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Accueil/ Actualités - La Quotidienne/ Affaires/ Cession

A quoi s'engage l'acquéreur de titres qui promet au cédant d'obtenir la levée de ses garanties ?

L'acquéreur des actions d'une société qui s'engage à faire en sorte que les garanties consenties par un tiers pour le remboursement des emprunts de la société soient levées souscrit une obligation de moyens et non de résultat.

CA Paris 14-6-2017 n° 15/00827, E. c/ SARL Unia Investments


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1. Par acte rédigé en anglais, une SARL cède les actions qu'elle détient dans le capital d'une société par actions simplifiée (SAS) à la filiale luxembourgeoise d'une société polonaise. Cet acte comporte une clause relative à l'obligation pour l'acquéreur d'obtenir la levée des garanties accordées par le gérant de la SARL à plusieurs banques pour couvrir le remboursement des emprunts bancaires de la SAS.

Reprochant à l'acquéreur de ne pas avoir exécuté cette obligation, le gérant de la SARL demande à ce qu'il soit condamné sous astreinte à obtenir la mainlevée des garanties.

2. La cour d'appel de Paris rejette cette demande après avoir répondu à deux questions :

- quelle était la nature de l'obligation de l'acquéreur ?

- a-t-il accompli toutes les diligences utiles à la levée des garanties ?

Obligation de moyens ou de résultat ?

3. Termes de la clause litigieuse dans sa version originale : « purchaser undertakes to procure that all the guaranties granted by third parties (...) to secure the fulfillment of [its] obligations by the compagny (...) shall be released by the beneficiaries of such guaranties ».

Cette clause a été traduite comme suit : l'acquéreur « s'engage à faire en sorte que toutes les garanties accordées par des tiers (...) afin d'obtenir l'exécution de [ses] obligations par la société (...) soient levées par les bénéficiaires desdites garanties ».

4. L'acquéreur s'est donc engagé « à faire en sorte » que les garanties accordées aux banques par le gérant de la SARL soient levées. La cour relève que, si l'objectif de cet engagement était précis et identifiable par l'acquéreur, cela ne suffisait pas à le qualifier d'obligation de résultat.

En effet, la levée des garanties ne relevait pas de la volonté de l'acquéreur, seules les banques bénéficiaires de ces garanties, non parties à la cession, ayant le pouvoir de délier le gérant, ce que celui-ci ne pouvait pas ignorer. La seule obligation de l'acquéreur était de tout mettre en œuvre pour parvenir à cette décharge. Il s'agissait donc d'une obligation de moyens.

La suite de la clause (l'acquéreur s'engage à indemniser les garants contre toutes dettes, réclamations, poursuites, etc. encourues par ceux-ci dans le cadre de l'exercice des garanties) confirme, estime la cour, que l'engagement de « faire en sorte » d'obtenir la levée des garanties ne constituait qu'une obligation de moyens ; les poursuites à l'encontre des garants résultant d'un échec de cette mainlevée avaient en effet été expressément envisagées et couvertes par la prise en charge de leurs conséquences financières par l'acquéreur.

5. La qualification d'obligation de moyens ou de résultat dépend, on le rappelle, des termes employés pour définir l'obligation. C'est ainsi que si certaines expressions traduisent une obligation de moyens (par exemple, « faire son possible »), d'autres en revanche s'entendent de la promesse d'un résultat (par exemple, « faire le nécessaire »). L'engagement pris dans un pacte d'actionnaires par les actionnaires majoritaires d'une société de « faire en sorte » que les besoins de trésorerie de la société soient couverts au mieux pendant une certaine durée a ainsi été qualifié d'obligation de résultat (Cass. com. 20-2-2007 n° 05-18.882 F-PB : RJDA 6/07 n° 626).

Dans l'affaire commentée, la situation était différente : même si les termes employés pouvaient laisser penser à l'obtention d'un résultat, l'acquéreur ne dépendait pas de la volonté de l'acquéreur mais des banques. Comme le relève la cour d'appel, celui-ci s'était donc seulement engagé à tout faire pour obtenir la levée des garanties.

Les diligences de l'acquéreur

6. Pour déterminer si l'acquéreur avait accompli toutes les diligences utiles à la levée des garanties, la cour d'appel de Paris retient les éléments suivants.

Les banques avaient étudié sa proposition de se substituer au gérant de la SARL mais elles avaient exigé soit le dépôt dans leurs livres d'une somme correspondant au montant de la dette garantie, soit une garantie à première demande émanant d'une banque française.

A la suite de ces échanges, l'acquéreur avait proposé l'année suivante d'offrir la garantie à première demande d'une banque polonaise (de la même nationalité que la société mère de l'acquéreur) mais, après étude, cette proposition avait également été rejetée par les banques.

La cour estime que ces nombreux échanges avec les banques attestaient de la réalité des diligences accomplies, de leur réitération et de leur amélioration. L'acquéreur ne pouvait pas se voir reprocher le refus final des banques, qui avaient imposé des conditions que celui-ci ne pouvait pas satisfaire, étant une société étrangère.

7. En outre, ajoute la cour, le dépôt en gage dans les livres des banques des sommes restant dues par la SAS, qui aurait imposé à l'acquéreur de se libérer de montants importants non exigibles, excédait les diligences incombant au débiteur d'une obligation de moyens, d'autant qu'une condition aussi rigoureuse ne figurait pas dans l'acte de cession et que l'échec de la levée des garanties était pallié au moyen de la prise en charge par l'acquéreur des conséquences financières en résultant.

8. En présence d'une obligation de moyens, la responsabilité de l'acquéreur pouvait être engagée pour ne pas avoir mis en œuvre les moyens permettant d'obtenir des banques d'être substitué au garant d'origine. C'est à ce dernier (il peut s'agir du cédant ou, comme en l'espèce, d'un dirigeant ou d'un associé du cédant) qu'il appartenait de démontrer que l'acquéreur n'avait pas accompli les diligences nécessaires.

9. En l'espèce, la réalité des diligences de l'acquéreur était établie. De même, la responsabilité d'un acquéreur qui s'était engagé à se substituer au cédant a été écartée dans un cas où, même tardive, son intervention auprès de la banque était indiscutable et où l'impossibilité d'exécuter son obligation n'avait tenu qu'au refus de celle-ci d'accepter la substitution (CA Aix-en-Provence 23-3-1995 n° 92/11974).

Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Sociétés commerciales n° 17950

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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