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Un accord de rupture conventionnelle collective peut être conclu en cas de difficultés économiques

Première juridiction à statuer sur la rupture conventionnelle collective, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise se prononce pour un contrôle limité du Direccte et admet de recourir à ce dispositif en cas de difficultés économiques.

TA Cergy-Pontoise 16-10-2018 n° 1807099


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1. Pour la première fois depuis la mise en place du dispositif de rupture conventionnelle collective (RCC) par l’ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017 ayant pour objet d’encadrer et de sécuriser les départs volontaires des salariés, un syndicat non signataires, le CHSCT et un salarié d’une entreprise ont contesté en justice la légalité de la décision de validation d’un accord de RCC prise par le Direccte, en l’occurrence, l’accord signé le 2 mai 2018 au sein de Téléperformance France.

Le recours contre la validation (ou le refus) d’un accord collectif de RCC est porté devant le juge administratif. En cas de recours des organisations syndicales ou des salariés, le tribunal doit être saisi dans un délai de 2 mois suivant la date à laquelle la décision du Direccte a été portée à leur connaissance.

2. Le jugement du 16 octobre 2018 rendu, dans cette affaire, par le TA de Cergy-Pontoise rejette leur requête sur tous les points contestés. Il apporte les précisions intéressantes suivantes :
- le Direccte n’est pas tenu de contrôler le contenu des clauses de l’accord ;
- il est possible de conclure un accord de RCC même si les suppressions de postes envisagées dans ce cadre reposent sur un motif économique, dès lors que l’accord prévoit l’engagement pour l’employeur de ne pas procéder à des licenciements économiques pendant un délai de 12 mois suivant les premiers départs ;
- le non-respect du délai d’information de l’administration sur l’engagement d’une négociation est sans incidence sur la procédure et n’entraîne pas la nullité de l’accord ;
- le CHSCT et le CE (ou le CSE) n’ont pas à être consultés.

Le contrôle du Direccte, simple contrôle de légalité…

3. Il ressort, en premier lieu, de cette décision que le contrôle du Direccte est limité au strict respect des dispositions de l’article L 1237-19-3 du Code du travail, c’est-à dire que l’administration doit seulement s’assurer :

- de la conformité de l’accord à l’article L 1237-19 selon lequel un accord collectif peut déterminer le contenu d'une rupture conventionnelle collective excluant tout licenciement pour atteindre les objectifs qui lui sont assignés en termes de suppression d'emplois ;

- de la présence dans l’accord de toutes les clauses prévues à l’article L 1237-19-1 ;

- du caractère précis et concret des mesures d’accompagnement et de reclassement prévues par l’accord ;

- de la régularité de la procédure d’information des institutions représentatives du personnel prévue par l’accord.

En l’espèce, le juge a considéré que l’administration avait régulièrement validé l’accord de RCC du 2 mai 2018 « après avoir effectué, de manière exhaustive et adéquate, le contrôle administratif qu’il lui appartenait d’exercer ».

4. Le juge se conforme à l’intention du législateur telle qu’elle ressort des travaux parlementaires de la loi de ratification des ordonnances du 29 mars 2018 et prévoyant un simple contrôle de légalité et non d’opportunité. Ainsi, notamment, il n’appartient pas à l’administration de se prononcer ou sur le contenu d’une clause qui serait contraire au principe d’égalité de traitement (voir n° 5) ou sur le choix de l’entreprise de recourir à un accord de RCC ou à un plan de sauvegarde de l’emploi (voir n° 6).

… qui se borne à vérifier que l’accord contient toutes les clauses obligatoires ?

5. Les requérants soutenaient que le Direccte ne pouvait pas valider un accord collectif comportant des critères et des modalités de départage des candidats au dispositif ne garantissant pas le respect du principe d’égalité de traitement.

Si l’on s’en tient aux textes du Code du travail, on constate que l’accord doit déterminer les critères de départage entre les potentiels candidats au départ, sans plus de précisions. C’est l’administration qui est venue préciser que ces critères devaient respecter ce principe d’égalité de traitement et que les règles déterminant les salariés éligibles au départ volontaire devaient être préalablement définies et objectives, à charge pour le Direccte de s’assurer que l’accord les respecte bien (Questions-réponses min. trav. du 19-4-2018).

Il semblerait cependant que ce n’est pas la position retenue par le juge. Selon le jugement en effet, « il appartient seulement à l’administration de vérifier la présence au sein de l’accord des clauses prévues par l’article L 1237-19-1 du Code du travail (…). Dans le cadre de l’instruction de la demande de validation de l’accord collectif, il n’appartenait pas à l’administration de contrôler les modalités de mise en œuvre de la rupture conventionnelle collective fixées par l’accord collectif et librement négociées entre l’employeur et les organisations syndicales, mais seulement de s’assurer de la présence des clauses prévues à l'article L 1237-19-1 du Code du travail ».

