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Toute perte de chance doit être réparée quand le prêteur a fait souscrire une assurance inadaptée

En cas de manquement de la banque à son devoir de conseil envers l’emprunteur qui a adhéré à une assurance groupe, toute perte de chance ouvre droit à réparation. Il ne peut pas être exigé de l’emprunteur la preuve d'une perte de chance raisonnable.

Cass. 2e civ. 15-9-2022 n° 21-13.670 F-B, X c/ Sté Banque populaire Auvergne-Rhône-Alpes


Par Sophie CLAUDE-FENDT
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©Gettyimages

Un particulier souscrit un emprunt immobilier auprès d’une banque et, afin de garantir le remboursement de ce prêt en cas de décès, de perte totale et irréversible d'autonomie et d'incapacité de travail, il adhère à une assurance de groupe souscrite par la banque, en déclarant dans le questionnaire de santé qu'il suit un traitement médical depuis quinze ans. Dix ans plus tard, il est placé en arrêt de travail en raison de l'évolution défavorable de sa maladie et demande le bénéfice de la garantie incapacité de travail. L’assureur refuse de prendre en charge les échéances du prêt en invoquant une clause contractuelle excluant les suites médicales ou conséquences d'antécédents de santé mentionnés sur le bulletin d'adhésion. L’emprunteur reproche alors à la banque un manquement à son obligation d'information et de conseil et demande réparation de la perte de chance subie.

Bien qu'ayant retenu la faute de la banque, une cour d’appel rejette cette demande, en énonçant que le préjudice pouvant résulter de cette faute était une perte de chance dont la preuve incombe à celui qui s'en prévaut, que l’emprunteur se contentait d'invoquer l'existence de la convention d’assurance sans fournir d'élément sur l'application éventuelle de celle-ci à sa situation personnelle et ne démontrait pas que, plus complètement informé par la banque, il aurait pu raisonnablement obtenir de l'assureur ou d'un autre la garantie exclue par le contrat. 

Arrêt censuré par la Haute Juridiction. La banque qui propose à son client auquel elle consent un prêt d'adhérer au contrat d'assurance de groupe qu'elle a souscrit à l'effet de garantir, en cas de survenance de divers risques, l'exécution de tout ou partie de ses engagements, est tenue de l'éclairer sur l'adéquation des risques couverts à sa situation personnelle d'emprunteur. Par ailleurs, le préjudice résultant de ce manquement s'analyse en la perte d'une chance de contracter une assurance adaptée à sa situation personnelle et toute perte de chance ouvre droit à réparation, sans que l'emprunteur ait à démontrer que, mieux informé et conseillé par la banque, il aurait souscrit de manière certaine une assurance garantissant le risque réalisé. Par suite, la cour d'appel ne pouvait pas exiger de l'emprunteur la preuve d'une perte de chance raisonnable.

A noter :

Confirmation de jurisprudence.

Le banquier qui propose à son client, auquel il consent un prêt, d’adhérer au contrat d’assurance de groupe qu’il a souscrit à l’effet de garantir le remboursement du prêt en cas de survenance de divers risques est tenu de l’éclairer sur l’adéquation des risques couverts à sa situation personnelle d’emprunteur, la remise de la notice ne suffisant pas à satisfaire à cette obligation (Cass. ass. plén. 2-3-2007 no 06-15.267 PBRI : RJDA 7/07 no 766 ; Cass. 2e civ. 2-10-2008 no 07-15.276 FS-PB : RJDA 2/09 no 132 ; Cass. com. 16-6-2021 no 19-20.838 F-D). Il importe peu que l’emprunteur ait adhéré plusieurs années auparavant à ce même type d’assurance de groupe (Cass. com. 16-6-2021 no 19-20.838 F-D précité). La solution vaut pour tout emprunteur, qu’il soit averti ou non (Cass. 1e civ. 30-9-2015 no 14-18.854 F-PB : Bull. civ. I no 229).

A défaut, la banque fait perdre une chance au client emprunteur de souscrire une assurance mieux adaptée à sa situation personnelle (Cass. com. 31-1-2012 no 11-11.700 F-D : RJDA 4/12 no 429), toute perte de chance étant réparable (Cass. 2e civ. 20-5-2020 no 18-25.440 FS-PBI : RJDA 11/20 n°592).

S’agissant de la charge de la preuve, il ne peut pas être exigé de l’assuré qu’il démontre que, s’il avait été parfaitement informé par la banque sur l’adéquation ou non à sa situation de l’assurance offerte, il aurait souscrit, de manière certaine, un contrat mieux adapté (Cass. 2e civ. 20-5-2020 no 18-25.440 FS-PBI précité ; Cass. 2e civ. 17-6-2021 n° 19-24.467 FS-BR : BRDA 15-16/21 inf. 15).

L’arrêt ci-dessus est dans le droit-fil de cette jurisprudence : il ne peut pas être exigé de l’assuré la preuve d’une perte de chance raisonnable. Ainsi, même la preuve de l’existence d’un choix raisonnable permis par l’octroi d’une information adéquate n’a pas à être apportée.

La Cour de cassation confirme ainsi sa volonté de protéger les emprunteurs, en facilitant la réparation du dommage subi par eux en cas de manquement de la banque à son devoir de conseil.

Pour en savoir plus sur la perte de chance : 

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne