Droit pénal international
Entraide judiciaire européenne en matière pénale : les signatures du troisième protocole additionnel sont lancées !
Le Conseil de l’Union européenne a adopté une proposition de décision autorisant les États membres à signer, dans l’intérêt de l’Union, le troisième protocole additionnel à la convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale de 1959. Pour rappel, ce protocole vise à renforcer la capacité des États à réagir efficacement à la criminalité en améliorant et en complétant les procédures d’entraide judiciaire énoncées dans ladite convention ainsi que dans ses deux premiers protocoles additionnels.
Adopté par le Comité des ministres du Conseil de l’Europe le 4 juin 2025, le texte est censé entrer en vigueur après que trois signataires auront exprimé leur consentement à être liés par lui. Lors de son ouverture à la signature les 18 et 19 septembre 2025, 16 Etats membres du Conseil de l’Europe (dont l’Allemagne, la Suisse, la Belgique ou encore l’Ukraine) y ont d’ores et déjà apposé leur sceau. (Proposition de décision du conseil COM/2025/510 final)
Exécution des décisions de confiscation étrangères : précisions sur les tiers de bonne foi
L'exécution d'une décision de confiscation prononcée par une juridiction étrangère est refusée si les biens sur lesquels elles portent appartiennent à un tiers de bonne foi, y compris lorsqu'ils constituent l'objet ou le produit direct ou indirect de l'infraction (C. pr. pén., art. 713-37, 2° et 131-21). Toutefois, il se déduit des dispositions de l'article 713-38, alinéa 3, du code de procédure pénale que, lorsque le tiers qui revendique un droit sur le bien confisqué par une juridiction étrangère a été mis en mesure de faire valoir ses droits devant celle-ci dans des conditions analogues à celles prévues par la loi française, la décision de confiscation, prononcée par cette juridiction étrangère, qui contient des dispositions relatives aux droits de ce tiers s'impose au juge français, peu important que ce tiers ait été ou non de bonne foi au sens de la loi française.
Ne méconnaît aucun texte la cour d'appel qui autorise l'exécution d'une décision de confiscation prononcée par une juridiction étrangère après avoir constaté que le tiers propriétaire du bien confisqué a été partie à la procédure étrangère assisté par un avocat et qu'il n'est pas démontré qu'il n'a pas été en mesure de faire valoir ses droits devant les juridictions suisses dans des conditions analogues à celles prévues par la loi française. (Crim. 24 sept. 2025, n° 22-81.067, FS-B)
Exécution des décisions de confiscation étrangères : respect de la publicité des débats judiciaires
Il résulte des articles 400 et 512 du code de procédure pénale que la publicité des débats judiciaires est une règle d'ordre public à laquelle il ne peut être dérogé que dans les cas limitativement déterminés par la loi. Les articles 713-36 à 713-41 du code de procédure pénale, qui organisent l'exécution des décisions de confiscation prononcées par les autorités judiciaires étrangères, ne prévoient pas de dérogation à ce principe. En l’espèce, les débats se sont tenus en chambre du conseil et l'arrêt a été rendu selon les mêmes modalités. L’arrêt de la cour d’appel qui a méconnu les textes susvisés est donc cassé. (Crim. 24 sept. 2025, n° 22-81.067, FS-B, préc.)
Droit pénal spécial
Caractérisation de l’élément intentionnel du délit de vente d’alcool à des mineurs
En vertu de l'article L. 3342-1 du code de la santé publique, la vente d'alcool aux mineurs est prohibée, et il incombe à la personne qui délivre la boisson de s'assurer de la majorité du client. Se rend coupable de ce délit la société dont le responsable du magasin n’a pas mis en place des mesures systématiques de vérification de l’âge réel des acheteurs et dont le personnel de caisse n’a reçu aucune consigne en ce sens. Ces circonstances suffisent en effet à caractériser la violation, en connaissance de cause, de la prescription légale de l’article L. 3342-1 précité et donc l’élément intentionnel de l’infraction exigé par l’article 121-3 du code pénal. (Crim. 23 sept. 2025, n° 24-85.034, FS-B)
Précision sur l’aggravation de l’abus de biens sociaux et rappel des exigences en matière d’action civile
La chambre criminelle rappelle que la circonstance aggravante d’abus de biens sociaux par interposition d’une personne morale de droit étranger (C. com., art. L. 242-6) s’entend de l’interposition entre la société victime et son dirigeant prévenu. En l’espèce, le prévenu, dirigeant d’une société française, avait fait verser 32 000 € à une société luxembourgeoise dont il assurait également la direction ; l’aggravation était donc caractérisée.
En revanche, la Cour casse partiellement l’arrêt d’appel en ce qu’il avait indemnisé plusieurs parties civiles pour des préjudices liés à l’exercice illégal de l’activité de prestataire de services de paiement. Elle reproche aux juges du fond de n’avoir pas identifié de manquement précis aux obligations statutaires des articles L. 521-3 et L. 522-1 à L. 522-20 du code monétaire et financier permettant d’établir un lien direct entre l’infraction et le préjudice financier allégué. (Crim. 24 sept. 2025, n° 24-84.249, F-B)
Procédure pénale
Régularité d’une saisie pénale dans le cadre d'une enquête transfrontalière par le Parquet européen
La chambre criminelle rejette le pourvoi formé par une société impliquée dans une enquête pour escroquerie à la TVA, fausse déclaration en douane et blanchiment, confirmant ainsi la régularité de la saisie pénale ordonnée par le procureur européen délégué français et maintenue par le juge des libertés et de la détention. La Cour précise que l'ordre de saisie, donné par ledit procureur à la demande de son homologue belge, ne requiert aucun formalisme particulier et est conforme à l'article 706-154 du code de procédure pénale aux termes duquel la saisie d'un compte bancaire est autorisée par tout moyen par le procureur de la République. Elle indique par ailleurs que le contrôle des conditions de fond d'une saisie pénale relève des juridictions de l'Etat membre du procureur européen délégué chargé de l'affaire (en l’occurrence les juridictions belges). (Crim. 24 sept. 2023, n° 24-82.624, F-B)
Compétence en cas d'appel d'une décision de saisie pénale
En matière de saisie pénale, l'arrêt d’appel peut être rendu par la chambre de l'instruction dans sa composition collégiale, sans que les parties en aient fait la demande ou que cet examen procède d'une décision de son président prise au regard de la complexité du dossier.
L'article 706-153, alinéa 2, du code de procédure pénale donne en effet compétence au président de la chambre de l'instruction ou à la chambre de l'instruction pour statuer sur l'appel formé contre une décision de saisie pénale, sans fixer de critère de répartition entre ces deux juridictions. Dès lors, le non-respect des dispositions de l'article D. 43-5 du même code, relatives aux modalités selon lesquelles la chambre de l'instruction peut être saisie, ne peut être sanctionné. (Crim. 24 sept. 2025, n ° 25-80.120, F-B)
Pour aller plus loin : voir la revue AJ pénal