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Projet de loi pouvoir d’achat : le point sur les mesures intéressant les employeurs

Présenté en Conseil des ministres le 7 juillet et déposé dans la foulée à l’Assemblée nationale, le projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat laisse la part belle aux employeurs pour améliorer le sort de leurs salariés. Reste à savoir si les entreprises voudront, ou pourront, mettre en œuvre les outils mis à leur disposition.


Par Géraldine ANSTETT
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©Lefebvre-Dalloz

Pour soutenir le pouvoir d’achat des salariés, le projet de loi prévoit la pérennisation de la prime pouvoir d’achat (rebaptisée prime de partage de la valeur), tente de simplifier la mise en œuvre du dispositif d’intéressement et incite fortement les branches à négocier et conclure régulièrement sur les salaires en les menaçant d’une fusion.

A noter :

Le gouvernement projetait de modifier le régime fiscal de la prime transport. Cette mesure devait être intégrée dans le projet de loi de finances rectificative. Interrogé par la rédaction, le cabinet du Premier ministre estime que cette mesure doit encore faire l’objet de discussions notamment avec les entreprises, l’objectif étant de simplifier le mécanisme autant que faire se peut. Cette mesure pourrait donc faire l’objet d’un amendement gouvernemental lors des prochains débats parlementaires.

L’examen du projet de loi par l’Assemblée nationale devait commencer le 18 juillet. L’exécutif espère voir le texte adopter fin juillet-début août pour une entrée en vigueur de la plupart des mesures à la rentrée. Mais le texte étant source de controverses, il y a fort à parier qu’il fera l’objet de longs débats dans le nouvel hémicycle.

La prime de pouvoir d’achat serait pérennisée et renforcée mais pas complètement

Projet art. 1er 

Pour répondre à la contestation de la rue démarrée fin 2018 contre la baisse du pouvoir d'achat (mouvement dit des gilets jaunes), la loi du 24 décembre 2018 portant mesures d'urgence économiques et sociales avait permis aux entreprises, sous certaines conditions, de verser exceptionnellement une prime à leurs salariés (ou à certains d'entre eux) non imposable et exclue de l'assiette des cotisations et contributions sociales dans certaines limites. Fort du succès de cette prime, le dispositif avait été exceptionnellement reconduit en 2020 et 2021, mais pas complètement à l’identique.

Aujourd’hui, le gouvernement propose de le pérenniser, exception faite de sa défiscalisation qui resterait, elle, temporaire.

A notre avis :

Le projet de loi fait état d’une date de versement possible à partir du 1er août 2022. Toutefois, pour plus de sécurité juridique et financière, mieux vaut pour les entreprises attendre la publication de la loi au Journal officiel avant de verser la prime.

Employeurs et bénéficiaires resteraient les mêmes

Ouvriraient toujours droit au bénéfice de la prime (rebaptisée prime de partage de valeur) :

  • les salariés titulaires d'un contrat de travail à la date de versement de la prime, du dépôt de l'accord ou de la signature de la décision unilatérale de l'employeur (DUE) actant le versement de cette prime ;

  • les agents publics relevant de l'établissement (EPA ou EPIC) à la date de versement de la prime ou à la date de dépôt de l'accord ou de la signature de la DUE ;

  • les intérimaires mis à disposition de l'entreprise utilisatrice (à la date de versement de la prime, du dépôt de l'accord ou de la signature de la DUE) attribuant la prime à ses salariés : dans ce cas, l'entreprise utilisatrice devrait en informer l'ETT dont relèvent les intérimaires et c'est cette dernière qui la leur verserait dans les conditions et selon les modalités fixées par l'accord ou la DUE ;

  • les travailleurs handicapés bénéficiaires d'un contrat de soutien et d'aide à l'emploi à la date de versement de la prime ou à la date de dépôt de l'accord ou de la signature de la DUE et relevant des ESAT.

L’employeur pourrait toujours :

  • verser la prime à une partie de son personnel seulement, par exclusion d'une partie des salariés dont la rémunération serait supérieure à un plafond déterminé par l’accord ou la DUE instituant la prime ;

  • fixer librement son montant qui pourrait donc être inférieur aux montants maxima exonérés (à savoir 3 000 euros ou 6 000 € - voir ci-après) ou supérieur à ces montants ;

  • appliquer des critères de modulation de la prime : ces critères de modulation resteraient les mêmes (rémunération, niveau de classification, durée de présence effective pendant l’année écoulée, durée de travail prévue au contrat de travail).

