et de jouissance paisible du bailleur sont exigibles pendant toute la durée du bail, de sorte que le locataire peut agir à tout moment du bail en exécution forcée lorsque le bailleur persiste à ne pas les respecter.

Cass. 3e civ. 4-12-2025 n° 23-23.357 FS-B


quoti-20251219-immo2.jpg

©Gettyimages

En 2012, un bail commercial est conclu pour une durée de 9 ans. En 2020, le locataire assigne le bailleur pour obtenir sa condamnation à réaliser divers travaux de réparation rendus nécessaires par la vétusté et à l’indemniser de ses préjudices.

La cour d’appel déclare ces demandes irrecevables comme étant prescrites au motif que le preneur connaissait, avant même l’entrée en jouissance des lieux, leur vétusté, de sorte que les demandes étaient prescrites à compter de 5 ans après la prise d’effet du bail.

L’arrêt est cassé : les obligations de délivrance et de jouissance paisibles sont exigibles pendant toute la durée du bail ; ainsi, la persistance du manquement du bailleur à celles-ci constitue un fait permettant au locataire d’exercer une action en exécution forcée de ses obligations par le bailleur.

A noter :

Le bailleur est obligé de délivrer au preneur la chose louée (C. civ. art. 1719, 1°), en bon état de réparations de toute espèce (C. civ. art. 1720). Il doit y faire, pendant la durée du bail, toutes les réparations qui peuvent devenir nécessaires, autres que locatives (C. civ. art. 1720). L’obligation du bailleur s’entend non seulement de la délivrance matérielle de la chose louée, mais également de sa délivrance « juridique », c’est-à-dire permettant l’exploitation prévue au contrat.

L’obligation de délivrance persiste tout au long du bail, la chose louée devant être maintenue en bon état de servir à sa destination contractuelle (Cass. 3e civ. 10-9-2020 n° 18-21.890 : BPIM 6/20 inf. 425).

Avant l’entrée en vigueur de la loi Pinel du 18 juin 2014, et de son décret d’application du 3 novembre 2014, la répartition des obligations de réparation et d’entretien ne faisait l’objet d’aucune disposition spécifique du statut des baux commerciaux, de sorte qu’il convenait de se reporter au droit commun du bail. Ainsi, l’obligation de délivrance pouvait être limitée par des clauses du bail transférant au locataire la charge des travaux d’entretien ou de réparation, ou des travaux imposés par l’administration ou de mise en conformité, à l’exclusion de ceux rendus nécessaires par les vices affectant la structure de l’immeuble, non transférables au locataire. Mais ce transfert de charges était subordonné à la présence, dans le contrat, d’une clause le prévoyant expressément (Cass. 3e civ. 8-9-2016 n° 15-17.532), étant précisé que les clauses dérogatoires aux règles de droit commun sont interprétées de manière restrictive. 

En l’espèce, la cour d’appel a retenu que la connaissance qu’avaient les preneurs de l’état de vétusté initial du local donné à bail, qui ne les avait pas empêchés d’exploiter leurs activités, justifiait de déclarer leur action prescrite en application de la prescription quinquennale de l’article 2224 du Code civil, comme ayant été introduite plus de 5 ans après le début de bail.

Mais la Cour de cassation censure cet arrêt : les obligations de délivrance et de jouissance paisible du bailleur sont continues. Elles perdurent pendant toute la durée du bail. Il en résulte que le locataire peut agir en exécution forcée pendant tout le bail, tant que le bailleur persiste à ne pas respecter ses obligations, peu important à cet égard qu’il ait eu connaissance, dès la signature du bail, de la vétusté des locaux, ce qui n’est pas de nature à dispenser le bailleur de ses obligations.

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne