En 2012, un père de trois enfants mineurs exerçant avec leur mère l’administration légale effectue trois virements de 5 000 € au débit de leurs comptes d’épargne respectifs, vers le compte de son entreprise. Il opère également plusieurs virements et retraits de ces mêmes comptes, jusqu’à quasiment épuiser leurs soldes. La mère alerte le juge des tutelles, qui désigne un administrateur ad hoc, puis elle recherche la responsabilité de la banque pour manquement à son obligation de vigilance. Condamnée en appel à payer diverses sommes aux enfants, la banque se pourvoit en cassation en invoquant notamment le fait qu’elle n’était pas garante de l’emploi des capitaux décidé par l’administrateur légal.
La Cour de cassation rejette le pourvoi. Opérant une substitution de motifs, elle énonce que :
dans l’administration légale pure et simple, les parents accomplissent ensemble les actes de disposition sur les biens du mineur. À défaut d’accord entre eux, l’acte est autorisé par le juge des tutelles (C. civ. art. 389-5 abrogé par ord. 2015-1288 du 15-10-2015 et 505 combinés) ;
la modification de tout compte ou livret ouvert au nom du mineur est un acte de disposition (Décret 2008-1484 du 22-12-2008 ann. 1). Constituent de tels actes les virements opérés par le père sur les comptes d’épargne ouverts au nom de ses enfants mineurs.
En ne sollicitant pas l’autorisation de la mère pour accomplir ces actes de disposition, la banque a commis une faute engageant sa responsabilité.
A noter :
1. En qualifiant les virements opérés au débit du compte d’un enfant d’actes de disposition, devant être accomplis par les deux administrateurs légaux, la chambre commerciale adopte une solution protectrice des intérêts des mineurs. Elle semble prendre le contrepied de la 1e chambre civile qui a jugé, d’une part, que constituent des actes d'administration pouvant être effectués par l’administrateur légal la réception des capitaux échus au mineur et leur retrait du compte de dépôt sur lequel il les a versés, et, d’autre part, que la banque n'est pas garante de l'emploi des capitaux par l’administrateur légal (Cass. 1e civ. 11-10-2017 n° 15-24.946 FS-PBI : BPAT 6/17 inf. 212 comm. N. Peterka). Toutefois, la référence à « la modification de tout compte ou livret ouvert au nom de la personne protégée » utilisée pour rattacher les virements litigieux à la catégorie des actes de disposition peut surprendre, dans la mesure où :
il ne s’agit pas à proprement parler d’une modification du compte, sauf à considérer que toute opération faisant varier le solde du compte constitue une telle modification ;
cela revient à adopter une classification automatique ne tenant pas compte des montants en jeu au regard de la valeur du patrimoine du mineur.
2. La solution, adoptée à propos d’une administration légale pure et simple, est transposable à l’administration légale exercée par les deux parents telle qu’issue de l’ordonnance du 15 octobre 2015. Pour rappel, avant le 1er janvier 2016, l'administration légale était dite pure et simple lorsque les deux parents exerçaient en commun l'autorité parentale. Les deux parents administrateurs légaux devaient accomplir ensemble les actes de disposition sur les biens du mineur. À défaut d’accord entre eux ou pour certains actes spécifiques, l’autorisation du juge des tutelles était requise (C. civ. art. 389-5 abrogé par ord. 2015-1288 du 15-10-2015). Depuis le 1er janvier 2016, lorsque l'autorité parentale est exercée en commun par les deux parents, chacun d'entre eux est administrateur légal (C. civ. art. 382 modifié par ord. 2015-1288 du 15-10-2015). Les administrateurs légaux restent tenus d’accomplir en commun les actes de disposition (C. civ. art. 382-1 créé par ord. 2015-1288 du 15-10-2015, a contrario). L’autorisation du juge reste nécessaire en cas de désaccord entre eux ou pour accomplir certains actes spécifiques (C. civ. art. 387 modifié par ord. 2015-1288 du 15-10-2015 et 387-1 créé par ord. 2015-1288 du 15-10-2015).
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