L’interdiction de substituer la prime à un élément de rémunération du salarié demeurerait.

Les modalités de mise en place aussi

Pour mettre en place ce dispositif, l’employeur pourrait toujours :

  • conclure un accord, négocié au niveau de l’entreprise ou du groupe, selon les modalités prévues pour les accords d’intéressement (accord collectif de travail négocié avec le délégué syndical ou accord négocié avec le CSE notamment) ;

  • opter pour la décision unilatérale : dans ce cas, il devrait en informer préalablement le CSE (s’il en existe un).

Les plafonds d’exonération seraient triplés et les conditions liées au plafond majoré plus circonscrites

Les plafonds d’exonération fixés initialement à 1000 € et 2000 € seraient triplés.

Concrètement, la prime serait exonérée de cotisations sociales et, temporairement, de CSG/CRDS et d’Impôt sur le revenu (IR), à hauteur de 3000 € par bénéficiaire et par année civile.

Ce plafond d’exonération serait porté à 6000 € par bénéficiaire et par année civile lorsque :

  • l’entreprise est dotée d’un accord d’intéressement à la date de versement de la prime ou conclut un accord d’intéressement au titre du même exercice que celui du versement de la prime ;

  • l’entreprise n’est pas tenue de mettre en place un accord de participation mais en est tout de même dotée ou conclut un accord de participation au titre du même exercice que celui du versement de la prime ;

  • l’employeur est une association ou une fondation reconnue d’utilité publique ou d’intérêt général et habilitée à ce titre à recevoir des dons ouvrant droit à réduction d’impôt ;

  • l’employeur est un Esat.

A noter :

Pouvaient également bénéficier du plafond majoré de la prime de pouvoir d’achat 2021 les entreprises de moins de 50 salariés et celles engagées dans une démarche de valorisation des "travailleurs de la 2e ligne". Ce ne sera vraisemblablement plus le cas pour la nouvelle prime de partage de valeur.

Une prime exonérée de cotisations sans plafond de rémunération mais fiscalisée et soumise à CSG/CRDS à compter du 1-1-2024

Pour ouvrir droit à l'exonération sociale et fiscale applicable à la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat 2021, la rémunération perçue par le salarié au cours des 12 mois précédant le versement de la prime devait être inférieure à 3 fois la valeur annuelle du Smic. Cette condition figurait dans l’avant-projet de loi pouvoir d’achat mais a été supprimée dans le projet de loi pour le bénéfice de l’exonération de cotisations sociales.

Ainsi, toutes les primes de partage de valeur versées aux salariés, quelle que soit leur rémunération, ouvriraient droit à exonération sociale, dans la limite des plafonds de 3000 € ou 6000 € précités.

Les cotisations sociales visées sont toutes celles d’origine légale ou conventionnelle à la charge du salarié et de l’employeur mais aussi la participation patronale à l’effort de construction et la contribution unique à la formation professionnelle.

Si le plafond de rémunération serait supprimé pour l’exonération sociale de la prime, il ne le serait pas pour l’exonération fiscale et celle de la CSG/CRDS. Seules les primes versées aux salariés ayant perçu, au cours des 12 derniers mois précédant leur versement, une rémunération inférieure à 3 fois la valeur annuelle du Smic, le seraient. En outre, le bénéfice de cette exonération fiscale/CSG/CRDS ne serait octroyé qu’aux primes versées entre le 1er août 2022 et le 31 décembre 2023.

A compter du 1er janvier 2024, les primes de partage de valeur seraient intégralement soumises à l’IR et à la CSG/CRDS.

A terme, le régime social et fiscal serait donc aligné sur celui des sommes perçues au titre de la participation et des primes d’intéressement perçues immédiatement par le salarié. Selon l’exécutif, deux raisons militent pour le caractère temporaire de l’exonération fiscale : un dispositif plus généreux sur une durée plus courte serait plus incitatif ; le Conseil d’Etat s’inquièterait d’un risque de substitution avec les salaires.

