Logo Lefebvre Dalloz Desktop
Votre métier
icone de recherche
icone de recherche
logo
Accueil/ Actualités - La Quotidienne/ Affaires/ Action en justice

Pas d’action de groupe pour les litiges nés d’un bail d’habitation

La cour d’appel de Paris juge qu’une association de consommateurs ne peut pas lancer une action de groupe pour un litige entre locataires et bailleur car le contrat de bail n’est pas un contrat de prestation de services et n’est pas régi par le Code de la consommation.

CA Paris 9-11-2017 n° 16/05321


QUOTI-20180104-UNE-affaires.jpg

Une association de défense des consommateurs agréée peut engager une action de groupe devant une juridiction civile pour obtenir la réparation des préjudices individuels subis par des consommateurs et ayant pour cause commune le manquement d'un professionnel à ses obligations, à l'occasion de la vente de biens ou de la fourniture de services (C. consom. art. L 623-1 ; ex-art. L 411-1).

Une clause d’un bail d’habitation conclu entre des locataires et un bailleur social prévoit que tout retard dans le paiement des loyers donnera lieu à versement d’une indemnité égale à 2 % du loyer. Une association de consommateurs lance une action de groupe pour voir déclarer cette clause illicite car la loi régissant les baux d'habitation répute non écrite toute clause d’un bail autorisant le bailleur à percevoir des amendes ou des pénalités en cas d'infraction aux clauses du contrat (Loi 89-462 du 6-7-1989 art. 4). L’association demande aussi des dommages-intérêts au profit des locataires concernés.

La cour d’appel de Paris juge l’action de l’association irrecevable, notamment pour deux raisons.

- Un contrat de fourniture de services pouvant être à l'origine d'une action de groupe est celui qui permet de réaliser une prestation de services ; il comprend une obligation de faire comme obligation essentielle, le débiteur de cette obligation s’engageant à titre principal à effectuer une activité déterminée, créatrice d’utilité économique. La location d’un immeuble constitue un contrat de louage de chose au sens de l’article 1709 du Code civil ; par ce contrat, le titulaire du droit réel sur l’immeuble procure durant un certain temps à son cocontractant la jouissance de celui-ci, en contrepartie du paiement d’un loyer ; le bailleur ne s’oblige donc pas, à titre d’obligation essentielle, à réaliser une activité déterminée créatrice d’utilité économique. La mise à disposition de l’immeuble ne saurait donc être qualifiée de fourniture de services et correspondre, pour le locataire, à la consommation d’un service.

- Le bail d’habitation, régi par la loi de 1989, obéit à des règles spécifiques exclusives du droit de la consommation. Les règles applicables au contrat d’habitation sont comprises dans le Code civil ou dans des textes non codifiés, elles ne sont pas incluses dans le Code de la consommation et ce Code n’y renvoie pas.

A noter : à notre connaissance, c’est la première fois, depuis la création de l’action de groupe « consommation » par la loi Hamon du 17 mars 2014, que la recevabilité d’une telle action est examinée par une cour d’appel. Depuis cette création, seule une dizaine d’actions de groupe a été initiée, dont plusieurs relatives aux baux. 

L'article L 623-1 du Code de la consommation ne vise pas expressément la location mais il résulte des travaux parlementaires préalables à son adoption que la volonté du législateur était d’inclure les litiges nés d’un tel contrat dans le champ de l’action de groupe, la location y étant envisagée comme une fourniture de services (Rapport AN n° 1574 relatif à la loi du 17-3-2014 p. 40). Le ministre du logement a également considéré que les locataires personnes physiques pouvaient, par l’action de groupe, obtenir réparation du préjudice économique subi du fait des manquements d’un même bailleur professionnel ou syndic à ses obligations (Rép. Paul : AN 10-6-2014 n° 38849). Pour écarter ces arguments, la cour d’appel de Paris juge que les travaux parlementaires ne peuvent pas, à eux seuls, être utilisés pour donner de la notion de fourniture de services des éléments de définition et un contenu que la loi ne précise pas. En effet, le Code civil dispose qu’il existe deux sortes de contrats de louage : le louage de chose et le louage d’ouvrage (C. civ. art. 1708). Le louage des choses est défini comme un contrat par lequel l’une des parties s’oblige à faire jouir l’autre d’une chose pendant un certain temps (C. civ. art. 1709), tandis que le louage d’ouvrage, en pratique plus fréquemment nommé « prestation de services », est un contrat par lequel l’une des parties s’engage à faire quelque chose pour l’autre, moyennant un prix convenu entre elles (C. civ. art. 1710). Pour l'application du règlement Bruxelles I relatif à la compétence judiciaire, qui vise lui aussi la « fourniture de services » (Règl. CE 44/2001 du 22-12-2000 art. 5, 1), la Cour de justice européenne a jugé que la notion de services « implique, pour le moins, que la partie qui les fournit effectue une activité déterminée en contrepartie d'une rémunération » ; elle en a déduit que n'est pas un contrat de fourniture de services le contrat par lequel le titulaire d'un droit de propriété intellectuelle concède à son cocontractant le droit de l'exploiter en contrepartie du versement d'une rémunération (CJUE 23-4-2009 aff. 533/07 : RJDA 12/09 n° 1141). Sauf à considérer que, dans l'article L 623-1 du Code de la consommation, les termes « fourniture de services » ont une acception plus large que ceux de « prestation de services » et peuvent englober la location d'une chose, le contrat de location paraît donc exclu du champ de l'action de groupe.

L'argument de la cour d'appel de Paris selon lequel le bail d’habitation obéit à des règles spécifiques exclusives du droit de la consommation est, à notre avis, moins convaincant. Cette cour se fonde sur plusieurs décisions de la Cour de cassation du 26 janvier 2017, rendues en matière de prescription de l’action en recouvrement des réparations locatives et des loyers impayés (Cass. 3e civ. 26-1-2017 nos 15-10.389, 15-27.688, 15-25.791 : RJDA 5/17 n° 320). La Cour de cassation y a exclu l'application de la prescription biennale du Code de la consommation, prévue pour les actions des professionnels contre les consommateurs (C. consom. art. L 218-2). La situation est toutefois différente de celle de la présente affaire car un article spécifique de la loi du 6 juillet 1989 (art. 7-1) prévoit, depuis la loi Alur du 24 mars 2014, que toutes les actions dérivant du bail sont prescrites par trois ans. Cette règle particulière exclut donc la règle du Code de la consommation. En revanche, aucune disposition spécifique de la loi de 1989 précitée ne traite de l'action de groupe et rien dans les textes n'indique qu'une telle action doive être fondée sur une violation d'une règle du Code de la consommation.

Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Concurrence consommation nos 3422 s

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

Aller plus loin


Mémento Sociétés civiles 2024
affaires -

Mémento Sociétés civiles 2024

Le mode d’emploi des SCI, SCPI, SCP, SCM, GAEC…
175,00 € TTC
Mémento Sociétés commerciales 2024
affaires -

Mémento Sociétés commerciales 2024

Maîtrisez chaque étape de la vie d'une société !
199,00 € TTC