Une femme mariée donne naissance à une fille. Deux ans plus tard, elle assigne son mari en contestation de paternité. Tous deux réclament l’audition de leur enfant mineure dans le cadre de la procédure. La cour d’appel refuse pour les raisons suivantes. Le débat porte sur la notion de possession d’état et les éléments juridiques la constituant, ainsi que sur celle d’intérêt supérieur de l’enfant tant in abstracto qu’in concreto. De telles notions ne peuvent être appréhendées par une enfant de huit ans, qui ne possède pas le discernement suffisant pour mesurer les enjeux du débat.
Censure de la Cour de cassation. Dans toute procédure le concernant, le mineur capable de discernement peut être entendu par le juge (C. civ. art. 388-1). Lorsque la demande est formée par les parties, l’audition peut être refusée si le juge ne l’estime pas nécessaire à la solution du litige ou si elle paraît contraire à l’intérêt de l’enfant mineur (C. civ. art. 338-4, al. 1 et 2). En l’espèce, la cour d’appel a invoqué des motifs impropres à caractériser l’absence de discernement et privé sa décision de base légale.
A noter :
Pour écarter l’audition du mineur, les juges doivent expliquer en quoi l’enfant n’est pas capable de discernement (Cass. 1e civ. 14-4-2021 n° 18-26.707 F-D : BPAT 3/21 inf. 161-9). À défaut, ils encourent la cassation comme dans l’affaire rapportée. L'absence de discernement a par exemple été caractérisée dans les cas suivants :
l'enfant, pas encore âgée de neuf ans, a écrit des lettres contradictoires à quelques jours d'intervalle démontrant qu'elle était soumise aux pressions de ses parents (Cass. 1e civ. 15-5-2013 n° 12-12.224 F-D) ;
l'enfant est pris dans un conflit de loyauté envers chacun de ses parents que la multiplication des procédures ne fait qu'aviver (Cass. 1e civ. 12-6-2013 n° 12-13.402 F-D).