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Un testament international écrit dans une langue inconnue du testateur est bien valable !

Selon la convention de Washington, un testament peut être écrit en une langue quelconque et aucune disposition de la Convention ne prévoit que le testament doit nécessairement être écrit dans une langue que le testateur comprend.

CA Lyon 21-3-2023 n° 22/02394


Par David LAMBERT, Avocat à Paris
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©Gettyimages

Une femme de nationalité italienne décède le 28 février 2015, laissant pour lui succéder quatre enfants ainsi que son petit-fils venant par représentation de sa mère. Elle avait établi un testament, en français, en 2002, devant un notaire français, en présence de deux témoins et avec le concours d'une interprète de langue italienne, instituant ses trois filles légataires de la quotité disponible. Le petit-fils assigne ses tantes en nullité du testament. Le testament est annulé en première instance mais la décision est infirmée en appel, les seconds juges retenant que le testament vaut en tant que testament international. L’arrêt est cependant cassé (Cass. 1e civ. 2-3-2022 n° 20-21.068 FS-B). Selon la Haute Juridiction, la convention de Washington du 26 octobre 1973 portant loi uniforme sur la forme d’un testament international prévoit en son article 3, § 3 que le testament international peut être écrit en une langue quelconque à la main ou par un autre procédé. Selon l’article 4, § 1, le testateur doit déclarer en présence de deux témoins et d'une personne habilitée à instrumenter à cet effet que le document est son testament et qu'il en connaît le contenu. S'il résulte de ces dispositions qu'un testament international peut être écrit en une langue quelconque afin de faciliter l'expression de la volonté de son auteur, celui-ci ne peut l'être en une langue que le testateur ne comprend pas, même avec l'aide d'un interprète. Or la cour d’appel a constaté que la testatrice ne s'exprimait pas en langue française et elle a donc violé la convention de Washington.

La cour d’appel de Lyon, à laquelle l’affaire était renvoyée, confirme, mais le point n’était pas contesté, que le testament n’est pas valable en tant que testament authentique. Elle rappelle ensuite certaines des conditions de validité posées par la loi uniforme : le testament doit être fait par écrit ; il n'est pas nécessairement écrit par le testateur lui-même ; il peut être écrit en une langue quelconque, à la main ou par un autre procédé (art. 3). La cour d’appel en déduit qu’il est admis au sens de la convention de Washington et de la loi uniforme qu'un testament international peut être écrit en une langue quelconque et aucune autre disposition de la Convention ou de la loi uniforme ne prévoit que le testament doit nécessairement être écrit dans une langue que le testateur comprend, la présence d'un interprète permettant précisément de remédier aux difficultés de compréhension du testateur.

Par ailleurs, la cour rappelle que, si, en application de l'article 5 de la Convention, les conditions requises pour être interprète d'un testament international sont régies par la loi en vertu de laquelle la personne habilitée a été désignée, il convient de relever qu'à la date d'établissement du testament litigieux aucune disposition de droit interne ne prévoyait l'intervention d'un interprète, celle-ci ayant été instituée par la loi 2015-177 du 16 février 2015. Ainsi, le fait que l'interprète n'était pas assermentée n'est pas de nature à affecter la validité du testament.

Enfin, la loi uniforme exige que le testateur déclare en présence de deux témoins et d'une personne habilitée à instrumenter à cet effet que le document est son testament et qu'il en connaît le contenu (art. 4). La cour relève qu’il est exact que le testament ne porte pas la mention formelle d'une déclaration de la testatrice selon laquelle « le document est son testament et qu'elle en connaît le contenu ». Toutefois, il est expressément mentionné dans l'acte, après que le testament a été écrit par le notaire à la machine à traitement de texte tel qu'il lui a été dicté par la testatrice et l'interprète, que « le notaire soussigné l'a lu à la testatrice et à l'interprète, lesquels ont déclaré le bien comprendre et reconnaître qu'il exprime exactement les volontés de la testatrice, le tout en la présence simultanée et non interrompue des témoins susnommés », ce qui permet de s'assurer que la testatrice a bien confirmé que le document était son testament et qu'elle en connaissait le contenu. La cour d’appel valide donc le testament en tant que testament international et infirme à nouveau le jugement initial.

A noter :

Comme l'avait indiqué David Lambert, coauteur des Mémentos Droit de la famille et Successions Libéralités, la solution donnée par la Cour de cassation dans son arrêt du 2 mars 2022, pour logique qu’elle paraisse, ne correspondait pas à l’intention des rédacteurs de la Convention (Cass. 1e civ. 2-3-2022 n° 20-21.068 FS-B : BPAT 3/22 inf. 136). Selon le rapport explicatif, « la loi uniforme n’exige même pas que le testament soit écrit dans une langue que connaisse le testateur. Celui-ci pourra ainsi choisir en toute liberté, en fonction des convenances : on peut penser que, le plus souvent, il optera pour sa propre langue, mais, quelquefois aussi, s’il l’estime opportun, pour la langue du lieu où le testament est dressé, ou encore celle du lieu où il sera principalement exécuté. L’important est qu’il ait pleinement connaissance du contenu de son testament, comme le garantissent les articles 4 et 10. » (J.-P. Plantard : Rapport explicatif sur la Convention portant loi uniforme sur la forme d’un testament international, p. 13-14 ; en ce sens également, S. Godechot-Patris, État des lieux sur le testament international et ses applications jurisprudentielles : SNH 10/23 inf. 9). La solution donnée par la cour d’appel de Lyon nous paraît donc parfaitement justifiée. On peut être davantage sceptique sur l’interprétation de l’article 5 de la Convention, qui indique que les conditions pour être témoin ou interprète d’un testament international sont régies par la loi en vertu de laquelle la personne habilitée a été désignée ; la personne habilitée étant un notaire français, la loi française est applicable. Selon la cour d’appel, aucune exigence n’était posée par la loi française avant la loi du 16 février 2015 relativement aux qualités de l’interprète ; certains auteurs ont au contraire invoqué l’article 972 du Code civil, qui, dans sa rédaction antérieure à la loi de 2015, n’autorisait pas le recours à un interprète pour un testament authentique. Dans les deux cas, l’application de l’article 972, qui concerne le testament authentique et non le testament international, est discutable. Comme il a été justement relevé, cette interprétation « tend à donner à la loi française un champ d’application bien plus large que ce que prescrit la lettre du texte. Ce dernier ne renvoie pas à la loi française pour savoir s’il est possible d’établir un testament en présence d’un interprète mais simplement pour déterminer à quelles conditions une personne peut exercer la fonction d’interprète. Il suffit pour s’en convaincre de constater que l’interprète est soumis au même régime que le témoin. Or la loi française n’est pas tant consultée pour indiquer s’il est possible de recourir à des témoins pour établir un testament que pour définir les conditions que doit satisfaire une personne si elle veut être témoin » (S. Godechot-Patris, précité).

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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