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Accueil/ Actualités - La Quotidienne/ Affaires/ Pouvoirs et responsabilité des dirigeants et mandataires sociaux

Organiser l'insolvabilité d'une société est une faute du dirigeant séparable de ses fonctions

Le président d'une SAS ayant abandonné un chantier chez un client commet une faute séparable de ses fonctions engageant sa responsabilité à l'égard du client pour avoir organisé l'insolvabilité de la société et ne pas avoir souscrit d'assurance couvrant les travaux.

CA Douai 16-10-2025 n° 23/04804


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©Gettyimages

Un client commande à une société par actions simplifiée (SAS) la construction d'une piscine dans son jardin et lui verse d'importants acomptes. Peu de temps après le démarrage des travaux, la SAS abandonne le chantier sans répondre aux relances du client, qui engage alors la responsabilité de la société ainsi que celle de son président et associé unique. La résolution du contrat aux torts exclusifs de la société est prononcée par un tribunal de commerce, qui condamne la SAS au paiement de dommages-intérêts mais pas son président, au motif qu'il n'existe pas de lien contractuel entre ce dernier et le client.

La cour d'appel de Douai juge au contraire que le président de la SAS a aussi engagé sa responsabilité à l'égard du client, dès lors qu'il a commis une faute séparable de ses fonctions en privant le client de la possibilité d'entreprendre une mesure d'exécution contre la société ou d'agir contre l'assureur de celle-ci. En effet, le président avait organisé l'insolvabilité de la SAS en transférant son siège au Royaume-Uni et en radiant la société du registre du commerce et des sociétés en France avant de la dissoudre. Par ailleurs, aucune assurance décennale n'avait été souscrite par le président au nom de la SAS alors qu'une telle assurance était obligatoire en raison de la nature du chantier entrepris et qu'un défaut d'assurance était de nature à engager la responsabilité pénale du président.

Par suite, le président est condamné au paiement de dommages-intérêts en réparation des préjudices subis par le client résultant des frais de travaux engagés en pure perte, des dégâts causés à son jardin et des tracas inhérents aux procédures introduites.

A noter :

Pour engager la responsabilité d'un dirigeant à l'égard des tiers, une jurisprudence constante impose de caractériser une faute séparable de ses fonctions qui lui soit imputable personnellement (notamment, Cass. com. 27-1-1998 n° 93-11.437 P : RJDA 5/98 n° 610 ; Cass. com. 20-5-2003 n° 99-17.092 FS-B : RJDA 8-9/03 n° 842). Il en va ainsi lorsque le dirigeant commet intentionnellement une faute d'une particulière gravité incompatible avec l'exercice normal des fonctions sociales (Cass. com. 20-5-2003 précité ; Cass. com. 7-7-2004 n° 02-17.729 F-D : RJDA 11/04 n° 1223).

L'atteinte aux droits des créanciers sociaux peut constituer une faute séparable des fonctions. Tel est le cas du dirigeant social qui, ayant eu connaissance d'un litige à venir, effectue des prélèvements excessifs par anticipation sur les bénéfices sociaux afin de faire échapper ces sommes au gage des créanciers (Cass. com. 6-11-2007 n° 05-13.402 F-D : RJDA 2/08 n° 157). Il en va de même du dirigeant d'une filiale qui s'est abstenu de déclarer une créance au passif de la société mère en redressement judiciaire afin de l'avantager au détriment des créanciers de la filiale, qui ont ainsi été privés d'un éventuel paiement dans le cadre du plan de redressement de la société mère (Cass. com. 27-5-2014 n° 12-28.657 F-PB : RJDA 8-9/14 n° 703). La solution retenue dans la présente décision illustre de façon extrême une atteinte aux droits des créanciers par privation de tout recours effectif.

Une faute séparable des fonctions de dirigeant peut également résulter de la commission par ce dernier d'une infraction pénale intentionnelle (Cass. com. 28-9-2010 n° 09-66.255 FS-PBRI : RJDA 1/11 n° 51). Le délit de non-souscription d'assurance construction obligatoire constitue ainsi une faute détachable des fonctions de dirigeant (Cass. com. 28-9-2010 précité ; Cass. 3e civ. 10-3-2016 n° 14-15.326 FS-PB : RJDA 6/16 n° 451).

Documents et liens associés : 

CA Douai 16-10-2025 n° 23/04804

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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