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Accueil/ Actualités - La Quotidienne/ Immobilier/ Responsabilité des constructeurs

Ouvrage édifié par l’usufruitier : le nu-propriétaire du terrain ne peut pas agir en garantie décennale

L’action en garantie décennale étant attachée à la propriété de l’ouvrage, le nu-propriétaire d’un terrain sur lequel l’usufruitier a fait édifier une construction n’a pas qualité pour exercer l’action relative à cet ouvrage.

Cass. 3e civ. 13-4-2023 n° 22-10.487 FS-B, C. c/ Sté MJS Partners


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©Gettyimages

Un particulier fait construire une piscine sur un terrain dont il a l’usufruit et dont la nue-propriété appartient à une SCI. Se plaignant de désordres après réception, la SCI assigne les constructeurs et leurs assureurs en indemnisation. L’usufruitier intervient à l’instance.

La cour d’appel déclare la SCI irrecevable en son action en garantie décennale contre les constructeurs.

La SCI se pourvoit en cassation en soutenant qu’elle a acquis la propriété de la piscine par accession.

La Cour de cassation rejette son pourvoi : n’étant pas propriétaire de l’ouvrage affecté de désordres, la SCI nue-propriétaire ne peut pas exercer l’action en garantie décennale que la loi attache à la propriété de l’ouvrage. La Haute Juridiction précise que si, en l’absence de convention réglant le sort de la construction la propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous en application de l’article 552 du Code civil, le droit d’accession du nu-propriétaire du fonds sur lequel l’usufruitier a élevé la construction est régi par l’article 555 du même Code et n’opère qu’à la fin de l’usufruit. L’arrêt cite une décision en ce sens (Cass. 3e civ. 19-9-2012 n° 11-15.460 FS-B : Bull. civ. III n° 128).

A noter :

Cette solution ne fait guère de doute. Les particuliers qui conservent l’usufruit d’un fonds et constituent une SCI qui en reçoit la nue-propriété seraient bien avisés de la retenir. En effet, sauf convention « réglant le sort de la construction » réservée par l’arrêt, l’usufruitier qui fait réaliser une construction nouvelle sur le terrain objet du démembrement n’en devient pas propriétaire. Il ne dispose donc pas de la garantie décennale prévue par l’article 1792 du Code civil, laquelle est attachée à la propriété de l’ouvrage et non à sa jouissance ; il ne peut agir que sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun pour obtenir réparation des dommages résultant de la mauvaise exécution du contrat de louage d’ouvrage qu’il a conclu (Cass. 3e civ. 16-11-2022 n° 21-23.505 FS-B : BPIM 1/23 inf. 36). Une telle action relèverait sans doute de l’article 1792-4-3 du Code civil si l’usufruitier est maître de l’ouvrage, mais elle ne donnerait pas lieu à garantie de l’assurance obligatoire…

L’arrêt prive aussi de la garantie décennale le nu-propriétaire car il n’est pas propriétaire de la construction édifiée par l’usufruitier. Il ne le deviendra que lors de l’extinction de l’usufruit, c’est-à-dire au décès de l’usufruitier. N’étant pas propriétaire du terrain, il ne peut pas invoquer la théorie de l’accession (C. civ. art. 552) selon laquelle la propriété du sol emporte la propriété du dessus.

De surcroît, le nu-propriétaire n’a ni la qualité de maître de l’ouvrage ni celle d’ayant cause et ne semble donc pas pouvoir agir en responsabilité de droit commun, fût-ce à titre préventif, l’intérêt actuel et certain étant discutable… Reste à savoir comment une convention peut régler le sort de la propriété de la construction de façon à permettre à l’une ou l’autre des personnes concernées d’agir sur le fondement de l’article 1792 du Code civil. L’arrêt du 16 novembre 2022 avait laissé entendre qu’un mandat du nu-propriétaire pouvait être envisagé dans ses relations avec l’usufruitier… Mais si aucun d’eux ne dispose du droit à garantie, quel serait la valeur et l’objet de ce mandat ? Les deux parties pourraient-elles agir conjointement ? On notera qu’en l’espèce, l’usufruitier et le nu-propriétaire étaient demandeurs au pourvoi ; mais peut-être n’étaient-ils pas demandeurs conjoints à l’instance au fond. Conviendrait-il alors que l’usufruitier renonce tout simplement à son usufruit au moins sur la parcelle supportant l’ouvrage ou encore qu’un accord des parties confère à l’usufruitier un droit de superficie viager, ce qui pourrait se concevoir lorsque la SCI est familiale et qu’elle a été créée par les membres de la famille qui ont conservé l’usufruit ? Voilà un arrêt qui va donner du grain à moudre aux notaires…   

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© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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