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Accueil/ Actualités - La Quotidienne/ Social/ Rupture du contrat de travail

L’accident en état d’ébriété au volant d’un véhicule de fonction, une faute grave ?

Un salarié peut être licencié pour une faute commise dans le cadre de sa vie personnelle, dès lors que les faits se rattachent à sa vie professionnelle. Illustration à propos d’un accident de la circulation commis au volant d’un véhicule de fonction.

Cass. soc. 19-1-2022 n° 20-19.742 F-D, Z. c/ Sté Manchettes résines réhabilitation de réseaux


Par Laurence MECHIN
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©Gettyimages

Le salarié en état d’ébriété impliqué dans un accident de la circulation avec son véhicule de fonction, en dehors des horaires de travail, peut-il être licencié pour motif disciplinaire ?

Des faits commis après la journée de travail…

Le salarié, exerçant les fonctions de chef d’équipe dans le secteur du bâtiment, s’était rendu à un salon professionnel sur instruction de l’employeur. Sur le trajet de retour à son domicile, en milieu de soirée, il a provoqué un accident de la circulation au volant de son véhicule de fonction, qui a été gravement endommagé. Son état d’ébriété a été constaté à cette occasion.

Licencié pour faute grave, le salarié a saisi le juge prud’homal pour contester la légitimité de la rupture. Selon lui, les faits, commis en dehors du temps et du lieu de travail, relevaient de sa vie personnelle et ne pouvaient pas, par conséquent, justifier un licenciement disciplinaire.

A noter :

La Cour de cassation juge en effet, de manière constante, que des faits relevant de la vie personnelle du salarié ne peuvent pas, en principe, constituer une faute dans les relations de travail. Le trouble objectif causé au bon fonctionnement de l'entreprise par le comportement du salarié peut, en revanche, constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement (Cass. soc. 30-11-2005 n° 04-13.877 F-P), mais ne justifie pas, dans ce cas, un licenciement disciplinaire (Cass. soc. 9-3-2011 n° 09-42.150 FS-PB). Par conséquent, si l’employeur se place à tort sur le terrain disciplinaire pour motiver la rupture du contrat de travail, le licenciement est nécessairement sans cause réelle et sérieuse.

…qui se rattachent à la vie professionnelle du salarié

La Cour de cassation, saisie du litige, approuve l’analyse des juges du fond. Pour décider que le licenciement du salarié reposait bien sur une faute grave, ils ont retenu que les faits qui lui étaient reprochés se rattachaient à sa vie professionnelle.

A noter :

L’employeur retrouve en effet le droit de se placer sur le terrain disciplinaire lorsque les faits relevant de la vie personnelle du salarié caractérisent un manquement à une obligation découlant de son contrat de travail (par exemple, une obligation de sécurité : Cass. soc. 4-10-2011 n° 10-18.862 FS-PB), ou lorsqu’ils se rattachent à sa vie professionnelle (par exemple, à propos de faits de violence commis en dehors du travail sur la personne d’un subordonné : Cass. soc. 6-2-2002 n° 99-45.418 F-D). L’indépendance entre vie personnelle et vie professionnelle ne signifie pas qu'en dehors des locaux de l'entreprise et en dehors des périodes de travail, le salarié ne puisse pas être inquiété s'il commet des faits ayant un rapport avec sa vie professionnelle, ou susceptibles de mettre en jeu la responsabilité de l’employeur.

Trois éléments permettent aux juges de relier l’accident de la circulation reproché au salarié à sa vie professionnelle : le salarié était au volant de son véhicule de fonction, il rentrait d’un salon professionnel, et il s’était rendu à ce salon sur instruction de son employeur, pour les besoins de son activité professionnelle.

A notre avis :

Cette décision de la Cour de cassation remet-elle en cause l’arrêt de principe selon lequel « le fait pour un salarié qui utilise un véhicule dans l'exercice de ses fonctions de commettre, dans le cadre de sa vie personnelle, une infraction entraînant la suspension ou le retrait de son permis de conduire ne saurait être regardé comme une méconnaissance par l'intéressé de ses obligations découlant de son contrat de travail » (Cass. soc. 3-5-2011 n° 09-67.464 FS-PB) ? On se souvient que cet arrêt avait été salué par la doctrine, car il avait signé l’abandon d’une décision contestée selon laquelle « le fait pour un salarié affecté en exécution de son contrat de travail à la conduite de véhicules automobiles de se voir retirer son permis de conduire pour des faits de conduite sous l'empire d'un état alcoolique, même commis en dehors de son temps de travail, se rattache à sa vie professionnelle » (Cass. soc. 2-12-2003 n° 01-43.227 FS-PBRI).

Selon nous, il n’en est rien. Dans les arrêts de 2003 et de 2011, l’employeur avait licencié le salarié pour faute grave en raison de la perte de son permis de conduire, rendant impossible l’exécution du contrat de travail. Ici, ce que reprochait l’employeur au salarié, c’est semble-t-il la dangerosité de son comportement et les dégâts causés à son véhicule.

La décision du 19 janvier 2022 est un arrêt d’espèce, qui n’a pas vocation à fixer la jurisprudence sur cette question. Mais il incitera l’employeur confronté à une telle situation à être vigilant sur la motivation de la lettre de licenciement.

Documents et liens associés

Cass. soc. 19-1-2022 n° 20-19.742 F-D, Z. c/ Sté Manchettes résines réhabilitation de réseaux

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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