La prime serait assujettie au forfait social dans les mêmes conditions que l’intéressement

La prime de partage de valeur serait assimilée, pour l’assujettissement au forfait social, aux sommes versées au titre de l’intéressement.

Ainsi, l’entreprise de 250 salariés et plus serait redevable du forfait social lors de l'attribution des primes de partage de valeur, au taux de 20 %, le forfait social étant dû sur la fraction des sommes exonérée de cotisations de sécurité sociale.

A noter :

La fraction de ces sommes excédant les limites d'exonération serait réintégrée dans l'assiette des cotisations sociales et, par conséquent, ne serait pas soumise au forfait social.

La mise en œuvre de l’intéressement serait simplifiée

Projet art. 3

Le projet de loi assouplit plusieurs dispositions relatives à l’épargne salariale, à commencer par l’intéressement. 

Concrètement, pour permettre aux entreprises d’adopter une projection sur un plus long terme, la durée de l’accord d’intéressement serait allongée de 3 à 5 ans.

Deuxième mesure de simplification, lorsqu’aucun accord d’intéressement de branche agréé ne la couvre, une entreprise pourrait mettre en place un régime d’intéressement par décision unilatérale dans deux situations :

  • elle occupe moins de 50 salariés et est dépourvue de délégué syndical ou d’un CSE : dans ce cas, elle devrait en informer son personnel par tous moyens ;

  • elle occupe moins de 50 salariés et compte au moins un délégué syndical ou est dotée d’un CSE : dans ce cas, elle devrait d’abord tenter de négocier l’accord avec le DS ou le CSE et ce ne serait qu’en cas d’échec des négociations que la mise place du dispositif par décision unilatérale serait permise.

Arrivé à échéance, le dispositif d’intéressement mis en place unilatéralement pourrait être renouvelé unilatéralement (aujourd’hui, le renouvellement unilatéral est interdit).

Le projet prévoit également la création d’une procédure dématérialisée de rédaction de l’accord d’intéressement. Elle permettrait de sécuriser les exonérations dès le dépôt de l’accord.

Enfin, les délais de contrôle administratif des dispositifs d’épargne salariale (intéressement, participation, plan d'épargne salariale) seraient raccourcis d’un mois. Le contrôle de forme opéré par le DDETS (direction régionale du travail) serait en effet supprimé. Ne resterait plus que le contrôle de fond opéré par les Urssaf ne pouvant excéder trois mois pour les accord de participation et les plans d’épargne salariale, ou 5 mois pour les accords d’intéressement.

Les nouvelles modalités du contrôle administratif et la procédure dématérialisée seraient applicables aux accords et plans déposés à compter du 1er janvier 2023.

Les branches invitées à renégocier les minima salariaux inférieurs au Smic, sous peine de fusion

Projet art. 4

Compte tenu des multiples revalorisations exceptionnelles du Smic intervenues en 2021 et 2022, de nombreuses conventions collectives de branche prévoient des salaires minima hiérarchiques inférieurs au Smic.

Pour inciter les branches à mettre leurs grilles de salaire à jour de la valeur du Smic, la faiblesse du nombre d’accords garantissant des minima conventionnels au moins au niveau du Smic deviendrait un élément caractérisant la faiblesse de la vie conventionnelle d’une branche, et donc un critère de restructuration administrative.

Pour rappel, afin de répondre aux difficultés posées par l'éclatement du champ conventionnel, et donc, de réduire le nombre de branches, la loi 2014-288 du 5 mars 2014 sur la formation et la démocratie sociale a habilité le ministre du travail à prendre différentes mesures pour restructurer les branches professionnelles. Le ministre peut notamment engager une procédure de fusion du champ d'application des conventions collectives d'une branche avec celui d'une branche de rattachement présentant des conditions sociales et économiques analogues dans certaines situations : lorsque la branche a une activité conventionnelle caractérisée par la faiblesse du nombre des accords ou avenants signés et du nombre des thèmes de négociation couverts, par exemple.

Cette mesure devrait entrer en vigueur à la publication de la loi.

A noter :

Le gouvernement a toutefois indiqué que cet outil serait appliqué avec discernement et ne concernerait que les branches dont les minima sont inférieurs au Smic sur une longue durée, supérieure à un an.

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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