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Plan stratégique de l’ANC 2023 : la redéfinition des objectifs et des priorités pour les 3 années à venir

Robert Ophèle, président de l’ANC, revient, au cours d’une interview accordée à notre rédaction, sur le plan stratégique de l’ANC pour 2024 à 2026. Il évoque les nouvelles responsabilités de l’ANC face à la montée en puissance des informations « extra-financières », mais également ses ambitions pour les normes comptables françaises et internationales.

Plan stratégique de l’ANC 2023 du 19-7-2023 ; www.anc.gouv.fr


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©PwC

Les priorités en matière de normes de durabilité

La rédaction : L’ANC est chargée aujourd’hui d’établir sous forme de règlements les prescriptions comptables que doivent respecter les entités devant établir des documents comptables conformes aux normes de la comptabilité privée. Elle participe en outre aux travaux de l’Efrag et de l’IASB et peut émettre des avis et des prises de position dans le cadre de la procédure d’élaboration des normes comptables internationales.

Pour ce faire, sa gouvernance s’appuie actuellement sur un collège, ainsi que sur deux commissions : la commission des normes comptables privées (CNP) et la commission des normes comptables internationales (CNI).

L’ordonnance 2023-1142 du 6 décembre 2023, transposant en droit français la CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive), élargit les compétences de l’ANC aux informations de durabilité. Pour rappel, la CSRD va en effet obliger environ 50 000 entreprises de l’Union, progressivement d’ici à 2029, à établir et publier un rapport de durabilité.

Quel est le nouveau rôle de l’ANC ?

Robert Ophèle : Avec la CSRD, l’Union européenne a décidé d’établir ses propres normes en matière de durabilité, les ESRS (« European Sustainability Reporting Standards »). Par ailleurs, des normes sont en cours d’élaboration au niveau international, les ISRS (« International Sustainability Reporting Standards ») sous l’égide de la Fondation IFRS, par l’ISSB (International Sustainability Standards Board).

La CSRD ne comporte pas d’option laissée aux États membres concernant ces normes, ce qui ne laisse pas de place pour une normalisation nationale. En conséquence, les compétences de l’ANC ont été étendues pour qu’elle puisse :

  • participer aux travaux des instances européennes et internationales et émettre des avis et prises de position dans le cadre de la procédure d’élaboration des ESRS et des ISRS ;

  • contribuer à l’application homogène des normes et veiller à la coordination et à la synthèse des travaux théoriques et méthodologiques conduits dans ses domaines de compétence.

L’ANC donnera par ailleurs un avis sur tout projet de disposition législative ou réglementaire élaboré par les autorités nationales prévoyant la publication par les entreprises d’informations sur les enjeux environnementaux, sociaux ou de gouvernance.

Pour ce faire, sa structure a été modifiée, avec notamment la constitution d’une nouvelle commission des normes d’information en matière de durabilité.

Sur les nouvelles missions confiées à l’ANC concernant les informations en matière de durabilité, voir FRC 3/24 inf. 7.

La rédaction : Au niveau de l’UE, la Commission européenne a d’ores et déjà adopté ses 12 premières normes non sectorielles (acte délégué du 31 juillet 2023, voir FRC 8-9/23 inf. 7). Elles sont applicables dès l’exercice 2024 pour les premiers adoptants (les plus grandes EIP ayant plus de 500 salariés).

En complément de la mise en place des normes générales, il est prévu d’autres étapes dans le dispositif : l’adoption de normes sectorielles (prévue pour 2026), la digitalisation des rapports (prévue pour 2027), l’émission d’une assurance « raisonnable » par les vérificateurs des rapports (prévue pour 2028). En somme, la normalisation pourrait ne couvrir tous les champs visés que d’ici à la fin de cette décennie.

Sur le calendrier détaillé de l’application de la CSRD et les différents seuils pour les entités visées en France, voir FRC 1/24 inf. 6.

Quels sont les objectifs de l’ANC ?

Robert Ophèle : L’objectif principal de l’ANC pour les trois prochaines années sera d’assurer la finalisation et la bonne mise en œuvre de la CSRD. Nous nous sommes fixé quatre axes d’intervention.

Axe 1Contribuer à l’élaboration des normes de qualité par l’Efrag (European Financial Reporting Advisory Group)

L’ANC participera activement à l’élaboration des normes via des groupes de travail ad hoc rassemblant les parties prenantes françaises concernées (entreprises, auditeurs, analystes, investisseurs, autorités publiques…). Elle assumera un rôle d’interface naturelle entre l’Efrag et ces parties prenantes, en organisant un dispositif favorisant une analyse des problématiques soulevées par les normes, via sa nouvelle commission de durabilité, ainsi que des réunions de place avec l’Efrag.

Par ailleurs, on sait que l’Efrag a un problème de ressources pour assurer ses nouvelles missions, même si elles sont en large partie financées par des contributions sur le budget de l’Union. L’ANC devra jouer tout son rôle pour donner à l’Efrag les moyens dont il a besoin pour assurer la qualité de ses travaux.

Axe 2Contribuer à une bonne prise en compte de ces normes de durabilité par les parties prenantes françaises

Les trois prochaines années seront clé du point de vue de l’effort pédagogique à déployer pour assurer une bonne compréhension des nouvelles exigences de l’ensemble des parties prenantes. L’ANC participera activement à cet effort, via son site internet, en s’associant aux initiatives d’autres autorités et associations concernées (Cnoec, CNCC, Banque de France, AMF, IFA…), en organisant des webinaires ou d’autres manifestations, en province notamment.

À titre d’exemple récent, l’ANC a publié en décembre 2023 un guide sur l’application des 12 normes ESRS (« European Sustainability Reporting Standards ») [Ndlr : pour plus de détails, voir FRC 3/24 inf. 8].

Axe 3Contribuer à la cohérence dans la prise en compte de la durabilité

En effet, dans le cadre français, de nombreux textes réglementaires font référence à des informations de durabilité. La CSRD doit permettre d’éviter les doublons et de simplifier les dispositifs en se référant aux informations à fournir dans le rapport de durabilité. L’ANC peut jouer un rôle dans cette simplification en donnant un avis formel et public sur les textes introduisant une information de durabilité.

La cohérence doit également être européenne, entre les nombreux textes réglementaires couvrant le domaine financier, je pense en particulier au SFDR, qui doivent désormais être simplifiés en s’appuyant pleinement sur la CSRD.

En outre, l’ANC plaide pour une approche européenne homogène et exigeante des normes d’assurance.

Axe 4Accompagner les parties prenantes sur d’autres missions subsidiaires

Par exemple, l’ANC pourra :

  • répondre aux consultations de l’ISSB et favoriser l’interopérabilité des normes ;

  • promouvoir régulièrement les bonnes pratiques ;

  • accompagner les acteurs français dans la digitalisation des rapports de durabilité.

Les priorités en matière de normes comptables internationales

La rédaction : Les normes arrêtées par l’IASB s’imposent, après homologation par la Commission européenne prise sur avis technique de l’Efrag, aux entreprises de l’Union européenne dont les titres sont cotés sur un marché réglementé pour établir leurs comptes consolidés. Les interprétations de ces normes arrêtées par l’IFRS-IC s’imposent aux entreprises. L’influence de l’ANC sur leur élaboration est limitée.

Si l’ANC a développé progressivement une participation active dans les travaux de l’IASB, l’efficacité de son action reste difficile à évaluer. En effet, dans bien des cas les préconisations de l’ANC, comme celles des autres normalisateurs nationaux, n’ont pas été suivies.

Dans ce contexte, quels sont les objectifs de l’ANC ?

Robert Ophèle : Gagner en influence. L’ANC s’est fixée plusieurs axes d’intervention dont une participation davantage en amont du cycle de normalisation, ainsi qu’un accompagnement de l’émergence de la durabilité dans le reporting financier.

