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Obligation de bonne foi et agrément d’un candidat à un réseau de distribution sélective qualitative

Ne relève pas de l’exigence de bonne foi contractuelle l’obligation du titulaire d’un réseau de distribution sélective qualitative de déterminer les critères de sélection et de les mettre en œuvre uniformément et de manière non discriminatoire.

Cass. com. 16-2-2022 n° 20-11.754 FS-B, Sté du Garage de Bretagne c/ Sté Mercedes-Benz France


Par Dominique LOYER-BOUEZ
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©Gettyimages

Un constructeur automobile à la tête d’un réseau de distribution sélective qualitative refuse d’intégrer dans son réseau une société exploitant un garage automobile qui en avait fait la demande. La société recherche alors la responsabilité du constructeur sur le terrain tant du droit commun des contrats que du droit de la concurrence. Sous ces deux aspects, la Cour de cassation apporte d'utiles précisions.

Refus d'agrément au regard du droit commun des contrats

La société candidate invoque l’obligation de bonne foi contractuelle (C. civ. art. 1104) et fait valoir que celle-ci impose au titulaire d’un réseau de distribution sélective qualitative de déterminer un processus de sélection fondé sur des critères objectivement fixés et de mettre en œuvre ces critères de façon non discriminatoire. Le constructeur ne pouvait donc pas valablement refuser la candidature de la société alors que ce refus n’était pas justifié par le non-respect des critères de sélection. 

La Cour de cassation rejette cet argument : si, pour assurer la libre concurrence sur le marché, le droit de la concurrence impose à la tête d’un réseau de distribution sélective qualitative de déterminer les critères de sélection requis par la nature des biens distribués et de les mettre en œuvre de façon uniforme et non discriminatoire, cette exigence ne relève pas de l’obligation de bonne foi contractuelle.

A l’occasion d’une précédente affaire concernant un réseau de distribution sélective quantitative, une cour d’appel avait jugé que le titulaire du réseau avait commis une faute en refusant d’agréer un candidat car, dès la phase précontractuelle, il devait respecter son obligation générale de bonne foi dans le choix de son cocontractant et devait donc sélectionner ses distributeurs sur le fondement de critères définis et objectivement fixés et appliquer ceux-ci de manière non discriminatoire. Cette décision avait été censurée par la Cour de cassation au motif que « l’exigence de bonne foi ne requiert pas, de la part de la tête d'un réseau de distribution, la détermination et la mise en œuvre d'un tel processus de sélection » (Cass. com. 27-3-2019 n° 17-22.083 FS-PB : RJDA 10/19 n° 616).

Malgré la généralité de la formule, la question s’était posée de la portée de cette solution qui avait été rendue dans le cas d’un refus d’agrément au sein d’un réseau de distribution sélective quantitative, lequel est par essence discriminatoire. Par la décision commentée, la Cour de cassation confirme que le principe énoncé en 2019 s’applique à tout type de distribution sélective, qu’elle soit quantitative ou qualitative.

Rappelons que la distribution sélective qualitative « consiste à agréer les revendeurs sur la seule base de critères objectifs requis par la nature du produit [...] », ces critères « n’impos[ant] pas de limitation directe au nombre de revendeurs agréés » et que la distribution sélective quantitative « ajoute d’autres critères de sélection qui limitent plus directement le nombre potentiel de revendeurs agréés » (Commission européenne, Lignes directrices sur les restrictions verticales, 2010/C 130/0). La licéité, au regard du droit de la concurrence, de la distribution sélective qualitative est subordonnée à des conditions qui requièrent, en particulier, que les revendeurs soient « choisis sur la base de critères objectifs de nature qualitative qui sont fixés de manière uniforme pour tous, portés à la connaissance de tous les revendeurs potentiels et appliqués de façon non discriminatoire » (Lignes directrices précitées).

Refus d'agrément au regard du droit de la concurrence

La société tente par ailleurs d’engager la responsabilité du constructeur automobile sur le terrain du droit de la concurrence.

La Cour de cassation ne répond pas aux arguments de la société et substitue aux motifs de la cour d’appel le motif de « pur droit » suivant : ni le droit européen ni le droit national de la concurrence ne prohibent le seul refus, par l’opérateur à la tête d’un réseau de distribution sélective qualitative, d’agréer des distributeurs qui remplissent les critères de sélection, seule une mise en œuvre discriminatoire de ces derniers ayant pour objet ou pour effet de fausser la concurrence ou un refus ayant le même objet ou effet étant prohibés par les articles 101, 1 du TFUE ou L 420-1 du Code de commerce.

Au cas particulier, la société n’avait pas précisé en quoi le refus d’agrément qui lui avait été opposé aurait eu pour objet ou effet de fausser la concurrence.

La Cour fait ainsi prévaloir le principe de la liberté contractuelle, expressément consacré par l’article 1102 du Code civil (« Chacun est libre de contracter ou de ne pas contracter », auquel se conforme, par sa définition même, la distribution sélective ; celle-ci, en effet, est un système dans lequel la tête du réseau s’impose de ne vendre ses produits ou services qu’à des distributeurs sélectionnés sur la base de critères prédéfinis, mais ne s’engage nullement à agréer tout candidat qui remplirait ces critères.

On relèvera que le motif « de pur droit » que la Cour de cassation en a tiré, et qu’elle a substitué à celui de la cour d’appel, consacre la jurisprudence des juridictions du fond (CA Paris 19-10-2016 n° 14/07956 : « le principe fondamental de la liberté contractuelle autorise tout opérateur économique à organiser son réseau de distribution comme il l'entend sous la seule réserve de ne commettre aucune pratique anticoncurrentielle » ; CA Paris 27-3-2019 n° 17/09056 : « aucune obligation de conclure un contrat de distribution sélective avec tous les distributeurs remplissant les critères de sélection ne pèse sur le fournisseur, en raison du principe de la liberté contractuelle »).

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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