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Le versement d’une indemnité de départ d’un dirigeant n’est soumis qu’à un seul vote ex post individuel

L'indemnité de départ d'un dirigeant lui est attribuée au jour de son approbation par l'assemblée générale annuelle statuant sur l'exercice clos au cours duquel elle a été ratifiée. Son versement ne doit donc pas être soumis à un autre vote ex post.

CA Versailles 3-6-2025 n° 23/06335


Par Arnaud Wurtz
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©Gettyimages

Le conseil de surveillance d'une société anonyme (SA) cotée nomme un président du directoire en mars 2020 et décide que, sauf en cas de motifs graves, il bénéficiera d'une indemnité de départ égale à 12 mois de rémunération brute, augmentée d’un mois de rémunération pour chaque année d'ancienneté dans la société. Un contrat de mandat social, qui entérine cette indemnité, est signé en avril 2020. Une assemblée générale ordinaire tenue en juillet 2020 approuve la politique de rémunération de ce président du directoire (vote ex ante) et une assemblée générale ordinaire tenue en 2021 approuve les éléments de rémunération fixes, variables et exceptionnels attribués ou restant à attribuer au président du directoire (vote ex post). 

Le président du directoire est révoqué de son mandat social par une assemblée générale tenue en juillet 2022. Pour refuser de verser l'indemnité à son ancien président du directoire, la société fait valoir que, en application de l'article L 22-10-34 du Code de commerce, le vote ex post doit intervenir après le départ effectif du dirigeant et que le vote ex post individuel de 2021 portait sur la rémunération due au titre de l'exercice 2020 et ne pouvait donc pas concerner une indemnité déclenchée par un départ intervenu en 2022. Selon elle, il aurait donc fallu qu'un vote ex post intervienne au titre de l'exercice 2022 pour que l'indemnité puisse être versée au président du directoire.

La cour d'appel de Versailles ne suit pas ce raisonnement et condamne la société à verser au dirigeant son indemnité de départ, en suivant un raisonnement particulièrement étayé. 

L'indemnité de départ est soumise au vote ex post individuel

La cour d'appel indique tout d'abord que l'indemnité de départ du président du directoire d’une SA cotée est un élément exceptionnel de rémunération qui doit faire l'objet d'un vote ex post individuel. Elle se fonde pour cela sur la combinaison des articles L 22-10-8, III, L 22-10-26, III, L 22-10-9, I et L 22-10-34, II du Code de commerce. Il résulte des trois premiers textes qu'une indemnité de départ prévue au profit d'un mandataire social constitue un engagement pris par la société à raison de la cessation de ses fonctions devant être prévu par la politique de rémunération décrite dans le rapport sur le gouvernement d'entreprise et soumis au vote ex ante des actionnaires. Le quatrième texte précise que l'assemblée générale doit se prononcer sur les éléments fixes, variables et exceptionnels composant la rémunération totale et les avantages de toute nature versés ou attribués au cours de l'exercice écoulé au président du directoire.

Certains auteurs ne partageaient pas ce point de vue, considérant que le vote ex post individuel ne porte pas nécessairement sur les indemnités de départ, dès lors que le législateur a pris soin de les mentionner dans le cadre du vote ex ante (C. com. art. L 22-10-9, I-4°), du vote ex post global (C. com. art. L 22-10-34, al. 1), mais pas du vote ex post individuel, et que le caractère conventionnel de cette indemnité l'emporterait sur son caractère institutionnel, cette nature contractuelle faisant obstacle à la possibilité de refuser le versement de l'indemnité par le vote ex post prévu par la loi (O. de Bailliencourt et J. Granotier, Say on pay : vers une interprétation extensive du vote ex post individuel ? : Dr. sociétés 2021 comm. n° 80 ; en sens contraire, voir Rép. Lescure : AN 9-3-2021 n° 33109 : BRDA 14/21 inf. 5 et F. Devedjian et F. Kerebel : Rémunération des mandataires sociaux - Say on pay : portée du vote et questions ouvertes : Actes pratiques et ingénierie sociétaire mars-avril 2021 p. 33, pour qui le vocable « éléments de rémunération variables ou exceptionnels attribués » couvre « l’ensemble des rémunérations en numéraire - rémunération variable annuelle, indemnités d’arrivée ou de départ, indemnités de non-concurrence, etc. »).

Un seul vote ex post individuel suffit  

La cour d'appel de Versailles apporte ensuite des précisions relatives aux modalités du vote ex post individuel portant sur l'indemnité de départ. Ce type d'indemnité peut poser un problème du fait du laps de temps relativement long pouvant s'écouler entre l'attribution et le versement de cette indemnité. Dans une telle situation, la question qui se pose est de savoir si le vote ex post individuel permettant le versement de cette indemnité doit intervenir au cours de l'assemblée générale ayant à se prononcer sur les comptes de l'exercice au cours duquel cette indemnité a été ratifiée par les parties ou, au contraire, au cours de l'assemblée générale ayant à se prononcer sur les comptes de l'exercice au cours duquel le départ du dirigeant est intervenu. En effet, l'article L 22-10-34, II, al. 1 du Code de commerce précise que l'assemblée générale statue sur les éléments fixes, variables et exceptionnels composant la rémunération totale et les avantages de toute nature versés au cours de l'exercice écoulé ou attribués au titre du même exercice.

La cour d'appel considère qu'une indemnité de départ convenue au profit du dirigeant d'une société cotée lui est attribuée, au sens de l'article L 22-10-34, II du Code de commerce, au jour de l'approbation de l’ensemble des éléments de rémunération de ce dirigeant par l'assemblée générale des actionnaires ayant à se prononcer sur les comptes de l'exercice au cours duquel son contrat de mandat a été conclu et que le versement de cette indemnité n'est pas soumis à un autre vote individuel ex post que celui visé ci-avant.

La cour d'appel commence par justifier cette solution par le fait que la cessation des fonctions d'un dirigeant révocable ad nutum ne doit pas conduire à des litiges inutiles générés par le fait de soumettre à un vote ex post individuel le versement d'une indemnité au sujet de laquelle l'assemblée générale s'est déjà prononcée à plusieurs reprises. Elle poursuit en expliquant qu'il n'existe pas de raison de différer le versement d'une telle indemnité pour une durée pouvant aller jusqu'à un an, ni d'exposer le dirigeant ayant cessé ses fonctions au risque d'un vote négatif incohérent avec un ou plusieurs votes passés favorables. 

Elle conclut en indiquant qu'il serait porté une atteinte injustifiée à la sécurité juridique en donnant en 2025 une interprétation de l'article L 22-10-34 du Code de commerce différente de celle proposée par une réponse ministérielle de 2021, qui indiquait, à titre d'illustration, qu'une indemnité de départ ou de non-concurrence ayant fait l'objet d'une décision d'attribution en N est conditionnée au vote ex post individuel positif d'une assemblée générale tenue en N+1, un vote négatif faisant obstacle à son versement au moment du départ du dirigeant mandataire social (Rép. Lescure : AN 9-3-2021 n° 33109).

Elle précise ensuite que l'indemnité était acquise dans son principe et déterminable dans son montant, bien qu'assise en partie sur l'ancienneté acquise par le dirigeant dans la société, dès l'exercice 2020 et qu'elle était devenue exigible au jour de la révocation de l'intéressé.

Documents et liens associés : 

CA Versailles 3-6-2025 n° 23/06335

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