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Prêter n'est pas transférer : le dilemme des agents de joueurs

Entre un prêt de joueur et un transfert, la frontière est ténue et il n'y a parfois qu'une infime différence. Sur le plan juridique, une différence de taille. Illustration. 

CA Rennes 17 mai 2019 n° 16/00879


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Dans un arrêt récent, la Cour d’appel de Rennes se penche sur une succession de contacts entre le FC Nantes, le club anglais de Bolton et le joueur croate Ivan Klasnic.

En août 2009, le FC Nantes donne mandat à un agent pour transférer trois joueurs de son effectif, dont Ivan Klasnic. 

Le club anglais de Bolton manifeste son intérêt pour ce joueur. Mais il souhaite s’attacher ses services sous la forme d’un prêt et non d’un transfert.

Le prêt est accompagné d’une option d’achat de 2 millions d’euros, que le club anglais peut lever à l’issue de la saison. En cas de transfert définitif du joueur, le FC Nantes s’engage, de son côté, à mandater l’agent de joueurs ayant permis le prêt. 

Tout semble aller pour le mieux, sauf que le club anglais ne lève pas l’option d’achat du joueur croate, que celui-ci rentre donc à Nantes, où il résilie son contrat, avant de partir, libre, signer à… Bolton.

Goûtant peu la manœuvre, l’agent de joueurs sollicité par le FC Nantes décide d’assigner le club français en justice.

La frontière du contrat de travail

L’affaire est d’abord entendue par le Tribunal de Grande Instance (TGI) de Nantes qui, par un jugement en date du 8 octobre 2015, déboute l’agent de ses demandes. Celui-ci, ayant la ferme conviction d’avoir été floué, fait appel de la décision.  

Et c’est finalement par un arrêt rendu le 17 mai 2019 que la Cour d’appel de Rennes confirme le jugement du TGI, dans toutes ses dispositions.

Les magistrats considèrent en effet que le prêt d’un joueur ne rompt pas son contrat de travail avec le club prêteur et que, dès lors, il ne saurait être considéré comme un « transfert temporaire » qui donnerait droit au paiement d’une commission d’agent.

La Cour d’appel s’appuie, pour fonder sa décision, sur les dispositions du contrat entre les parties, sur celles du Code du sport et sur le statut du joueur de la FIFA pour considérer que prêt et transfert restent bien juridiquement distincts l’un de l’autre.

En résumé, le contrat d’un joueur de football est un contrat de travail à durée déterminée (CDD). Le Code du travail prescrit que mettre fin unilatéralement à un CDD est, sauf exception, illicite. Ce qui ouvre droit à des dommages et intérêts pour le joueur ou pour le club, selon l’auteur de la rupture unilatérale. Et c’est sur cette indemnité, dite « indemnité de transfert », qu’est calculée l’indemnité à payer à l’agent du joueur transféré. 

Un transfert ne peut donc être que l’opération selon laquelle un joueur passe, de manière définitive, d’un club à un autre, ce qui implique la rupture du contrat de travail conclu avec le club de départ et la conclusion d'un nouveau contrat de travail avec le club d'accueil.

Puisque, en l’occurrence, le contrat d’Ivan Klasnic avec Nantes a été rompu d’un commun accord entre les parties et qu’aucune indemnité de transfert n’était conséquemment due, la commission d’agent n’avait pas lieu d’être versée.

L’agent de joueurs ayant manifestement travaillé, c’est peut-être sur la réalité du mandat qui lui avait été confié par le FC Nantes et sur le paiement de ses prestations – et non d’une commission sur transfert - que l’agent aurait dû argumenter. Car tout travail mérite salaire. En théorie. 



Thierry GRANTURCO est avocat aux Barreaux de Paris et de Bruxelles, spécialiste de droit du sport et des nouvelles technologies. Il est actif dans le milieu du football professionnel depuis plus de 20 ans après avoir lui-même joué à haut niveau à l'Olympique Lyonnais (OL). Il préside également, entre autres, le fond d’investissement Dodecagone.

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne