Des immeubles ont été construits et soumis au statut de la copropriété pour être exploités comme résidence de tourisme par un exploitant unique auquel les copropriétaires ont consenti des baux commerciaux sur leurs lots. Les syndicats des copropriétaires de ces immeubles, se plaignant de désordres affectant les escaliers de secours, ont assigné en référé-expertise les constructeurs et leurs assureurs.
La cour d’appel déclare cette demande irrecevable, au motif que les baux commerciaux comportaient une clause subrogeant l’exploitant dans les droits des copropriétaires contre les constructeurs, de sorte que les syndicats des copropriétaires n’avaient pas intérêt et qualité à agir pour solliciter une expertise au titre de désordres de construction.
L’arrêt est cassé : ni l’exigence d’un exploitant unique prévu par l’article D 321-2 du Code du tourisme, ni l’insertion dans un bail commercial consenti par un copropriétaire, qui ne peut transmettre plus de droits qu’il n’en a, d’une clause « subrogeant » l’exploitant dans ses droits et actions contre les constructeurs et leurs assureurs, n’ont pour effet de priver un syndicat des copropriétaires de sa qualité à agir à leur encontre en vue d’obtenir la réparation des dommages affectant les parties communes de l’immeuble.
A noter :
La solution est nouvelle. Les résidences de tourisme sont définies par les articles D 321-1 et D 321-2 du Code de tourisme. Ce dernier texte prévoit qu’une résidence de tourisme peut être placée sous le statut de la copropriété, si le règlement de copropriété prévoit expressément une destination et des conditions de jouissance des parties privatives et communes conformes à ce mode d’utilisation et une gestion assurée pour l’ensemble de la résidence par une seule personne, liée aux copropriétaires par un contrat de louage ou un mandat.
Il n’est pas toujours aisé de concilier le statut de la copropriété et celui des résidences de tourisme. Le présent arrêt en est l’illustration. Il pose en effet la question de la frontière entre la mission du syndicat des copropriétaires, telle que prévue par la loi du 10 juillet 1965 régissant le statut de la copropriété, et celle de l’exploitant de la résidence.
Le syndicat des copropriétaires a qualité pour agir en justice, et peut notamment agir, conjointement ou non avec un ou plusieurs copropriétaires, en vue de la sauvegarde des droits afférents à l’immeuble (Loi 65-557 du 10-7-1965 art. 15). La jurisprudence a progressivement précisé les limites de l’action du syndicat des copropriétaires et de l’action des copropriétaires. En particulier, un copropriétaire n’a pas qualité à agir en paiement du coût des travaux de remise en état des parties communes : seul le syndicat des copropriétaires administre et entretient les parties communes (Loi 65-557 du 10-7-1965 art. 14) et peut donc réclamer indemnisation du coût de tels travaux, qui s’effectueront sous sa responsabilité (Cass. 3e civ. 19-12-2019 n° 18-23.974 : BPIM 1/20 inf. 56 ; Cass. 3e civ. 8-6-2023 n° 21-15.692 : BPIM 4/23 inf. 274).
Lorsque les copropriétaires subrogent l’exploitant dans leurs droits à l’égard des constructeurs, peuvent-ils lui transmettre le droit d’agir en réparation des désordres de construction affectant les parties communes ?
Non, répond La Cour de cassation : il est de principe en effet que le subrogeant ne peut transmettre au subrogé plus de droits qu’il n’en a lui-même, et le débiteur poursuivi peut opposer au créancier subrogé les mêmes exceptions et moyens de défense dont il aurait pu disposer contre son créancier originaire (Cass. com. 6-5-1997 n° 94-19.095 : RJDA 8-9/97 n° 1074 ; Cass. 3e civ. 7-7-2010 n° 09-13.159 : RJDA 11/10 n° 1062 ; Cass. 3e civ. 11-5-2022 n° 21-15.217 : BPIM 3/22 inf. 220 ; Cass. 3e civ. 28-4-2011 n° 10-30.721 : BPIM 4/11 inf. 284 ; Cass. 1e civ. 4-2-2003 n° 99-15.717 : RJDA 8-9/03 n° 876). Les copropriétaires n’ayant pas qualité pour agir en réparation de désordres affectant les parties communes, ils ne pouvaient donc, même au terme de clauses de subrogation, transmettre ce droit à l’exploitant, de sorte que seuls les syndicats des copropriétaires avaient qualité à agir en expertise pour la réparation de dommages ayant leur origine dans les parties communes de l’immeuble. Le régime spécial des résidences de tourisme, qui impose une gestion unique de la résidence par l’exploitant, ne saurait autoriser qu’il soit dérogé aux dispositions de la loi du 10 juillet 1965 sur le statut de la copropriété.