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Abandon de créance : des services aux filiales peuvent caractériser des relations commerciales

Le Conseil d’Etat reconnaît, pour la première fois, le caractère commercial de l’aide consentie à ses filiales par une société holding qui n’exerce aucune activité d’achat-revente au sein du groupe mais fournit des prestations de référencement.

CE 7-2-2018 n° 398676


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1. Le Conseil d’Etat se prononce, pour la première fois, en faveur du caractère commercial d’une aide consentie par une société holding à certaines de ses filiales, bien que cette société n’exerce aucune activité d’achat-revente au sein du groupe mais joue un rôle de centrale de référencement.

La particularité de l’affaire résultant des relations qu’entretenait la société holding avec ses filiales donne l’occasion au Conseil d’Etat de préciser sa jurisprudence relative à l’appréciation du caractère commercial ou financier des aides intragroupe.

2. Les faits à l’origine du litige présenté devant le Conseil d’Etat étaient les suivants. Une société qui, outre l’exercice d’une activité de holding, fournissait des prestations de référencement à ses filiales et négociait à cet effet des conditions tarifaires favorables avec les fournisseurs du groupe moyennant l’octroi de frais de courtage, avait consenti des abandons de créances à certaines de ses filiales.

A l’issue d’une vérification de comptabilité, l’administration a partiellement remis en cause la déduction de ces abandons de créances, estimant que ces derniers présentaient un caractère financier. Elle n’a, en conséquence, admis la perte correspondante en déduction des résultats de la société holding qu’à hauteur de la situation nette négative des filiales concernées et, pour le surplus, dans la proportion du capital de chacune de ces sociétés détenu par des tiers.

A noter : 1. Le caractère normal des abandons de créances n’était pas contesté par l’administration, seule la nature des relations unissant la société holding avec ses filiales étant remise en cause.

2. La présente décision rendue pour l’application des règles antérieures à l’intervention de la loi 2012-958 du 16 août 2012 a une portée d’autant plus grande que l’article 39, 13 du CGI interdit depuis lors la déduction des aides de toute nature consenties à une autre entreprise à l’exception des aides à caractère commercial et des aides consenties dans le cadre d’une procédure collective.

La fourniture des seules prestations de référencement aux filiales aidées...

3. La cour administrative d’appel de Lyon avait validé la position de l’administration au motif que la société holding n’entretenait pas de relations commerciales avec ses filiales pour lesquelles elle ne réalisait que des opérations de courtage sans prendre d’engagement sur la bonne exécution de contrats conclus entre elles et leurs fournisseurs (CAA Lyon 11-2-2016 n° 14LY01550).

Or, comme le souligne le rapporteur public, Yohann Bénard, dans ses conclusions, l’analyse de la cour peut paraître surprenante dès lors qu’il est incontestable que le courtage est une activité commerciale. La cour ne pouvait donc à la fois constater que le holding fournissait à ses filiales des services de courtage et juger qu’elle n’entretenait avec elles aucune relation commerciale. Cette erreur peut toutefois s’expliquer par la conception étroite de la notion d’activité commerciale retenue par l’administration. En effet, selon la doctrine administrative, le fait qu’une société mère ou une société d’un groupe assure, pour le compte de ses filiales ou des autres sociétés du groupe, des services internes d’intérêt commun n’est pas, en principe, de nature à nouer des relations commerciales significatives (BOI-BIC-BASE-50-10 n° 160 : BIC-IX-56175).

4. Jusqu’à présent, le Conseil d’Etat ne s’est prononcé qu’à propos d’hypothèses de ventes de produits entre les sociétés mères et leurs filiales. La justification d’un intérêt commercial a notamment été reconnue lorsque la filiale commercialise les produits de la société mère (CE 15-2-1984 n° 35339 : BIC-IX-54205) ou est son fournisseur exclusif (CE 16-2-1983 n° 37868 : BIC-IX-54190).

Ainsi que l’indique le rapporteur public, il n’est toutefois pas possible de déduire de cette jurisprudence que le Conseil d’Etat ait entendu exclure par principe les activités de services de la notion de relations commerciales.

... ne fait pas obstacle à la reconnaissance du caractère commercial de l'aide

5. Suivant les conclusions du rapporteur public, la Haute Juridiction censure l’arrêt de la cour administrative d’appel de Lyon et se prononce sur le fond du litige pour déterminer si les aides litigieuses présentaient un caractère commercial ou financier. On rappelle à cet égard que, lorsque les motivations commerciales et financières sont imbriquées, la qualification de l’aide découle de ses motifs prédominants.

En l’espèce, le Conseil d’Etat reconnaît l’intérêt commercial de la société holding à consentir des abandons de créances à certaines de ses filiales en difficulté en relevant les éléments suivants :

- d’une part, le chiffre d’affaires de la société holding résultait presque exclusivement des prestations de services facturées aux sociétés de distribution qu’elle contrôle. Notons à cet égard que, par un motif surabondant, le Conseil d’Etat ajoute que le montant de ce chiffre d’affaires était au demeurant très supérieur à celui des dividendes versés par ces mêmes sociétés ;

- et, d’autre part, la défaillance éventuelle des sociétés concernées aurait été de nature à amputer significativement la propre activité de la société holding.

Il ressort des conclusions du rapporteur public que les revenus procurés à la société holding par l’activité de référencement étaient substantiels (de l’ordre de 20 à 30 M€ pour chacun des exercices vérifiés) et représentaient la quasi-totalité de ses ressources. La défaillance de ses filiales, dont le risque n’était pas seulement théorique, aurait par conséquent mis un terme à son activité économique.

6. Dès lors que les abandons de créances consentis l’ont été dans le cadre d’une gestion commerciale normale à des fins relevant essentiellement de son activité commerciale afin de préserver la propre activité de la société holding, la somme correspondante est intégralement déductible des résultats de cette société.

Quel sort pour les aides consenties en cas de fourniture de services purement administratifs ?

7. Par la présente décision, le Conseil d’Etat atténue la portée de la doctrine administrative dans la mesure où la fourniture de services par une société mère à ses filiales est susceptible de révéler l’existence de relations commerciales.

La question se pose de savoir si cette solution pourrait être étendue à d’autres types de prestations de services (management fees notamment). Il convient de relever que le rapporteur public a émis une réserve à cet égard en précisant qu’il ne fallait pas déduire de la solution qu’il préconisait que les prestations internes à un groupe devraient toujours se voir reconnaître un caractère commercial et que la décision ne préjugerait dès lors pas de ce qu’il adviendrait si les services en cause avaient un caractère purement administratif.

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© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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