Axe 1 – Investir sur les stades d’amont du cycle de normalisation comptable (« Discussion Paper » et « Exposure Draft »)

Sur la base du programme de travail de l’IASB pour les prochaines années, les priorités de l’ANC s’incarneraient sur les projets suivants :

  • principaux projets pour lesquels des « Exposure Drafts » sont attendus : « Goodwill and Impairment » et « Dynamic Risk Management » (priorités) et également « Financial Instruments with Characteristics of Equity » ;

  • principaux projets post-« Exposure Drafts » : « Primary Financial Statements » (priorité) et également « Management Commentary », « Rate-regulated Activities ».

Il est nécessaire de continuer à travailler avec l’ensemble des parties prenantes de l’ANC (préparateurs, profession comptable, régulateurs et utilisateurs des états financiers), notamment dans le cadre de la nouvelle procédure de l’IASB visant à l’évaluation des effets des nouvelles normes IFRS trois ans environ après sa date de première application. Les travaux de l’ANC porteront principalement sur les revues des normes IFRS 9 et IFRS 17, normes ayant fait l’objet d’aménagement lors de leur homologation en Europe.

Enfin, le renforcement des relations bilatérales avec nos homologues européens et non européens doit en outre être poursuivi.

Axe 2 – Accompagner l’émergence de la durabilité dans le reporting financier

L’ANC a notamment prévu de suivre les problématiques comptables associées à la transition ve rs un modèle économique durable. Ces problématiques peuvent être nouvelles ou remises au goût du jour, comme les contrats pour usage propre ou la comptabilisation des droits d’émission, par exemple. L’ANC doit également accompagner activement l’IASB dans la réflexion qu’il a lancée sous le titre actuel « Climate-related Risks in the Financial Statements » et qui pourrait couvrir d’autres risques de long terme.

Plus largement, l’ANC doit accompagner la connectivité entre le reporting comptable et le reporting de durabilité. Dans la mesure où ces deux formes de reportings se font le miroir de problématiques communes, il est important qu’elles interagissent afin d’éviter toute duplication d’informations, toute incohérence ou tout conflit. Cet enjeu a été clairement identifié par l’Efrag comme un sujet majeur de réflexion pour les années à venir, qui a ouvert un groupe de travail sur ce thème. L’ANC doit contribuer à ces travaux, voire à ceux de l’IASB/ISSB en la matière.

Enfin, l’ANC doit accompagner les réflexions sur la nécessité de parvenir à un reporting proposant une vue holistique de la façon dont une entreprise crée de la valeur ainsi que des risques et des opportunités susceptibles d’affecter son modèle économique. L’Efrag prévoit de réfléchir sur ce sujet, notamment à un stade plus avancé de son projet dédié à la connectivité. L’ISSB pourrait également initier des travaux conjointement avec l’IASB sur un projet intitulé « Integration in reporting ». Il est important que l’ANC puisse être en veille active sur ce sujet et participer aux discussions à venir.

Les priorités en matière de normes comptables françaises

La rédaction : Dans son plan stratégique 2020-2022, l’ANC retenait quatre axes de travail pour promouvoir un dispositif comptable français adapté et performant :

  • définir le cadre d’aujourd’hui et de demain du référentiel comptable et réfléchir sur les modalités d’application des principes selon la taille des entités ;

  • compléter et adapter le référentiel comptable aux problématiques transverses ;

  • accompagner les évolutions spécifiques de tous les acteurs (problématiques sectorielles) ;

  • sécuriser les traitements comptables et fiscaux liés et renforcer la connexion fiscalo-comptable.

Où en est l’ANC sur ces axes de travail ? Quelles sont les priorités pour les trois prochaines années ?

Robert Ophèle : L’ANC s’est fixée comme objectif de poursuivre dans cette direction, tout en accordant la priorité aux sujets d’actualité.

