Si l'exproprié s'est abstenu de répondre aux offres de l'administration et de produire un mémoire en réponse, le juge fixe l'indemnité d'après les éléments dont il dispose (C. expr. art. R 311-22, al. 3).
À la suite de l’expropriation d’un terrain lui appartenant, une société se voit accorder une indemnité principale d’un montant de 10 830 € et une indemnité de remploi de 1874,50 € par la cour d’appel de Cayenne.
L’expropriant conteste et forme un pourvoi : lorsque l’exproprié s’est abstenu de répondre aux offres de l’expropriant et de produire un mémoire en réponse, le juge ne peut lui allouer une somme supérieure à celle proposée par l’expropriant « au prétexte que le commissaire du gouvernement aurait conclu en ce sens » (l’expropriant avait en l’espèce proposé de verser une indemnité principale de 3 819 € et une indemnité de remploi de 763,80 €).
La Cour de cassation n’est pas de cet avis : « en application de l'article R 311-22 du Code de l'expropriation, si l'exproprié n'a pas répondu aux offres de l'expropriant pendant la phase de fixation amiable des indemnités de dépossession, ni notifié de mémoire pendant la phase judiciaire, le juge peut allouer une indemnité :
supérieure à l'offre de l'expropriant ;
dès lors que celle-ci n'excède pas la proposition du commissaire du gouvernement ».
A noter :
Lorsque l’exproprié s’abstient de répondre aux offres de l’expropriant et de produire un mémoire en réponse, la Cour de cassation considérait jusqu’à présent que le juge devait entériner purement et simplement l’offre d’indemnité de l’expropriant sans aucun pouvoir d’appréciation (Cass. 3e civ. 17-7-1973 n° 72-70.198 : Bull. civ. III n° 482), même si le commissaire du gouvernement proposait un montant plus élevé (Cass. 3e civ. 23-9-2020 n° 19-20.633 : AJDI 2020 p. 848 ; Cass. 3e civ. 15-2-2024 n° 22-16.462).
Opérant un revirement de jurisprudence, la Cour de cassation décide désormais que le juge, « tenu de fixer l'indemnité en fonction des éléments dont il dispose au titre desquels figure la proposition du commissaire du gouvernement », peut accorder une indemnité supérieure à l'offre de l'expropriant dans la limite de l’évaluation proposée par le commissaire du gouvernement.
Les Hauts Magistrats justifient ce revirement en rappelant qu’en matière d’expropriation, l’application du principe selon lequel « l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties » (CPC art. 4) tient compte notamment de la présence à l’instance du commissaire du gouvernement qui est « partie à la procédure » (CEDH 24-4-2003 n° 44962/98 Yvon c/ France : AJDI 2003 p. 330 ; Cass. 3e civ. 23-6-2010 n° 09-13.516 : D. 2010 p. 1710). Comme le souligne la cour d’appel de Cayenne dans une affaire similaire, le commissaire du gouvernement « dépositaire d'une expertise particulière en matière foncière » et disposant « d'un accès facilité à des bases de données utiles à l'évaluation », est en capacité « d'éclairer la décision judiciaire par rapport à l'objectif d'une juste indemnisation » (CA Cayenne 8-4-2024 n° 22/00315).
En revanche, rappelle la cour suprême, lorsque l'exproprié forme une demande (soit en répondant à l'offre de l'expropriant, soit en produisant un mémoire en réponse), « le juge ne peut statuer au-delà du quantum de celle-ci, y compris lorsque la proposition du commissaire du gouvernement lui est supérieure ».
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