A noter : Le tribunal administratif adopte une position divergente de celle de l’administration pour qui le Direccte ne peut pas se contenter de s’assurer de la présence des clauses obligatoires. Il doit vérifier que ces clauses respectent bien le principe d’égalité de traitement et ne contiennent pas de mesures discriminatoires, notamment en raison de l’âge (Questions-réponses min. trav. du 19-4-2018). Il convient donc d’être prudent sur la position prise par le tribunal et d’attendre confirmation par d’autres jugements ou par une cour administrative d’appel et le Conseil d’Etat.

Difficultés économiques : l’employeur n’est pas obligé de mettre en place un PSE

6. Selon les requérants, l’administration n’aurait pas dû valider l’accord de RCC dès lors que, en raison des motifs de nature économique à l’origine de sa conclusion, l’employeur avait éludé les règles impératives applicables en matière de licenciement collectif et aurait dû élaborer un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE).

Le juge rejette cet argument et considère au contraire que l’administration a opéré un contrôle régulier conforme aux prescriptions visées au n° 3, en s’assurant notamment du caractère précis et concret des mesures de reclassement. Pour le juge, le fait que les suppressions de poste envisagées par l’accord reposaient sur un motif économique n’était pas de nature à imposer la mise en œuvre d’un PSE, dès lors que, conformément aux dispositions du Code du travail, l’accord prévoyait bien une clause selon laquelle l’employeur s’engageait à ne pas procéder à des licenciements économiques pendant un délai de 12 mois suivant les premiers départs. Ce délai a été jugé raisonnable et suffit à établir l’absence de contournement des règles relatives au licenciement économique.

A noter : On attire l’attention sur le fait qu’un délai non raisonnable (c’est-à-dire trop court) pourrait être considéré par le juge comme un moyen pour l’employeur de détourner la procédure de licenciement économique et entraîner, de ce fait, la nullité de l’accord. Reste à savoir quelle durée pourrait être jugée déraisonnable. 9 mois ? 6 mois ? 3 mois ? D’autres précisions sur ce point seront les bienvenues.

7. Pour le juge enfin, et contrairement à ce que prétendaient les requérants, le Code du travail impose uniquement de prévoir dans l’accord des mesures d’accompagnement et de reclassement des salariés, mais ne rend pas obligatoire l’élaboration d’un plan de reclassement interne. Et de conclure que la circonstance que l’accompagnement des salariés serait moins favorable que dans le cadre d’un PSE est sans incidence sur la légalité de la décision de validation du Direccte.

L’information tardive du Direccte est sans incidence sur la procédure

8. L’employeur doit informer sans délai l’administration de son intention d’ouvrir une négociation en vue de la conclusion d’un accord de RCC (C. trav. art. L 1237-19 et D 1237-7). Les requérants soutenaient donc que cette modalité n’avait pas été respectée, puisque l’employeur avait entamé les négociations le 10 janvier 2018 et informé le Direccte seulement le 1er février. Ce retard pouvait-il entraîner la nullité de la procédure ?

Non, estime le tribunal, car selon lui, l’observation de ce délai n’est pas prescrite à peine de nullité. Mais une condition est toutefois posée : l’inobservation de ce délai est sans incidence sur la validité de l’accord si elle n’a pas pour conséquence de porter atteinte à une garantie de procédure ou n’a pas d’influence sur le sens de la décision de l’administration.

A noter : Selon le juge, l’obligation faite à l’employeur d’informer sans délai l’administration a pour objet principal de permettre à l’administration du travail d’exercer un suivi de la négociation collective, ainsi que de procéder à la désignation du directeur régional compétent pour se prononcer sur la demande de validation de l’accord.

Le CHSCT et le CE n’ont pas à être consultés

9. Dès lors que l’accord de RCC a contribué à « une restructuration et à une compression d’effectifs », l’employeur est-il tenu de consulter le comité d’entreprise sur le fondement de ces compétences générales et le CHSCT, comme le soutenaient les requérants ?

Là encore, le juge répond par la négative : les dispositions du Code du travail prévoyant uniquement que l’accord détermine les modalités et conditions d’information du CE (ou du CSE s’il a été mis en place), à charge pour le Direccte de s’assurer de la régularité de cette procédure d’information au regard des prescriptions de l’accord. Par ailleurs, le CHSCT n’a pas à être consulté.

A noter : En l’espèce, l’accord avait prévu l’organisation de deux réunions d’information du CE, la première à l’occasion de l’engagement des négociations, la seconde à son issue. Or, le Direccte s’est assuré que ces deux réunions avaient bien eu lieu. Ainsi, la procédure d’information des représentants du personnel prévue par l’accord avait été régulière.

Stanislas de FOURNOUX

Pour en savoir plus sur la rupture conventionnelle collective : Voir Mémento Social nos 69147s.

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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