Axe 1 – Adapter le cadre du référentiel comptable français

Une priorité moyenne est accordée à ce premier axe de travail. Les « Principes sous-jacents à l’élaboration par l’ANC des normes comptables françaises » établis en 2022 constituent désormais le cadre de référence pour déterminer les évolutions du référentiel comptable français. Le collège n’a en revanche pas souhaité engager une réflexion sur la pertinence d’un cadre comptable unique et sur l’option qui pourrait ainsi être laissée aux entreprises qui établissent leurs comptes consolidés conformément aux IFRS d’utiliser également ce référentiel pour leurs comptes sociaux.

Axe 2 – Compléter et adapter le référentiel comptable aux problématiques transverses

Une priorité élevée est accordée à l’achèvement des travaux lancés, mais notre ambition reste modérée pour engager de nouveaux chantiers.

Ainsi seront clôturés les travaux suivants sur :

  • le chiffre d’affaires ;

  • les modalités de comptabilisation des regroupements d’entités au sein des groupes consolidés.

Nous avons d’ores et déjà publié le nouveau règlement ANC n° 2023-05 du 10 novembre 2023 sur les Solutions informatiques [Ndlr : pour plus détails, voir FRC 1/24 inf. 2].

Au-delà, nous nous limiterons aux travaux suivants :

  • le traitement comptable des titres ;

  • les questions comptables soulevées par la transition vers une économie verte (certificats d’économie d’énergie, crédits carbone, « power purchase agreement »…) ;

  • le traitement comptable des aides et subventions ;

  • et, enfin, les problématiques de connectivité entre les rapports financier et de durabilité.

Axe 3 – Accompagner les évolutions spécifiques de tous les acteurs

Une priorité faible est accordée à cet axe de travail, au-delà des saisines ponctuelles, qui sont, au demeurant, fréquentes.

Axe 4 – Sécuriser les traitements comptables et fiscaux liés et renforcer la connexion fiscalo-comptable

Il est proposé de n’aborder cet objectif qu’au fil des saisines ponctuelles et des travaux engagés par ailleurs. La coordination avec les services fiscaux serait essentielle pour le traitement du domaine des titres ou la finalisation du dossier « Chiffre d’affaires ». Elle pourrait également être utile dans le secteur de l’assurance (traitement de la provision pour égalisation et des captives de réassurance).

Axe 5 – Mettre en place une procédure de suivi de la mise en œuvre des textes comptables

Ce cinquième axe de travail a été nouvellement identifié. À l’image de ce que pratiquent la plupart des normalisateurs, il nous apparaît utile de mettre en place une procédure de suivi de la mise en œuvre des réglementations passées, dans la mesure où le normalisateur est censé « accompagner » l’application de ses réglementations.

Le premier règlement qui fera l’objet de ce suivi sera le règlement ANC n° 2018-06 relatif au secteur non lucratif. En fonction du résultat obtenu sur ce pilote, des principes pourraient être retenus concernant les critères de choix à utiliser pour sélectionner les règlements à revoir. En particulier, faut-il la réserver aux textes les plus récents ? Peut-on l’appliquer à des textes plus anciens pour lesquels existe un recul suffisant sur leur mise en œuvre ?

L'ESSENTIEL :

L’ANC a rendu public, en juillet dernier, son plan stratégique pour les trois prochaines années dans lequel elle introduit son rôle dans la mise en place des nouvelles normes de durabilité, tout en insistant sur la connectivité de ce dernier avec les missions primaires qui lui avaient été conférées à sa création.

Dans ce contexte, l’ANC a orienté sa stratégie autour des 3 priorités principales qui définissent son champ d’action :

  • les priorités en matière de normes de durabilité avec, notamment, sa contribution à l’élaboration des normes européennes et à une bonne prise en compte de ces règles par les parties prenantes ;

  • les priorités en matière de normes comptables internationales avec, notamment, son influence le plus en amont possible et l’accompagnement de l’émergence de la durabilité dans le reporting financier IFRS ;

  • les priorités en matière de normes comptables françaises avec, notamment, l’achèvement des travaux en cours (produits, restructuration…) et le lancement de sujets clés, toujours dans un souci d’adaptation du PCG aux problématiques transverses, relatifs à la transition vers une économie verte et à la connectivité entre les rapports financier et de durabilité.

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